🧗 L’emoji escalade : un petit symbole, une grande histoire
Aujourd’hui, il est partout. Dans vos messages, dans vos stories, sous les posts de vos potes qui enchaînent un 7a après travail et font semblant d’être surpris. Mais avant 2017, l’emoji escalade n’existait pas. Un vide aussi angoissant qu’un dernier point clippé cinq mètres plus bas. Jusqu’à ce que Sasha DiGiulian, grimpeuse au palmarès aussi solide que son grip, décide de s’en mêler.

Sasha DiGiulian, la grimpeuse qui tweetait plus vite que son ombre
L’escalade avait beau être en croissance, avec des salles qui commençaient à pousser plus vite que des pads sous un highball, un détail clochait : pas d’emoji pour représenter la grimpe. Un comble, quand on sait qu’on pouvait déjà envoyer un 🏄♀️, un 🏌️ ou même un 🤹♂️ (hommage aux finales IFSC).
Sasha, première femme nord-américaine à cocher un 9a, ne l’a pas laissé passer. En 2015, elle balance un tweet à @GetEmoji – sorte de standardiste de la hotline des emojis – pour signaler l’anomalie. Une pique bien sentie, qui tombe sous les yeux de Jeremy Burge, le boss d’Emojipedia et surtout membre du redoutable sous-comité Unicode Emoji, autrement dit l’équipe qui décide quel petit pictogramme aura le droit de rejoindre nos claviers.
Le Consortium Unicode : là où naissent (et meurent) les emojis
Parce que oui, on ne crée pas un emoji comme on dessine un smiley sur un mur de grimpe. Chaque proposition doit passer par un véritable parcours du combattant, façon dalle à grattons pleine de mousse.
Le Consortium Unicode, un club très sélect chargé de la normalisation des caractères numériques, impose des règles strictes. Un emoji doit être immédiatement compréhensible, universel, et avoir une utilité avérée (autant dire qu’on attend toujours l’emoji magnésie).
Chaque année, seuls quelques élus passent la porte, tandis que d’autres finissent oubliés dans les tréfonds des brouillons numériques.
Par exemple, l’emoji escalade a eu plus de chance que certaines suggestions comme :
L’emoji limace (recalé en 2021, paix à son âme).
L’emoji shaker de whey (apparemment pas assez universel).
L’emoji calvitie en progression (celui-là, on ne sait pas si c’est un mal ou un bien).
Bref, l’escalade a eu son moment de gloire, alors qu’elle aurait pu rester sur la touche, entre une boîte de sardines et un pigeon pixelisé.

Un design à la loupe : casque ou pas casque ?
Grâce au lobbying (d)étonnant de Sasha et à l’appui de Jeremy, l’emoji escalade entre en phase de design. Et là, c’est le moment des grandes questions existentielles :
Chaussettes ou pas ? (on sait que le débat est aussi tranché que celui sur du port du tshirt).
Mur artificiel ou rocher ? (spoiler : le rocher l’a emporté).
Quel style de chaussons ? (personne n’a proposé des ballerines usées à la gomme trouée, dommage pour l’authenticité).
Finalement, le design retenu représentait un grimpeur sur du rocher, sans casque. Un choix qui n’a pas fait l’unanimité, surtout auprès des falaisistes et des grimpeurs trad, qui voyaient déjà débarquer une armée de novices convaincus que l’assurage dynamique est une question de foi.

Unicode corrigera le tir en 2021, en ajoutant une nouvelle version de l’emoji avec casque. Mieux vaut tard que jamais, même si on se demande encore pourquoi il a fallu quatre ans pour ajouter un bout de plastique sur une tête.
Un emoji, une victoire pour la grimpe
Depuis, 🧗 est devenu un symbole universel. Il s’incruste dans les posts Instagram de grimpeurs, accompagne les récits de croix et sert parfois de prétexte pour justifier une session en pleine semaine ("Vendredi ? Ha non désolé je vais télétravailler à Fontainebleau 🧗").
Mais ce petit emoji fossilise un instant précis de l’histoire de la grimpe. En 2017, l’escalade était encore perçue comme un sport outdoor.
Pourtant, aujourd’hui :
La majorité des grimpeurs découvrent l’escalade en salle.
Les compétitions sont devenues un show à part entière, avec des mouvements spectaculaires sur des volumes XXL.
La grimpe en falaise reste un idéal, mais n’est plus la norme pour les nouveaux pratiquants.
Alors, l’emoji escalade est-il déjà un vestige numérique ? On parie que dans 10 ans, un nouvel emoji verra peut-être le jour : une silhouette bondissant sur un volume violet, sous un spot de lumière artificielle.
Dernière prise avant le relais
Il a fallu que Sasha DiGiulian prenne la parole, que le comité Unicode écoute, et que le monde grimpe sur cette vague numérique. Et ça a marché.
Alors, la prochaine fois que vous glissez un 🧗 dans un message, rappelez-vous qu’il n’est pas arrivé là par hasard. Derrière ce petit pictogramme, il y a un tweet bien placé, un processus bureaucratique absurde et un brin de détermination.
Sauf que là, Sasha a trouvé la ligne, Jeremy a assuré la corde, et Unicode a enchaîné le projet après quelques essais. Résultat : on a tous un emoji pour illustrer nos exploits… ou nos échecs en dalle.