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L’escalade, un sport égalitaire ? L’illusion d’un sommet accessible

Dernière mise à jour : 18 mars

Cette année, le Salon de l’Escalade, ce n’était pas qu’une débauche de magnésie et de baudriers dernier cri. C’était aussi un lieu où l’on cause. Où l’on creuse. Où l’on met en lumière les failles autant que les prises. Parmi les conférences organisées par Vertige Media, l’une d’elles a pris le pari de poser une question qui gratte : le féminisme a-t-il encore du sens dans l’escalade ?


Réponse rapide : oui, mille fois oui.


Féminisme et escalade : Casser les plafonds de verre
Féminisme et escalade : casser les plafonds de verre © Le Cinoche

Mais dans le détail, les nuances sont plus riches, plus contrastées. C’est ce qu’ont exploré Aurélia Mardon (sociologue), Caroline Ciavaldini (athlète et fondatrice de Grimpeuses) et Sophie Berthe (activiste), sous la houlette de Pierre-Gaël Pasquiou, fondateur de Vertige Media.


L’escalade, un sport égalitaire ? Ou l’illusion du déjà-acquis


L’escalade a l’avantage d’un décor flatteur : des catégories féminines bien établies, des primes égales en compétition, un imaginaire collectif qui se veut bienveillant. « Sur le papier, tout va bien », résume Caroline Ciavaldini. « Mais il suffit de creuser un peu pour voir que la réalité est plus rude. »


Le constat d’Aurélia Mardon, sociologue spécialiste du genre et du sport, est sans appel :

« Dès l’adolescence, l’appropriation des espaces et des rôles est genrée. Les garçons se dirigent vers le dévers, la salle de muscu, les postes d’ouvreur. Les filles, elles, restent plus souvent en retrait. »

Aurélia Mardon
Sophie Berthe et Aurélia Mardon © Le Cinoche

Un simple biais culturel ? Non, une mécanique qui se perpétue dans le haut niveau. « Aujourd’hui, sur 38 ouvreurs nationaux en France, seules trois sont des femmes », rappelle-t-elle. Et pour cause : si les jeunes grimpeuses ne sont pas encouragées à ouvrir des voies, difficile d’espérer une représentation plus équilibrée à long terme.


Sophie Berthe en a fait l’expérience :

« L’injonction au corps parfait pèse lourd. Une femme avec un dos musclé, on l’appelle ‘un tank’. Chez un homme, ce serait ‘puissant’. »

Ce double standard ne touche pas que l’image : il a un impact direct sur la performance.


« Quand tu sais que ta morphologie risque d’être moquée, tu freines ton entraînement. Et, in fine, tes résultats. »

La mixité choisie : solution ou repli ?


Créer des espaces exclusivement féminins pour favoriser la progression et la confiance, est-ce une avancée ou une impasse ?


Pour Caroline Ciavaldini, qui a fondé Grimpeuses, l’objectif n’est pas de s’enfermer entre femmes, mais de leur donner une base solide : « On pousse les filles à grimper en tête, à prendre des décisions, à ne pas se laisser enfermer dans le rôle de ‘celle qui suit’. »

Mais une question demeure : si les femmes se retrouvent entre elles, qui éduque les hommes ?


Carolina Ciavaldini et Pierre-Gaël Pasquiou
Carolina Ciavaldini et Pierre-Gaël Pasquiou © Le Cinoche

C’est là que la discussion prend une tournure plus nuancée. Aurélia Mardon souligne que la non-mixité n’est pas une finalité mais un outil :


« C’est un levier pour reprendre confiance, mais ça ne doit pas devenir une bulle imperméable. »

Sophie Berthe complète :


« Ce qu’il faut, c’est que les mentalités évoluent des deux côtés. Les hommes doivent aussi être bousculés dans leurs repères, réaliser que l’escalade n’est pas un terrain neutre. »

Prendre conscience, c’est déjà grimper un échelon


Une idée revient en boucle : la nécessité d’un regard critique. C’est en déconstruisant ce qui semble anodin qu’on progresse.


Sophie Berthe cite un exemple frappant : l’expérience des mentors. « Beaucoup de femmes ont découvert la falaise grâce à un homme. C’est super… mais ça perpétue une certaine dépendance. Pourquoi ne pas voir plus de grimpeuses transmettre leur savoir à d’autres ? »

Même mécanique sur l’ouverture des voies. Pierre-Gaël Pasquiou rebondit : « Si on n’encourage pas les filles à ouvrir en club, comment peut-on espérer voir des ouvreuses en compète ? »


Et maintenant, on fait quoi ?


Les solutions existent, et elles commencent sur le terrain :


✔️ Écouter les grimpeuses. Avant d’expliquer, entendre.

✔️ Interroger ses propres habitudes. Qui grimpe en tête ? Qui décide des voies ? Qui enseigne ?

✔️ Créer des espaces où les femmes peuvent progresser différemment.


Caroline Ciavaldini insiste :

« Ce qui me fascine, c’est de voir les prises de conscience se faire, petit à petit. On n’a pas besoin d’un grand soir du féminisme en escalade. On a besoin d’un travail de fond, de graines plantées un peu partout. »

Vous avez manqué la conférence ? Pas de panique.


📽️ Vidéo de la conférence :




Et si après ça, vous voyez encore l’escalade comme un sport égalitaire par nature… vous avez peut-être raté une prise.

 
 
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