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Elnaz Rekabi quitte l’Iran : la liberté, à bout de bras

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

Certains départs sont bruyants, d’autres se font en silence. Celui d’Elnaz Rekabi, lui, résonne entre les murs d’un pays qui a voulu la garder captive et les parois qu’elle grimpe depuis toujours pour aller voir plus haut. Son frère, Davood Rekabi, a lâché l’information sur Instagram, avec un message aussi sobre que lourd de sens : « La Terre est ta maison, pars et brille ! Si seulement l'Iran était un meilleur endroit pour toi, nous n’aurions pas à porter le poids de cette séparation sur nos cœurs. » Le poids des adieux, le poids des regrets, mais surtout celui d’une décision inévitable. Quitter l’Iran, pour continuer à grimper sans entraves.


Elnaz Rekabi IFSC
© IFSC

Le point de rupture : Séoul, 2022


On l’avait quittée sous les projecteurs en octobre 2022, aux Championnats d’Asie à Séoul. Une grimpeuse, un mur, et surtout pas de hijab. Une image devenue virale en pleine révolte iranienne après la mort de Mahsa Amini.


Un oubli, dira-t-elle plus tard. Officiellement. Officieusement, tout le monde sait que les gestes qui marquent l’histoire sont rarement accidentels. À son retour en Iran, la foule l’accueille en héroïne. Mais derrière les caméras, c’est un autre comité qui l’attend.


Interrogatoires, confiscation de passeport, surveillance constante. On la pousse à enregistrer une vidéo où elle explique que tout cela n’était qu’une erreur, qu’elle n’a pas voulu braver les règles. Personne n’y croit.


Début 2024, le Comité International Olympique la nomme "Athlete Role Model" pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2026. Son rôle : inspirer les jeunes grimpeurs, partager son expérience et incarner les valeurs olympiques.


Un choix qui n’a rien d’anodin. C’est Marco Scolaris, président de l’IFSC, qui propose son nom, validé par Thomas Bach, président du CIO. Une manière de reconnaître son impact dans le monde de l’escalade, bien au-delà des podiums.


L’illusion d’une liberté sous contrôle


Elnaz reprend le chemin des entraînements, mais les portes se ferment une à une. Ses déplacements à l’étranger sont limités, sa carrière devient une impasse. Et pour bien marquer le coup, les autorités rasent la maison familiale. Un hasard administratif, paraît-il.

En Iran, le sport est une vitrine, et les athlètes, des ambassadeurs. À condition qu’ils ne pensent pas trop, qu’ils ne s’écartent pas du cadre. Mais Elnaz ne rentre pas dans le moule. Trop talentueuse pour être ignorée, trop indépendante pour être contrôlée.


Un exil qui n’est pas un cas isolé


Le destin d’Elnaz Rekabi rappelle celui d’autres champions iraniens avant elle. Kimia Alizadeh, médaillée olympique en taekwondo, qui a trouvé refuge en Allemagne. Saeid Mollaei, champion du monde de judo, qui a fui après avoir refusé de se soumettre aux consignes du régime sur les affrontements avec des adversaires israéliens. Vahid Sarlak, Shaghayegh Bapiri, et tant d’autres.


Le schéma est toujours le même : devenir une fierté nationale… puis un problème à gérer.

Ce scénario-là commence même à intéresser le cinéma. En 2024, la réalisatrice iranienne exilée Zar Amir Ebrahimi co-réalisait Tatami avec l’Israélien Guy Nattiv. Un film sur une judokate forcée d’abandonner une compétition sous pression du régime.


Et maintenant ?


On ne sait pas encore où Elnaz Rekabi a posé ses valises. L’Europe, l’Amérique du Nord ? Peu importe, tant qu’elle peut grimper sans chaînes. Le régime iranien voulait l’empêcher de partir. Mais à force de vouloir lui couper les ailes, il lui a donné une raison de s’envoler.

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