Le bord de la terre : l'expo sur le vertige d'une montagne qui s'en va
- Pierre-Gaël Pasquiou 
- 16 juil.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 août
À Poush, à quelques mètres seulement du bitume vibrant d’Aubervilliers, se cache une montagne imaginaire et poétique où l’art contemporain vient questionner les mythes du vertical. Alors que l’exposition Le bord de la terre touche à sa fin, il vous reste trois occasions de vivre cette ultime ascension artistique, à commencer par une nocturne festive et musicale ce mercredi 16 juillet. Sortez vos chaussures de randonnée et laissez-vous embarquer dans un récit en six chapitres où photographes, sculpteurs et performeurs vous guideront jusqu’à ce point précis où le sol disparaît, laissant place au vertige.

L’art, tout comme l’alpinisme, est souvent une histoire de limites : limites physiques, géographiques, mais surtout poétiques. À l’instar d’un grimpeur cherchant dans les hauteurs une forme d’absolu, les onze artistes réunis à Poush repoussent ici les frontières de notre imaginaire montagnard. Loin des clichés du sommet à conquérir, l’exposition Le bord de la terre propose de lire la montagne autrement. Chaque œuvre agit comme une prise sur la paroi verticale d’un récit collectif, invitant les visiteurs à avancer par étapes successives, du rêve romantique à la réalité tangible d’une nature en transformation.
Un voyage aux confins de la montagne
« Je vais en montagne parce que c’est là-haut qu’est arrivé le bord de la terre », écrivait l’auteur italien Erri De Luca. C’est cet esprit du bout du monde que l’exposition collective Le bord de la terre cherche à capturer. Présentée à Poush (Aubervilliers) depuis le 22 mai, cette expédition artistique touche à sa fin avec trois derniers rendez-vous à ne pas manquer cette semaine. Jusqu’au samedi 19 juillet 2025, les visiteurs – grimpeurs, montagnards de cœur ou simples curieux – sont invités à parcourir ce voyage sensible en six chapitres à travers l’imaginaire de la montagne. L’exposition déploie une scénographie ambitieuse occupant l’ensemble du bâtiment Le Rift de Poush, un terrain d’exploration artistique vertical et labyrinthique.
Dès l’entrée, Le bord de la terre annonce la couleur : il s’agit d’arpenter la montagne comme on tournerait les pages d’un récit d’aventure. Six chapitres structurent le parcours, autant de tableaux vivants qui explorent la montagne sous différents versants, « du paysage romantique à l’objet d’étude ». On passe d’une vision onirique inspirée des grands peintres romantiques à la rencontre avec le Pic du midi, dans un film d'anticipation où des jeunes qui observent, depuis une nature préservée, autant nos maigres horizons que notre propre finitude. Et il suffit parfois d'un glaçon suspendu à un plan d'eau pour illustrer le caractère définitif d'un monde qui s'en va. Comme celui des glaciers suisses qu'on entoure d'immenses bâches pour les protéger de la fonte et dont le résultat photographiques donn l'impression qu'à défaut de les conserver, on les emporte dans des linceuls. Car Le bord de la terre n'élude pas les enjeux immédiats de nos sociétés. Elle nous place même devant des faits accomplis, et inéluctables, nous forçant à mesurer par l'art et la poésie, combien il est parfois absurde d'observer des montagnes qui se dressent alors que notre avenir se tasse. Bref, le changement climatique est là, partout, tout le temps. Et certaines performances haut-perchées paraissent bien moins folles que l'histoire tragique qu'il se cache derrière les oeuvres.
Artistes en cordée : regards croisés sur la montagne
Pour donner vie à ce récit collectif, les commissaires Simon Jung, Jeanne de La Masselière et Inès Massonie ont réuni onze artistes dont les œuvres dialoguent avec l’univers montagnard. Chacun en devient conteur et témoin, mêlant réalité et imaginaire.
Téo Becher, Simon Boudvin, Julia Borderie & Éloïse Le Gallo, Claude Cattelain, Caroline Corbasson, Max Coulon, Antonin Detemple, Matthieu Gafsou, Julia Gault et Noémie Goudal composent ainsi un panorama d’une grande richesse. Chaque artiste apporte un point de vue singulier sur la montagne : paysages en mutation, verticalité, géologie en mouvement, frontières, perception, corps en effort.

Parmi les œuvres emblématiques, la série Soulèvements de Noémie Goudal réinvente la géologie à travers d'étonnantes illusions visuelles. Les échelles de Simon Boudvin symbolisent le franchissement des frontières naturelles. Claude Cattelain incarne la poésie du geste inutile à travers ses performances physiques. Matthieu Gafsou révèle les contradictions de nos pratiques touristiques, tandis que Julia Gault met en scène la précarité de toute verticalité. Le duo Julia Borderie & Éloïse Le Gallo questionne quant à lui la montagne comme espace vécu, traversé de récits et d’expériences humaines.
Nocturne et dernières invitations
Si cette aventure artistique touche à son terme, elle n’a pas dit son dernier mot. Mercredi 16 juillet, une nocturne spéciale est organisée à Poush pour célébrer la montagne jusqu’au bout de la nuit. Dès 17h, les commissaires proposeront une visite guidée gratuite pour partager les coulisses du projet. La soirée se prolongera en musique – de quoi faire vibrer le Rift aux sons inspirés par les sommets.
Pour celles et ceux qui ne pourraient monter à bord de la nocturne, deux dernières sessions de rattrapage sont prévues : vendredi 18 et samedi 19 juillet (jour de clôture), aux horaires habituels d’ouverture de Poush (15h-19h). L’entrée est libre et gratuite. Avant que le sol ne se dérobe tout à fait – et que l’exposition ne ferme ses portes – venez vivre in situ cette dernière ascension imaginaire.
Derniers jours pour découvrir "Le bord de la terre" à Poush, 153 avenue Jean-Jaurès, Aubervilliers (M° Quatre-Chemins). Ouvert vendredi 18 et samedi 19 juillet 2025, 15h-19h. Nocturne exceptionnelle le mercredi 16 juillet à partir de 17h (visite guidée suivie d’une soirée musicale). Entrée libre.














