« Ce n’est pas du tout ce qui se passe chez Climb Up » : François Petit répond à Mediapart
- Matthieu Amaré
- 25 juil.
- 16 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 sept.
En réaction à l’article publié sur Mediapart le 22 juillet 2025, la direction de Climb Up a publié un communiqué le lendemain pointant « des attaques portées contre la profession ». Le président fondateur du plus grand réseau de salles privées d’escalade en France a répondu aux questions de Vertige Media. Et que ce soit sur les grèves, les ouvertures, le marché, la situation économique, l’inclusion et la diversité, le management et les jeunes générations, François Petit dit tout. Entretien exclusif.

Vertige Media : Dans quel état d'esprit es-tu, après la publication de l'article sur Mediapart ?
François Petit : On est effectivement un peu triste de ce qui est écrit. La situation décrite, ce n'est pas du tout ce qu’il se passe dans nos salles. À Aubervilliers, il y a eu des problèmes au printemps, il y a eu des grèves mais depuis, beaucoup de choses ont été réglées. Et puis quand Mediapart nous a envoyé la liste de questions, très ciblée, c'était pendant mes congés. On avait seulement trois jours pour répondre, donc on n'a pas pu le faire. Ils nous ont envoyé les questions le 6 ou le 7 juillet. Il fallait rendre nos réponses le 10. C’est leur méthode, bon (en réalité, les questions de Mediapart ont été envoyées le 4 juillet par email avec une relance le 9 par texto, ndlr) Ils avaient déjà des informations de certain·es collaborateur·ices. Certainement celles et ceux qui ont été licencié·es. Et puis, le responsable de la CGT qu’ils ont interviewé, nous, on n’a jamais rencontré cette personne. Bref, après, il n’y a pas que ça. À la suite des grèves, des articles sur la pollution de l’air ont été publiés, ça a dégradé encore plus l’image des salles d’escalade. C’est pour ça qu’on a fait un communiqué de presse un peu plus large.
Vertige Media : C’est vrai que ce communiqué de presse est très global. Vous insistez beaucoup sur « les attaques portées contre la profession ». Pourquoi avoir préféré une communication sur l’ensemble du secteur alors que l’enquête de Mediapart traite spécifiquement du réseau de salles de Climb Up ?
François Petit : Parce qu’on trouve qu’en ce moment, c'est compliqué dans la profession. La fréquentation est plutôt stable, alors qu'avant on progressait. Là, ça devient tendu pour tous les acteurs. On trouve que c'est une attaque contre Climb Up, mais également sur l'ensemble de la profession, que ce soit les ouvreurs ou les encadrants. Pourtant, on fait le maximum pour eux. On met des temps de pause. On essaye de leur donner des dotations matérielles : des chaussures d'approche pour les encadrants, de façon à ce qu'ils travaillent dans les meilleures conditions. Depuis 4 ans, on produit des enquêtes bien-être à destination de nos collaborateur·ices. 68% des salarié·es se déclarent satisfait·es de leurs horaires, 69% de leur temps de repos et 91% estiment que les conditions de sécurité sont respectées. Voilà. Ça dénote un petit peu avec ce qui est écrit sur Mediapart. La majorité de nos collaborateur·ices est contente de travailler chez nous. On met en place des choses derrière pour améliorer leurs conditions de travail. Alors quand on lit ce type d’article, il y a un peu de déception, effectivement. Ce sont des choses tout à fait erronées et infondées sur les conditions de travail dans nos salles.

Vertige Media : Mediapart parle d'une augmentation du nombre d'accidents sur auto-enrouleurs depuis 2020 dans vos salles. Est-ce que tu confirmes ?
François Petit : Depuis quelques années, il est vrai qu’on a mis davantage d'auto-enrouleurs. Depuis 2019, on en a mis à Aubervilliers, sur Angers, à Mulhouse… On a 59 auto-enrouleurs en tout sur nos 1550 lignes de cordes. Et donc, effectivement, il y a eu des accidents. On a un accident grave qui est arrivé à Confluence (une quartier de Lyon, ndlr) avec quelqu'un qui ne s'est pas assuré, qui ne s'est pas mousquetonné. Mais voilà, on n'a pas plus d'accidents (selon un rapport interne, 7 accidents sur auto-enrouleurs ont été déclarés dans l'ensemble des salles de Climb Up en France en 2024, ndlr)
Vertige Media : Là, tu parles du décès à Lyon, en novembre 2024 ?
François Petit : Oui.
Vertige Media : Justement, l'article dit aussi que depuis, vous avez retiré les auto-enrouleurs de cette salle à Lyon. C'est le cas ?
François Petit : Oui. En fait, ces auto-enrouleurs, ils étaient mélangés avec d'autres lignes de cordes dans la salle. D'où la confusion. Il y a souvent 4 à 5 voies sur auto-enrouleurs parmi des lignes de corde. Et parfois, des personnes veulent essayer les voies à gauche ou à droite qui sont libres. Elles partent dans la voie sans se mousquetonner. Comme à Lyon, les auto-enrouleurs sont un peu dispersés dans la salle, on ne pouvait pas mettre tous les auto-enrouleurs dans un espace confiné. Donc on les a retirés. Et sur les autres salles, on enlève effectivement la ligne de corde à droite ou à gauche d’une voie avec auto-enrouleurs pour que les gens ne puissent pas grimper dedans. Pour sécuriser.
« Je n’aurais jamais imaginé que les salarié·es de Climb Up puissent faire grève un jour. Mais voilà, la CGT a un peu poussé pour que certaines personnes le fassent »
Vertige Media : Pourquoi ne pas avoir mis en place des espaces dédiés, confinés, aux auto-enrouleurs ?
François Petit : À Confluence, on ne pouvait pas faire des espaces dédiés, donc on les a retirés complètement. Mais pour moi, on a pas besoin de mettre des auto-enrouleurs. Pour nous, la grimpe, c’est à deux. On a une corde, il y a un assureur, un grimpeur. Voilà. Quand tu es deux, il y a effectivement moins de chance de faire une bêtise parce que tu as le grimpeur qui va regarder si l’assureur a bien mis son appareil d’assurage et l’assureur regarde si le noeud est bien fait.
Vertige Media : Mais pourtant, tu en as quand même mis dans tes salles. Qu'est-ce qui t'a convaincu d'en mettre ?
François Petit : Parce qu’il y a des gens qui souhaitent grimper de façon autonome. On met donc les auto-enrouleurs proche de l'accueil ou proche d'un endroit où on peut surveiller. En revanche, il n'y a pas encore d’espaces dédiés à part ceux consacrés au fun climbing où l’on trouve des surveillants pour encadrer les enfants.
Vertige Media : Un membre de la CGT souligne que vous avez refusé d’embaucher des surveillant·es chargé·es de contrôler l’assurage dans les salles Climb Up. Est-ce que c’est le cas ?
François Petit : On avait déjà des surveillant·es dans certaines salles avant d'avoir des discussions avec les délégué·es du personnel : à Gerland (quartier de Lyon, ndlr), Porte d’Italie (arrondissement de Paris, ndlr) par exemple. On a donc mis en place ces surveillant·es dans les endroits et les moments où il y a beaucoup de monde : le soir, le dimanche, pendant les vacances. On a essayé d’isoler les espaces et les temps où il y avait aussi beaucoup de nouveaux·elles client·es qui peuvent faire des bêtises. En sachant qu’un nouveau·elle client·e qui n’a pas l’habitude, il va plutôt demander à côté si ce qu’il fait est ok. On a remarqué que les accidents de voies proviennent plutôt de fautes d'inattention de personnes qui sont plutôt confirmées. Les accidents graves surviennent souvent avant la troisième dégaine. Chaque année, on produit des statistiques sur les accidents dans nos salles. J’ai reçu le dernier rapport ce matin. Les accidents de débutant concernent plutôt le bloc car ces gens-là savent moins bien tomber. Les accidents en voie concernent plutôt des gens confirmés dans la pratique.
Vertige Media : Ces surveillant·es, ils font ça à temps plein ou ils font aussi d’autres choses dans la salle ?
François Petit : Non, ce sont des encadrant·es salarié·es. Ce ne sont pas des gens qui sont à l'accueil et puis qui vont surveiller. Il faut quand même connaître les bases de l'encadrement pour savoir aussi si le nœud est bien fait, que le mousqueton à vis est bien fermé, que la personne sait assurer en cinq temps… Il y en a à peu près un par salle qui intervient beaucoup sur les périodes d’affluence.
Vertige Media : Beaucoup d’ouvreur·ses se plaignent de leurs conditions de travail. Mediapart publie le chiffre de 75% à 80% des ouvreur·ses qui se blessent annuellement.
François Petit : C’est faux.
Vertige Media : Qu’est-ce qui te fait dire que c’est faux ?
François Petit : On possède des statistiques sur les arrêts maladie et les arrêts de travail de nos salarié·es. Je ne peux pas te donner un chiffre exact mais chez nous, c’est moins de 30%.
« Les jeunes ouvreurs ont un niveau d’escalade qui est bien moins élevé que celui des anciens »
Vertige Media : Les ouvreur·ses se plaignent aussi de la précarité de leur profession. La plupart sont indépendant·es…
François Petit : Pas chez nous. La majorité sont en CDI. On n’a que 8% des ouvreur·ses en CDD. En revanche, ce sont des salarié·es multi-tâches : ils peuvent faire de la maintenance, de l’encadrement voire de l’accueil pour certain·es. Ils le font en fonction de leurs compétences et de leurs envies. C’est vrai que sur Paris, nos oeuvreur·se sont davantage à temps partiel. C’est un peu la méthode Arkose : ils sont à 20 ou 27h sous un responsable d’ouverture. Ils font plusieurs salles dans Paris, de plusieurs franchises. Et moi, je pense qu’ils font trop d’ouvertures donc à un à moment, voilà, ils se blessent.
Vertige Media : Vous avez des discussions au sein de la direction du groupe pour tenter de pallier au problème ?
François Petit : Oui, bien sûr, on en discute. On a des réunions avec un groupe d’ouvreurs : Julien Gras qui est ouvreur international, Gérome Pouvreau, Florence Pinet… Les jeunes ouvreurs ont un niveau d’escalade qui est bien moins élevé que celui des anciens. Ces derniers étaient des passionnés, avaient des muscles et des tendons adaptés. Aujourd’hui, les jeunes deviennent ouvreurs au bout de deux ou trois ans. Ils vous ouvrent des blocs difficiles et ils font ça 3 fois par semaine. C’est beaucoup.
Vertige Media : Donc ils ne se rendraient pas compte de la pénibilité du métier ?
François Petit : Nous, on avait une marge, quand on ouvrait. J’ai été ouvreur pendant 15 ans, et avant d’ouvrir je faisais de grosses séances d'entraînement. J’étais d’abord athlète et après j’ai ouvert. Je testais des blocs pendant 2 ou 3h mais, de par mon entraînement, je n’étais pas trop fatigué. Là, ils se mettent des charges important de test, en voulant ouvrir des blocs qu’ils n’ont pas le niveau de réaliser. Donc effectivement, je trouve que le niveau est un peu limite par rapport au niveau d’exigence que cela demande.
Vertige Media : Et spécifiquement chez vous, vous avez mis des choses en place pour prévenir ces blessures ?
François Petit : Après le Covid aussi, on a mis en place des séances de kiné, de renforcement ou d'échauffement, pour sensibiliser nos ouvreur·ses. Tous les mois ou tous les trimestre - ça dépend des salles -, un·e kiné intervient pour un groupe pendant quelques heures. On a testé le dispositif à Gerland et désormais, il est mis en place dans toutes nos salles. On a aussi introduit des formations en interne qui visent à former notre staff sur la bonne utilisation du matériel etc. Certaines choses sont obligatoires comme mettre des lunettes ou des chaussures de sécurité. Certain·es ne le font pas et ça donne des arrêts maladie bêtes. On va être plus strict là-dessus. Car un·e ouvreur·se en arrêt maladie, ça a un impact financier et humain. Quand un ouvreur·se n’est pas là, c'est soit une ouverture qui ne se fait pas, soit un·e autre qui va travailler davantage. Après, sur l’ensemble du groupe, concernant les arrêts maladie et les accidents du travail, on est à 4%. La moyenne française est à 5,8% (le taux d’absentéisme en réalité, ndlr) donc on est en dessous.
« On a recadré le directeur d'exploitation Paris qui regardait trop les caméras de surveillance. »
Vertige Media : Si on revient sur ce qui a motivé le piquet de grève du 29 mars dernier, chez Climb Up Aubervilliers, nos informations convergent vers le licenciement de six salarié·es pour faute grave. Est-ce que tu pourrais nous détailler les faits précis qui ont conduit à ces licenciements ?
François Petit : Il s’agit de repas qui n’ont pas été payés mais offerts à des amis ou à des clients. Après, les montants, ce ne sont pas les montants donnés par Mediapart. C'est beaucoup plus gros. En fonction des personnes, on se parle de 800 à 3000 euros. Les faits se sont déroulés sur une période. On ne pouvait pas vérifier parce que les salarié·es ne sortaient pas les notes sur notre logiciel. Mais on voyait ce qui sortait et ce qui manquait.
Vertige Media : Comment ?
François Petit : Eh bien, avec le système des stocks. Et puis après, sur les caméras. Le directeur de la salle a regardé les caméras et a constaté que certaines personnes mangeaient sur le dos de la société. Ensuite, on a quantifié pour tomber sur les chiffres que je t’ai donnés.
Vertige Media : Et ça, sur l'utilisation de ces caméras, ça ne te pose pas problème de l'utiliser comme un outil de surveillance ?
François Petit : On a vu qu'il y avait des problèmes sur les encaissements de la partie restauration. Donc après, effectivement, on a vérifié sur les caméras ce qu’il se passait. En tout cas, on a recadré le directeur d'exploitation Paris qui regardait trop, on va dire, ces caméras.
Vertige Media : Tu as perçu qu'effectivement, le fait de surveiller des salariés par caméra de façon constante et permanente, c'est illégal ?
François Petit : Effectivement, on ne peut pas les surveiller à distance, mais par contre, on peut vérifier des choses. Donc, il y a eu des vérifications qui ont été faites.
Vertige Media : Des discussions ont eu lieu avant de licencier ces six personnes ?
François Petit : Ça faisait un petit moment que cela se passait. Moi, je n’étais pas sur place, c’est le directeur de la salle, qui leur expliquait. Il est arrivé en janvier et avant lui, le directeur était un peu laxiste. Donc de mauvaises habitudes avaient été prises. Mais derrière tout cela, il y a des règles. Et on les applique dans toutes nos salles. On paye toutes et tous nos consommations, moi le premier. On a un tarif de -30% dessus. Donc quelqu’un qui prend 50 euros ou 500 euros, il vole.
Vertige Media : Les tensions proviennent aussi beaucoup de la relation entre le directeur actuel et les salarié·es. Son profil de non-grimpeur revient beaucoup dans leurs déclarations…
François Petit : Un bon directeur est-il obligé d’être un bon grimpeur ? Un champion ? Un ouvreur, oui. Un responsable d’ouverture, oui. Mais un directeur de salle n’est pas forcé de venir du monde de l’escalade. Après, ça n’a pas arrangé la situation. Il y a eu un manque de respect. On n’a pas eu la même situation dans notre salle de Porte d’Italie où les seules choses que nous ont demandé les grévistes, c’était d’avoir davantage de t-shirt Climb Up. Là-bas, il y a un bon directeur qui gère ses équipes.
« Peut-être qu'effectivement, je n’aurais pas dû retirer ces symboles LGBTQIA+ de la salle d’Aubervilliers »
Vertige Media : Aujourd’hui, quelle est la situation sociale à Climb Up Aubervilliers ?
François Petit : Ça va mieux. On a aussi nommé un nouveau directeur adjoint, qui était directeur adjoint à Porte d'Italie et qui vient du monde de l'escalade. C’est un très bon grimpeur. Ça se passe bien parce que lui, il est respecté. Il sait de quoi il parle sur son périmètre technique. Et puis, il fait un bon binôme avec le directeur. De nouvelles personnes motivées sont arrivées. Celles et ceux qui étaient là depuis trois ans n'avaient pas évolué depuis un moment. Ils/elles étaient un peu frustré·es, ne mettaient plus beaucoup d’implication dans leur travail. C’est dur de faire évoluer une équipe de 35 personnes. C’est normal qu’il y ait un peu de turnover.
Vertige Media : Mediapart souligne aussi le fait que tu aurais demandé de faire retirer des symboles LGBTQIA+ de la salle, lors d’un de tes passages à Aubervilliers. Est-ce que c’est toi qui a spécifiquement demandé de les retirer ?
François Petit : Oui, il faut qu'on reste neutre. Après, je comprends, puisqu'on est partenaire des Eurogames (évènement qui se déroule à Climb Up Lyon-Gerland, très orienté sur l’inclusion et la diversité, ndlr) depuis neuf mois. Pour moi, dans les salles, il faut être neutre. Il y avait déjà des problèmes à Aubervilliers avec un Israélien sur la guerre. Donc pour moi, tout signe ostentatoire doit être évité.
Vertige Media : Tu considères une orientation sexuelle ou un signe de soutien à la communauté LGBTQIA+ comme un signe ostentatoire ?
François Petit : Non, non, c'est plus ouvert, effectivement. C’est davantage une question d’ouverture d’esprit. Peut-être qu'effectivement, je n’aurais pas dû retirer ces symboles. J’avais demandé de retirer un drapeau LGBT dans une autre salle, ça n’avait pas posé problème. Là, à Aubervilliers, il s’agissait d’auto-collants à l’accueil. Ce n’était pas très propre. Avec le recul, c’est un choix qui était un peu dur, mais à l’époque, il fallait un peu cadrer ce qui se passait à Aubervilliers. Ils faisaient trop de choses de leur côté. On arrivait pas trop à maîtriser tout ça.
Vertige Media : Dans les mesures que vous mettez en avant dans le communiqué de presse, il est question de la mise en place d’une « safe place ». Peux-tu nous en dire plus ?
François Petit : C’est une façon de dire que nos salles sont ouvertes à tous. Les hommes, les femmes, la communauté LGBT... On veut faire en sorte que nos salles soient des espaces sains et sécurisés pour tout le monde. On est aussi en train de mettre en place une cellule de veille contre les violences sexistes.
Vertige Media : De quoi s’agit-il concrètement ?
François Petit : On travaille dessus avec nos collaborateurs·ices. L’idée serait d'avoir une personne par salle qui serait déléguée sur ce thème là. On a un séminaire à la rentrée pour rentrer dans plus de détails mais cela provient d’une demande du CSE (Comité Social Économique soit l’instance représentative du personnel dans une entreprise, ndlr). On est tombé d’accord sur leur proposition. On veut aussi mettre en place une commission de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans nos salles.
Vertige Media : Parce que se sont déroulés des incidents dans les salles de Climb Up ?
François Petit : Non, il n’y pas eu de faits.
Vertige Media : Une mesure concerne aussi la revalorisation de tous les salaires non-cadres. Est-elle déjà actée ?
François Petit : Oui, elle a eu lieu pendant les négociations annuelles des salaires. Elle a été faite le 1er juillet 2025 et elle concerne l’ensemble des salarié·es, hors directeur. Elle était d’un même montant pour tout le monde.
Vertige Media : Et tu peux nous donner ce montant ?
François Petit : 75 euros brut. C'est important quand même. Surtout dans un moment où les salles ne progressent plus en termes d'activité. On a aussi mis en place aussi une prime de partage de la valeur qui varie en fonction de l’ancienneté mais qui tourne autour de 200 euros.
Vertige Media : En tant que dirigeant, comment analyses-tu la santé économique du marché des salles privées d’escalade ?
François Petit : J’ai reçu les derniers chiffres de l’Union Sport & Cycle et je suis étonné d’apprendre qu’il y a eu 11% de salles d’escalade de plus en France cette année. Je m’attendais à moins. Arkose en a ouvert une. Bloc Session en ouvre. Il y a quelques salles indépendantes aussi. Pourtant, au global, le chiffre d’affaires descend de 3%. Sur les salles historiques, c’est même 12% de moins avec une fréquentation en baisse de 10%. Tu le vois bien, Vertical’Art a fermé à Lyon. Une salle en Bretagne a fermé. Chez Climb Up, on a ouvert beaucoup de salles entre 2021 et 2022. Elles continuent de progresser mais depuis novembre 2024, on connaît une inflexion. Et depuis mars 2025, on subit une baisse de fréquentation par rapport à l’année dernière.
« On voit que le foot en salle et le padel progressent à nouveau. Donc on pense que l’escalade va repartir »
Vertige Media : Comment tu l’expliques ?
François Petit : Par la conjoncture économique. Les Français ont moins confiance en l’avenir, ils mettent de l’argent de côté comme jamais ils n’en ont mis depuis les années 60. Le marché des loisirs est le premier impacté. Après, on regarde ailleurs et on a des raisons d’espérer. Par exemple, on voit que le foot en salle et le padel progressent à nouveau. Donc on pense que l’escalade va repartir. L’effet de mode se portait beaucoup sur le bloc mais je pense que l’escalade en voie va se stabiliser puis continuer à progresser. On verra en septembre, c’est généralement un mois très important pour nous.
Vertige Media : Dans son article, Mediapart, avance le chiffre d’un endettement à 61% du chiffre d'affaires de Climb Up. Tu confirmes ?
François : C'est un petit peu moins, mais oui, on a un endettement important. On a beaucoup emprunté. On a fait un PGE (Prêt garanti par l’État, ndlr) pendant le Covid, d’autres prêts. On est en train de tout rembourser.
Vertige Media : Au-delà de l’espoir de voir la conjoncture s’améliorer, quelle est la stratégie du groupe pour les années qui viennent
François : On va se calmer. On va essayer d’améliorer notre rentabilité. En ce moment, on travaille beaucoup sur la restauration, le B2B (pour « business to business », qui désigne une activité dans laquelle une entreprise effectue une opération commerciale avec une autre entreprise, ndlr). On veut accueillir plus de séminaires, de comités d’entreprise. On veut évidemment améliorer l’expérience client dans nos salles. On va donc s’occuper de nos ouvertures de voies, de bloc… On va aussi faire évoluer l’école d’escalade. On a 10 500 enfants. On veut améliorer le suivi de ce projet.
« Les jeunes n’ont pas le même état d'esprit que les anciens. J'ai commencé à travailler en salle d'escalade il y a 20 ans. Ce n'était pas du tout pareil. Les jeunes, j'ai l'impression qu'ils pensent plus à eux, à leur équilibre, et moins à l'entreprise »
Vertige Media : Discutez-vous avec la direction d’autres acteurs du marché des salles privées ?
François : Oui, on s’entend assez bien. Antoine Paulhac m’a appelé après la publication de l’article de Mediapart. Ghislain Brillet aussi, le président de l’UDSE (Union Des Salles d’Escalade, ndlr). On sait que pour certains groupes, la situation est compliquée. Mais on échange, ça fait du bien. C’est comme ça qu’on a créé l’UDSE en juin 2020 après le Covid. En se rassemblant. C’est un moment difficile pour la profession. Ils me soutiennent. Je n’aurais jamais imaginé que les salarié·es de Climb Up puissent faire grève un jour. Mais voilà, la CGT a un peu poussé pour que certaines personnes le fassent. On était en pleine négociation annuelle des salaires et ils l’ont fait pour mettre la pression à la direction et pour négocier.
Vertige Media : Tu dirais que tu apprends encore, en tant que dirigeant ?
François : Ah bah oui. C'est nouveau. Gérer une salle d'escalade, ce n’est pas pareil que d’en gérer 30. Donc, j'apprends, oui. Et puis, c'est dur. Quand t'as 500 salariés qui travaillent au quotidien, tu sais que c'est eux qui font marcher la boîte : à l'accueil, à l'encadrement, à l'ouverture. Nous, on est là pour essayer de les soutenir et pour les faire avancer dans le bon sens. C'est à la fois beau parce que c'est de l'humain, mais c'est aussi dur parfois. Surtout dans les moments difficiles. Et surtout avec des jeunes. Des jeunes qui n’ont pas le même état d'esprit que les anciens. J'ai commencé à travailler en salle d'escalade il y a 20 ans. Ce n'était pas du tout pareil. Les jeunes, j'ai l'impression qu'ils pensent plus à eux, à leur équilibre, et moins à la boîte. Nous, on était différents.
Rectification le 24 juillet à 23h30 : modification d’une information erronée donnée par l’intervieweur sur le recadrage du directeur d’exploitation Paris de Climb Up.
Rectification le 25 juillet à 11h : modification d’une information erronée donnée par l’intervieweur sur le délai accordé par Mediapart pour répondre à leurs questions avant la publication de leur article du 22 juillet.