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Reel Rock 19 : une année noire entre polémiques et chaos logistique

Photo du rédacteur: Adrien BatailleAdrien Bataille

Chaque année, Reel Rock est censé être une célébration. Une grand-messe de la grimpe, où l’on vient vibrer devant des ascensions improbables, partager la sueur et les victoires des grimpeurs, et repartir avec l’envie de tout plaquer pour aller vivre sous un crashpad.


Mais cette année, ce n’est pas l’appel de la falaise qui domine. Reel Rock 19 s’embourbe. Entre scandales, controverses et distribution en chute libre, l’édition 2025 pourrait bien être la plus clivante de son histoire.


Reel Rock 19 polémique

Une diffusion en salle compromise


Miguel de Kayoo, dans sa dernière vidéo, a mis le doigt sur un problème que beaucoup avaient laissé passer : on ne sait même pas si Reel Rock sera projeté en salle en France cette année.


La maison mère reste mutique, le distributeur habituel a claqué la porte, et à l’heure actuelle, impossible de dire si l’édition 2025 aura droit à son rituel de projections collectives ou si elle finira reléguée au streaming.


Si ça se confirme, c’est une onde de choc pour un festival qui s’est toujours nourri de cette dynamique communautaire : des salles pleines, des applaudissements, des cris quand une prise lâche à deux mètres du relais. Le voir réduit à une bête vidéo à la demande, c’est une amputation.


Mais ce n’est pas seulement sur la forme que Reel Rock vacille cette année. C’est aussi sur le fond.


"The Cobra & The Heart" : quand la corde coupe des deux côtés


Parmi les films à l’affiche, "The Cobra & The Heart" retrace l’histoire de Didier Berthod, ce grimpeur suisse qui, après des années d’obsession pour la mythique Cobra Crack, a fini par lâcher la grimpe pour se consacrer à la religion. Pas juste une foi discrète en mode quête de sens, mais une immersion totale dans une secte chrétienne ultra-traditionaliste, où il est même devenu prêtre. Le genre de virage qui ne laisse pas indifférent. Mais là où ça devient franchement épineux, c’est du côté de Thomasina Pidgeon, l’autre protagoniste du film.


Car Pidgeon n’est pas seulement grimpeuse. Elle est aussi celle qui a signé une lettre de soutien à Charles Barrett, condamné à perpétuité pour viol. Oui, vous avez bien lu, Reel Rock a choisi de mettre en avant quelqu’un qui, noir sur blanc, a pris la défense d’un agresseur sexuel.


Face au tollé, Reel Rock a tenté de jouer la carte du dialogue avec un communiqué de presse. Ils reconnaissent la douleur causée aux victimes, admettent que la communauté de la grimpe a un sérieux problème avec la gestion des violences sexuelles et expliquent avoir longuement échangé avec Pidgeon. D’après eux, elle se serait rendu compte trop tard qu’elle avait été “trompée” et “manipulée” par Barrett, et aurait pris conscience de l’ampleur de ses erreurs après coup.


Mais au-delà des belles paroles, aucune décision concrète. "The Cobra & The Heart" reste dans la programmation. Reel Rock maintient qu’ils “respectent ceux qui choisiront de ne pas voir le film”, mais ils le diffuseront quand même.


Une réponse qui ne convainc pas tout le monde. Pour certains, ce n’est rien d’autre qu’une déclaration d’intention vidée de toute action réelle. Un “nous sommes désolés si vous êtes blessés” sans conséquence. Et surtout, sans remise en question du choix d’inclure Thomasina Pidgeon dans un film censé inspirer.


"Death of Villains" : qui choisit ses héros ?


L’autre bombe médiatique de cette édition, c’est "Death of Villains", un film centré sur Kai Lightner, ancien enfant prodige de l’escalade, dans sa quête d’un 9b. Jusque-là, rien à signaler. Sauf que son binôme de cordée dans le film, c’est Joe Kinder.


Oui, Joe Kinder, ce grimpeur qui a harcelé Sasha DiGiulian en ligne pendant des années, qui lui a pourri la vie avec un faux compte Instagram et qui a fini par se faire lâcher par tous ses sponsors après que l’affaire ait éclaté.


Là encore, Reel Rock joue avec le feu. Un festival censé incarner l’aspiration, la performance et l’éthique choisit de mettre en avant un grimpeur qui traîne une affaire de harcèlement derrière lui. Le pardon a ses limites, et visiblement, elles ne sont pas les mêmes pour tout le monde.


Entre polémiques et distribution à l’aveugle : un festival à la croisée des chemins


Un festival qui ne sait même pas si son public pourra le voir en salle.

Un festival qui met à l’affiche un film porté par une défenseuse de violeur et un autre avec un harceleur avéré.

Un festival qui, plutôt que de prendre position, aligne des communiqués enrobés d’empathie, mais vidés de toute conséquence.


Autrefois, Reel Rock était une ode à l’aventure verticale, à la beauté brute du geste. Cette année, il donne surtout l’image d’un événement qui s’accroche aux prises sans trop savoir où poser les pieds.


Boycott, malaise, distribution en lambeaux : cette 19e édition ne restera sans doute pas dans les mémoires pour ses ascensions. Mais pour son crash en plein vol, en revanche…

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