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Chute mortelle à Amsterdam : la salle d'escalade condamnée pour négligence

Le 3 novembre 2023, une fête d’anniversaire pour enfants vire à la tragédie dans la célèbre salle Klimmuur Centraal, en plein cœur d’Amsterdam. Un garçon de 11 ans fait une chute mortelle de 14 mètres. Le verdict de la justice néerlandaise, rendu il y a quelques jours, met en lumière des failles inquiétantes dans l’encadrement des jeunes grimpeurs et soulève des questions brûlantes sur les pratiques sécuritaires en salles d’escalade.


Klimmuur Centraal
© Google Street View

Amsterdam, Klimmuur Centraal. Des murs bariolés, le brouhaha joyeux des enfants, l’insouciance apparente d’une après-midi festive. Le décor était familier, rassurant même. Pourtant, ce jour-là, tout s’effondre brutalement. Une cascade de négligences et c’est le drame absolu : un enfant de 11 ans chute de 14 mètres. Il succombe à ses blessures quelques heures plus tard, à l’hôpital. Au-delà de la tragédie intime d’une famille dévastée, c’est tout un système de sécurité qui se retrouve aujourd’hui sur le banc des accusés.


Une sécurité approximative et une surveillance inexistante


Le rapport d’enquête est sans équivoque. L’enfant grimpait en moulinette, assuré par un parent accompagnateur novice. Mais le mousqueton, reliant la corde à son harnais, avait été mal fermé. Lorsqu’il se laisse aller en arrière pour redescendre, la corde se détache brutalement, provoquant sa chute. Une négligence tragique, qu’un contrôle minimal effectué par un instructeur aurait permis d’éviter sans difficulté.


Le parquet pointe une absence totale de protocoles clairs, des moniteurs sans formation spécifique à l’encadrement d’enfants novices

Pourtant, la réalité révélée par l’enquête fait froid dans le dos : après une initiation expresse d’à peine trente minutes, les moniteurs abandonnent le groupe à lui-même. Les quatre parents présents, totalement inexpérimentés, doivent alors improviser seuls la sécurité d’une dizaine d’enfants grimpant jusqu’à 15 mètres de haut. Aucun encadrant professionnel à proximité immédiate, personne pour repérer cette erreur d’assurage pourtant basique.


Pour le parquet néerlandais, ce manque flagrant de supervision constitue la faute déterminante.


Des poursuites pour homicide involontaire


Dès septembre 2024, après une longue enquête, le parquet d’Amsterdam engage des poursuites pénales contre Klimmuur Amsterdam BV et ses deux dirigeants, accusés d’homicide involontaire par négligence.


Parmi les griefs, le parquet pointe une absence totale de protocoles clairs, des moniteurs sans formation spécifique à l’encadrement d’enfants novices, sollicités par ailleurs pour assurer simultanément des tâches annexes incompatibles avec une surveillance rigoureuse. Plus grave encore, le parquet a relevé l’absence d’un protocole imposant systématiquement la vérification du harnais et du mousqueton avant chaque montée. En l’absence de cette norme, l’erreur — ici, un mousqueton mal fermé — n’avait quasiment aucune chance d’être détectée.


Les procureurs dénoncent notamment une comparaison stupéfiante faite par les dirigeants, qui avaient décrit l’escalade comme « pas plus dangereuse que faire du vélo sans casque », une phrase révélatrice d’un état d’esprit jugé irresponsable.


« Ce n’était pas un accident » : les parents face au tribunal


Lors de l’audience tenue le 26 mai 2025, les parents du jeune garçon ont livré un témoignage bouleversant. La mère a raconté comment leur vie a été irrémédiablement brisée, parlant d’une « dévastation totale » et d’un « traumatisme profond ». Elle a surtout insisté sur le fait que pour elle, la mort de son fils était tout sauf accidentelle, résultat évident d’un système de sécurité fondamentalement défaillant.


Le père, de son côté, a dénoncé l’attitude de Klimmuur après le drame. La rapidité avec laquelle la salle avait repris ses activités habituelles, notamment les fêtes d’anniversaires, sans remise en cause apparente de ses méthodes, lui est apparue comme une indifférence insoutenable, un « manque de respect évident » à la mémoire de son fils.


Une condamnation symbolique, mais sans interdiction


Le 20 juin 2025, le tribunal d’Amsterdam rend son jugement : Klimmuur Amsterdam BV et ses dirigeants sont reconnus coupables d’homicide involontaire par négligence.


Les deux directeurs écopent chacun de 120 heures de travaux d’intérêt général. L’entreprise reçoit une amende de 60 000 euros, dont la moitié avec sursis, assortie d’une période probatoire de deux ans. Le tribunal impose également une indemnisation d’un peu plus de 167 000 euros pour la famille de la victime.


En revanche, les juges n’ont pas suivi la demande du parquet qui réclamait l’interdiction totale pour Klimmuur d’organiser des anniversaires pendant dix ans. Une décision modérée, assumée par la justice comme suffisante pour pousser la salle à repenser profondément ses pratiques sans mettre fin à l’une de ses activités commerciales principales.


Un électrochoc nécessaire pour tout un secteur ?


Ce verdict dépasse largement les frontières néerlandaises et résonne particulièrement en France. Récemment, lors des grèves chez Climb Up, les salariés dénonçaient précisément le fait que du personnel d’accueil, sans formation particulière, était chargé de la sécurité des enfants dans les espaces dédiés.


Cette question de la qualification des encadrants avait également été soulevée dans nos échanges récents avec Alain Carrière, président de la FFME, évoquant une proposition avortée de l’Union des Salles d’Escalade (UDSE) : celle de créer un diplôme simplifié de type « BAFA escalade », inférieur au CQP actuel, destiné à gérer spécifiquement les anniversaires et les espaces de « fun climbing ». Une idée finalement abandonnée, ne correspondant pas aux attentes des clubs, qui réclamaient au contraire une formation plus poussée.


Cette affaire tragique d’Amsterdam rappelle, de manière crue, l’urgence absolue de repenser sérieusement les standards de formation et de surveillance des enfants dans les salles d’escalade. Entre impératifs commerciaux et exigences sécuritaires, c’est désormais tout un secteur qui est sommé de sortir définitivement du flou. Car si grimper rime avec plaisir et autonomie, la sécurité, elle, ne peut jamais être laissée au hasard.

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