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« The Sound » : Alex Honnold dans un thriller vertical

Soyons francs, grimper une voie exigeante est déjà suffisamment stressant quand tu as le vide sous les pieds et un relais douteux au-dessus. Mais si tu ajoutes à ça une mystérieuse entité surnaturelle qui décide de squatter ta paroi en t’envoyant des bruits perturbants dignes d’un acouphène démoniaque, alors là, l’affaire prend clairement une autre dimension. Bienvenue dans The Sound, le thriller qui mélange le rocher et l’effroi avec une délectable mauvaise foi.


The Sound film

Brendan Devane, réalisateur jusque-là confiné au cinéma indépendant sans harnais (The Canyonlands), a décidé de nous entraîner dans une aventure verticale d'un genre particulier. Son nouveau film, prévu pour le 27 juin 2025, promet un cocktail d’escalade réaliste et d’horreur paranormale. Autant dire que ce n’est pas exactement le film qui va rassurer votre mère sur vos prochaines vacances à Céüse.


Ascension interdite et frissons acoustiques


Le scénario est pervers à souhait. Une paroi, baptisée poétiquement « Forbidden Wall », est rouverte après des décennies d'interdiction (on imagine déjà le comité éthique : « Bon, ça fait longtemps qu’il n’y a pas eu de mort sur ce truc, réouvrons-le ! »). Mais dès les premières longueurs, les grimpeurs entendent un bruit inexplicable, qui vire à l’obsession et finit par provoquer hallucinations et comportements dangereux. En clair, le genre de sortie grimpe qui bascule en très mauvais trip sous LSD.


La tension monte au fur et à mesure que les cordées perdent pied. Certains commencent à agresser leur partenaire en pleine voie, bafouant toutes les règles de bienséance verticale (« Non, non, après toi au relais » devient soudain « Va mourir, c’est MON relais ! »). Bref, le silence sacré des falaises devient une torture psychologique implacable.


Un casting aussi perché que la falaise


Pour incarner ce chaos vertical, Brendan Devane a eu l’idée géniale de mixer des acteurs hollywoodiens rompus aux thrillers (William Fichtner, excellent en héros cabossé, Jocelyn Hudon de la série The Strain, David Clennon, culte depuis The Thing) et des figures emblématiques du milieu grimpe. Parmi eux, bien sûr, l'inévitable Alex Honnold (faut-il vraiment rappeler qu’il est l’auteur du premier solo intégral d’El Capitan ?), mais aussi Hazel Findlay, Brette Harrington et Adrian Ballinger.


Hazel Findlay, britannique discrète mais redoutable, est reconnue pour ses ascensions en trad extrême (E9), Brette Harrington est l’aventurière par excellence, capable d’enchaîner des solos engagés en Patagonie comme une simple balade dominicale, et Adrian Ballinger cumule les sommets himalayens (dont l’Everest sans oxygène). Bref, un casting qui ressemble davantage à un line-up de festival d'escalade qu'à une fiche AlloCiné.


L’authenticité, au risque de la chute libre


En confiant les scènes d'escalade à de véritables grimpeurs-stars, Devane assure une crédibilité rarement atteinte dans ce genre de films. Pas question de doublures approximatives : les prises douteuses en polystyrène à la Cliffhanger, c’est fini. Le tournage s'est déroulé en conditions réelles, sur les falaises spectaculaires du Nevada, sous l’œil aiguisé de Brett Lowell (The Dawn Wall, Reel Rock). Autrement dit, les scènes de chute devraient faire grimacer même les plus blasés des grimpeurs en salle.


Pour autant, Devane ne renonce pas à son ambition horrifique. Et là est tout le paradoxe séduisant du film : rendre l’escalade terrifiante, non par les classiques chutes ou le vide vertigineux, mais par un phénomène sonore irrationnel. Le réalisateur exploite astucieusement ce qui, pour les grimpeurs, est un luxe devenu instinct : le silence. C'est le premier film d'escalade où ce n'est pas le vide qui tue, mais ce que vous entendez quand vous êtes suspendu dedans.


Son et fureur verticale


La présence au générique du compositeur James Iha (ex-guitariste des Smashing Pumpkins) ajoute à l’ironie du concept : demander à un musicien rock culte de concevoir une BO qui rendra insupportable le silence de la grimpe. On imagine déjà les sessions studio : « Tu vois ce silence-là ? Fais-en une musique qui donne envie de se jeter dans le vide ».


Ainsi, The Sound joue sur une peur primaire et instinctive, celle que tout grimpeur a déjà ressentie sans oser le dire : celle d'entendre quelque chose qu'il ne devrait pas là-haut.


The Sound Film Escalade

Une grimpe hollywoodienne mais pas stupide


À ceux qui penseraient que ce film est une énième tentative marketing pour surfer sur la popularité croissante de l’escalade, détrompez-vous : Devane semble sincèrement passionné par ce sport. Preuve en est son casting choisi avec soin et son choix de collaborer avec des professionnels chevronnés de la communauté grimpe. Le réalisateur n'essaie pas de caricaturer l'escalade mais plutôt de l'utiliser comme une matière noble pour une expérience cinématographique nouvelle.


Ce film, quelque part, est un clin d'œil à une discipline qui se prête à merveille aux métaphores existentielles, aux vertiges métaphysiques et, désormais, à une terreur sensorielle subtile. The Sound pourrait bien être le premier film d'escalade qui parle autant au grimpeur qu'au cinéphile amateur de sensations fortes.


À écouter dans toutes les bonnes falaises ?


Bien sûr, on voit venir les puristes : « L'escalade, ça ne se vit pas dans une salle obscure mais en falaise ». Certes. Mais quand un film est capable de transformer l'expérience intime d'une ascension en un cauchemar sonore mémorable, on serait tenté de lui pardonner cette petite trahison. Et puis, après tout, chaque grimpeur sait que les vraies voies sont celles qui vous hantent longtemps après la descente.


Finalement, le 27 juin, vous aurez le choix : grimper en écoutant le silence rassurant de votre partenaire qui vous dit « Sec ! », ou vous confronter à l’angoisse auditive du « Forbidden Wall » dans une salle obscure.

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