New Heights : l’escalade comme raccourci vers un avenir meilleur
À Kilmarnock, une ville écossaise plus connue pour son industrie et son équipe de foot que pour ses spots de grimpe, un projet atypique tente de tirer vers le haut ceux que la vie a laissé au pied du mur. New Heights, c’est un programme où l’escalade devient plus qu’un sport : un levier pour s’extirper du bitume, un antidote à la fatalité sociale. Aux manettes, une alliance surprenante entre une association œcuménique, EACHa, et une salle d’escalade nichée dans une ancienne église, Above Adventure.
L’idée ? Offrir aux laissés-pour-compte – ceux qui ont connu l’errance, les addictions, la galère sous toutes ses formes – un moyen de reprendre confiance en eux, corde en main, prise après prise. Parce qu’avant de gravir les sommets, encore faut-il remonter la pente.

De la foi aux falaises : une église qui change de vocation
L’Écosse, terre de whisky et de croyances bien ancrées, n’échappe pas à l’érosion du religieux. Comme partout en Europe, certaines églises se vident plus vite qu’un pub après l’ultime tournée. À Kilmarnock, plutôt que de laisser un bâtiment sacré tomber en ruine, des passionnés de grimpe ont eu une idée : transformer cette nef désertée en cathédrale du vertical.
Résultat : après neuf ans de levées de fonds et plus de 5 millions d’euros investis, Above Adventure voit le jour. Un centre d’escalade flambant neuf, installé dans les murs d’une ancienne église, où les croyants d’un autre genre – ceux qui jurent par la magnésie et les mousquetons – viennent tutoyer les hauteurs.
Avec ses murs à cordes, son espace bloc et son café, le lieu s’inscrit aussi dans une dynamique plus large : celle de faire de l’escalade un outil d’insertion sociale. Et c’est là que New Heights entre en scène.

L’escalade : école de la confiance et du dépassement
Les salles d’escalade, on les connaît souvent comme un terrain de jeu pour citadins en quête de sensations ou d’un bon post Instagram. Ici, l’approche est radicalement différente. On ne grimpe pas juste pour le plaisir de la cotation, mais pour réapprendre à faire confiance – en soi, aux autres, à la vie.
New Heights s’adresse à des hommes et des femmes cabossés par l’existence : sans-abri, ex-toxicomanes, laissés-pour-compte du système. Pour eux, chaque ascension devient une métaphore brute et tangible de leur parcours. Se hisser sur un mur, c’est aussi une manière de se prouver qu’ils sont capables de surmonter autre chose que le quotidien qui les cloue au sol.
L’escalade, comme souvent, est un révélateur : elle confronte à la peur du vide, force à se concentrer sur l’instant, oblige à faire des choix précis sous peine de chute (heureusement contrôlée). Et quand on a connu l’errance ou la dépendance, remettre du contrôle dans sa vie, c’est déjà une sacrée victoire.
Un programme taillé pour casser l’isolement
Au-delà de l’escalade, New Heights propose un éventail d’activités pensées pour reconstruire du lien : football, badminton, canoë, randonnées, tir à l’arc, karting... De quoi réveiller l’adrénaline autrement qu’à coups de mauvais choix.
Le projet s’appuie sur une communauté de bénévoles et de coachs, qui encadrent entre 15 et 20 participants par session. L’idée est simple : replacer ces hommes et ces femmes dans une dynamique positive, où chaque petit progrès – un pied mieux posé, une main plus assurée – devient un signal fort.
En 2024, 61 personnes ont bénéficié du programme. Un chiffre modeste, mais qui prouve que, pour certains, cette approche fonctionne. Un grimpeur du programme l’a d’ailleurs résumé ainsi : "New Heights m’a montré que je suis capable de bien plus que je ne le pensais."

Une reconnaissance au sommet
New Heights a déjà fait parler de lui bien au-delà des murs de Above Adventure. Le programme a été salué par le Parlement écossais, qui y voit un exemple à suivre en matière d’inclusion par le sport. Une motion portée par le député conservateur Brian Whittle a officiellement reconnu son impact positif, notamment en matière de réinsertion sociale.
Le soutien institutionnel ne s’est pas arrêté là : une subvention de 11 500 euros a été débloquée via la Loterie nationale pour financer une nouvelle année du programme. De quoi prolonger l’aventure, attirer de nouveaux bénéficiaires et ancrer encore un peu plus le projet dans le paysage social écossais.
L’ambition ne s’arrête pas là. L’équipe derrière New Heights veut élargir son rayonnement, en collaborant avec les écoles, les services sociaux et les familles pour toucher un public encore plus large. L’objectif ? Offrir une vraie alternative à celles et ceux qui, autrement, n’auraient que peu d’options pour s’en sortir.
Grimper pour s’élever, au sens propre comme au figuré
New Heights est une success story locale, mais c'est surtout une démonstration grandeur nature de ce que le sport peut accomplir quand il est mis au service d’une cause plus vaste.
Dans un pays où l’ascenseur social est souvent en panne, grimper reste parfois le meilleur moyen de s’élever. Ce projet prouve que l’escalade ne se limite pas à une quête de performances ou à une lubie de bobos en manque de sensations. Entre de bonnes mains, elle devient un outil puissant pour reprendre pied dans la vie.
Alors oui, tous ceux qui passent par New Heights ne finiront pas enchaînant du 8A. Mais si certains parviennent à reprendre confiance, à se sortir d’un quotidien figé, à envisager une suite plus lumineuse… alors c’est déjà un sommet atteint.