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Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Mythe de l'équipement : Les goujons sont-ils toujours fiables ?

Dans le monde de l'escalade sportive, les goujons et autres ancrages fixes sont souvent perçus comme des gages de sécurité. Pourtant, cette confiance peut parfois être mise à mal. Kolin Powick (KP), responsable de la qualité chez Black Diamond, partage une expérience personnelle qui l'a poussé à reconsidérer la manière dont les grimpeuses et grimpeurs approchent la sécurité des voies déjà équipées.


Goujon décroché escalade
© James Lucas

Une chute qui aurait pu mal tourner


Lors d'une session d'escalade près de chez eux, la femme de KP, Ellen, a vécu une mésaventure qui aurait pu mal tourner. Après une petite chute habituelle, elle a crié (ce qui était inhabituel pour elle) avant de tomber plus loin que prévu. L’écrou du goujon s’était complètement dévissé, laissant tomber la plaquette et la dégaine à demeure. Heureusement, le dernier goujon a retenu sa chute avant qu’elle ne heurte une corniche.


KP raconte : « Il s’est avéré que l’écrou du goujon s’est détaché alors qu’il n’y avait presque plus de filetage, et qu’une force légèrement extérieure exercée par la chute l’a fait lâché, ce qui a fait sauté la plaquette et l’ensemble de la dégaine à demeure, qui ont donc glissé le long de la corde pendant la chute et sont venus cogner son avant-bras. Heureusement, qu’elle n’a pas été heurtée au visage ! » Une fois redescendue, Ellen a admis, non sans humour : « Manifestement pas cette fois-ci ! » quand son mari lui a demandé si elle avait vérifié les points d’ancrage.


Un problème plus répandu qu’on ne le croit


Quelques semaines plus tard, une autre expérience similaire est survenue à Bill Ramsey, un grimpeur bien connu sur les falaises locales. « Il était accroché à un goujon et a remarqué que l’écrou était incroyablement lâche et sur le point de sauter. Avec beaucoup de précautions, il s’est frayé un chemin jusqu’au goujon suivant pour se mettre en sécurité, il a récupéré une clé et a resserré l’écrou suspect. » Cette série d’incidents soulève des questions cruciales : combien de grimpeuses et grimpeurs vérifient vraiment les points d’ancrage, et qui prend en charge leur entretien ?


Kolin Powick
© Christian Adam

KP a interrogé plusieurs grimpeurs professionnels et ambassadeurs de Black Diamond pour connaître leur vision sur le sujet.


Hazel Findlay : un coup d’œil suffisant ?


Hazel Findlay, l'une des figures emblématiques de l'escalade, avoue qu'elle ne vérifie pas systématiquement chaque goujon. « Je vérifie au moins les premiers goujons, mais si je vois que les premiers sont neufs ou scellés, j’ai tendance à ne pas les vérifier au fur et à mesure, en particulier lors d’une ascension à vue. » Elle précise aussi qu’elle a une clé à portée de main pour resserrer les goujons si nécessaire : « Parfois, a-t-elle répondu. Nous en avons une dans le van et nous l’emmenons avec nous si nous pensons en avoir besoin. »


Quant aux goujons suspectés d’être défectueux, Hazel explique : « Cela dépend de l’endroit où je me trouve et de la gravité de la situation, mais je n’ai jamais eu d’expérience explicitement mauvaise. En général, je me dis plutôt : "ces goujons mériteraient d’être remplacés, mais ils sont probablement sûrs pour l’instant." »


Daila Ojeda : une habitude précieuse


Pour Daila Ojeda, la vérification des goujons est une seconde nature, développée grâce à ses partenaires de grimpe. « Je vérifie les goujons parce que je fais de l’escalade et que j’ai toujours grimpé avec des personnes qui équipent les voies et resserrent les goujons d’escalade sportive et qui sont très attentives à ce sujet, alors j’ai pris l’habitude de les vérifier. »


Elle confie même posséder une petite clé offerte par un ami équipeur : « Un ami qui équipe beaucoup de voies m’a offert une petite clé que je garde dans mon sac à dos. Et je dois vous dire qu’elle m’a été utile à de nombreuses reprises. Dans certaines régions, les locaux laissent une clé sur les falaises pour que les gens puissent l’utiliser en cas de besoin. »


Daila Ojeda
© Christian Adam

Babsi Zangerl : apprendre de ses erreurs


Babsi Zangerl raconte une expérience similaire à celle d’Ellen Powick. « La même chose m’est arrivée sur une voie, a déclaré Babsi. La plaquette était lâche et elle s’est détachée lors de mon passage et je suis tombée et j’ai chuuuuuuté. Avant cette expérience, je n’avais jamais vraiment vérifié de goujons. J’ai toujours considéré qu’il s’agissait d’une protection fiable acquise. Aujourd’hui, je les vérifie souvent. »


Sur les longues ascensions, Babsi emporte désormais une clé pour s’assurer que les goujons sont bien fixés. Cependant, elle admet qu’en couenne, elle se contente souvent de serrer les écrous avec ses doigts.


Son partenaire de grimpe, Jacopo Larcher, a lui aussi appris de ses erreurs après avoir arraché un goujon en grande voie. « En ce qui me concerne, j’ai commencé à vérifier les goujons après en avoir arraché un lors d’une escalade multi-pitch. Depuis lors, je fais plus attention et j’essaie de toujours vérifier les goujons. » Il ajoute : « J’ai aussi rencontré quelques situations où l’écrou s’est desserré à cause de la résistance de la corde (surtout dans les traversées) et où la plaquette s’est détachée. C’est quelque chose qui me fait peur et c’est pourquoi j’ai toujours une clé dans mon sac à dos ! »


Seb Bouin : la confiance au bout des doigts


Seb Bouin, connu pour ses ascensions sur des voies extrêmement difficiles, passe de nombreuses heures à travailler des lignes exigeantes et à solliciter régulièrement le matériel en place. « Comme j’équipe des voies, j’ai l’habitude de vérifier les goujons lorsque je grimpe, explique-t-il. Je me contente généralement de vérifier les goujons clés (c’est-à-dire ceux qui, s’ils se cassent, font que vous risquez de toucher le sol). »


Pour Seb, comprendre le fonctionnement des goujons est essentiel. « Il est très difficile de vérifier un goujon si on n’en a jamais posé, ou du moins si l’on ne comprend pas son fonctionnement. Il est très difficile de connaître l’intégrité de la partie du goujon que l’on ne peut pas voir. Si le goujon a l’air détérioré vu de l’extérieur, c’est qu’il est détérioré. Mais parfois, ce qui semble bien à l’extérieur est totalement abimé à l’intérieur. »


Seb recommande également l’utilisation de scellements chimiques, plus durables : « Je pense que la meilleure façon d’éviter ce genre de problème serait d’utiliser des scellements chimiques (collages). Ils ont une durée de vie plus longue et excluent le problème de desserrage de l’écrou. »


Seb Bouin
© Christian Adam

La communauté au cœur de la sécurité


Ces témoignages montrent qu’il est primordial de rester vigilant face à l’équipement fixe en escalade. Les grimpeuses et grimpeurs locaux jouent souvent un rôle crucial dans l’entretien des voies et la signalisation des goujons défectueux. Daila Ojeda souligne l’importance de la communication : « J’aime savoir qui a équipé la voie que j’escalade et s’il y a un problème avec cette voie, j’en parle normalement à celui qui l’a équipée ou à une association. »


Le message de KP est clair : prenez toujours le temps de vérifier l’équipement autour de vous. Une vérification rapide peut vous éviter bien des déconvenues, et emporter une clé dans votre sac pourrait s’avérer judicieux.


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