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Quand le débat sur le voile quitte les terrains et envahit les tribunes

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

Un simple vote, et voilà le Sénat propulsé en plein tournoi de joutes verbales. Le 18 février, la chambre haute a adopté une proposition de loi interdisant les signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives. Officiellement, il s'agit de "préserver la neutralité des terrains". Officieusement, c’est un coup de pied bien placé dans un nid de frelons.


Port du voile sport

Car avant même le scrutin, l’opposition était déjà montée au filet. Deux tribunes, deux fronts : d’un côté, des associations et personnalités dénoncent une loi discriminatoire et contraire aux principes du sport. De l’autre, des collectifs sportifs engagés refusent de voir leurs coéquipières exclues et appellent à une mobilisation plus large.


Une tribune qui sonne comme un avertissement


Le premier pavé dans la mare est signé Amnesty International, l’Anestaps et Basket Pour Toutes, entre autres. Publiée sur Le Nouvel Obs, la tribune rappelle un point clé : selon l’Observatoire de la Laïcité, la neutralité ne s’applique qu’à l’État, pas aux citoyennes venues jouer un cinq contre cinq ou s’élancer sur une piste d’athlétisme. Les signataires dénoncent une loi qui ne fait qu’ajouter des obstacles aux femmes déjà sous-représentées dans le sport.


"Interdire le voile, c’est restreindre l’accès au sport, précariser des clubs, briser des vocations." En clair : on prend la laïcité comme prétexte et on saborde l’objectif officiel de féminisation du sport. La tribune souligne aussi l’exception française. Aux JO de Paris, la France était la seule à interdire le hijab à ses athlètes. Un choix qui tranche avec la position du Comité international olympique, de la FIFA et des Nations unies, qui eux autorisent le couvre-chef sportif.


Deuxième tribune, changement de ton


Là où la première tribune joue la carte de l’argumentaire construit, la seconde, publiée par Les Dégommeuses, appelle à une opposition frontale. "Non à l’islamophobie dans le sport" : pas de pincettes, pas de nuances, mais une ligne claire. La proposition de loi est qualifiée de "liberticide", d’"obsession islamophobe", et d’un énième prétexte pour exclure une partie des sportives.


L’appel est plus direct : banderoles, prises de position, refus de jouer sans ses coéquipières voilées… L’idée, c’est que l’opposition ne se limite pas aux pétitions et aux coups de gueule sur Twitter, mais se ressente directement sur le terrain. Dans les vestiaires, sur les terrains d’entraînement, dans les tournois amateurs.


Et l’escalade dans tout ça ?


Si certaines fédérations oscillent entre la prudence et le silence radio, la FSGT, elle, a pris position. Lors de sa dernière assemblée régionale parisienne dédiée à l’activité montagne-escalade, elle a voté contre toute interdiction du voile en compétition. Un choix en cohérence avec son ADN : celui d’un sport populaire, inclusif, où l’on grimpe sans exclure.


Ce n’est donc pas un hasard si Céline Machado, co-présidente de la FSGT, figure parmi les signataires de la tribune publiée sur le site du Nouvel Obs. Dans le camp des opposants à cette loi, la FSGT n'est pas qu’un simple spectateur du débat : elle en incarne l’un des contrepoids les plus nets, s’alignant sur une vision du sport comme espace d’émancipation plutôt que de restriction.


Pourtant, ce positionnement n’est pas forcément partagé par l’ensemble du monde vertical. Si la FFME reste muette sur le sujet, certaines salles privées invoquent des raisons de sécurité pour refuser le voile. Un flou qui, jusque-là, permettait à l’escalade d’échapper aux polémiques. Mais avec un débat qui se radicalise et une loi qui risque d’être adoptée, la discipline pourra-t-elle encore s’en tenir à cette neutralité de façade ?


Dans un climat où chaque fédération doit choisir son camp, la ligne de crête devient de plus en plus fine.


Le match continue


Le texte doit encore être examiné par l’Assemblée nationale. Mais une chose est sûre : le sport, cet éternel terrain de jeu, est devenu un terrain de lutte. Et dans cette partie où la ligne entre laïcité et discrimination est de plus en plus floue, il y aura forcément des chutes.

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