« Silence. » : la montagne pour tous, ou rien
- Pierre-Gaël Pasquiou
- il y a 4 heures
- 4 min de lecture
Le silence n’est jamais totalement silencieux. Il porte en lui un écho de résistance, parfois un cri étouffé, parfois un murmure que seuls certains savent entendre. C’est précisément ce silence-là, invisible mais assourdissant, qu’Arnaud Guillemot traverse chaque jour en poursuivant son rêve : devenir guide de haute montagne. Le court-métrage documentaire Silence., réalisé par Thibault Cattelain et porté par l’association Unanimes, capture cette quête avec une ambition rare : rendre l’aventure alpine pleinement accessible, et casser définitivement les codes d'un milieu qui se veut ouvert mais reste encore hermétique à celles et ceux dont la réalité diffère des standards habituels.

La trame est limpide : Arnaud est sourd, et il veut guider. Une équation simple en apparence, pourtant vertigineusement complexe quand on creuse sous la surface des évidences. Gravir le Mont-Blanc à skis, c’est certes exigeant, c’est exposé, c’est engagé. Mais affronter quotidiennement les préjugés du milieu montagnard, des institutions ou des autres candidats à l’examen d’entrée au métier de guide relève d’une tout autre cordée. Plus subtile, plus abrupte, sans prise évidente pour s’agripper. Car avant même de poser son piolet, il faut sans cesse prouver qu’on a légitimement le droit d’être là. À la difficulté physique du sommet répond en miroir celle, infiniment plus rude, de briser le plafond de verre.
Faire de l’accessibilité un standard, pas une exception
En janvier dernier, nous vous parlions du collectif « Silence, on grimpe ! » initié par Arnaud Guillemot, dénonçant le manque criant d’accessibilité dans les festivals de films de montagne.
Avec Silence., Arnaud ne se contente plus d'alerter, il passe à l’action. Ce documentaire est une réponse concrète et directe à tous ces festivals encore trop souvent sourds aux revendications du public malentendant. Là où certains tergiversent encore, Silence. impose une évidence : rendre l’aventure alpine accessible n’est pas une question de moyens, mais bien une affaire de volonté.
Si ce film résonne si fortement comme une promesse militante, c’est précisément parce qu’il va bien au-delà du simple récit d’ascension. Il affirme un choix radical d'inclusion : proposer, pour la première fois en France, un film d'aventure et de montagne accessible simultanément à tous les publics, sans distinction. Trois dispositifs essentiels seront intégrés au cœur même du projet :
Le sous-titrage SME, intégré directement dans le film pour les spectateurs sourds ou malentendants, mais également disponible en fichier séparé (SRT) pour les diffuseurs.
Une audiodescription intégrée, permettant aux spectateurs malvoyants ou aveugles de vivre l’aventure alpine dans sa pleine dimension sonore et sensorielle.
Le doublage intégral en Langue des Signes Française (LSF), visible à l’écran tout au long du documentaire, réaffirmant la légitimité pleine et entière de cette langue encore trop souvent marginalisée.
Une initiative pionnière dans le paysage montagnard français. Nécessaire. Urgente.

Un crowdfunding pour financer l’évidence
Seulement voilà : être pionnier, c’est rarement confortable. La triple-accessibilité, pourtant vitale, demande des moyens concrets. L'équipe du film a lancé un financement participatif précis et transparent :
500 € pour un sous-titrage rigoureux, véritable porte d’entrée vers l’expérience.
1 000 € pour l’audiodescription, essentielle à une perception complète et équitable.
1 000 € pour un doublage LSF qualitatif, pour respecter et célébrer cette langue visuelle à part entière.
Si ces 2500 euros sont atteints, l’ambition ne s’arrête pas là. Chaque euro supplémentaire permettra de garantir la qualité du film lui-même : cadrage, montage, étalonnage, mais surtout le mixage son—paradoxe apparent, certes, mais fondamental pour une œuvre qui se donne précisément comme mission d'être vécue par tous.
Derrière l’écran, des convictions solides
Les protagonistes de Silence. ne sont pas là par hasard. Arnaud Guillemot (personnage principal et co-auteur), Thibault Cattelain (réalisateur-producteur), soutenus par l’association Unanimes, incarnent pleinement leur message. Pas de faux-semblants ni d’accessibilité en surface : ce projet est radical dans le bon sens du terme, puisqu'il refuse tout compromis sur le droit universel à l'expérience du sensible. Ce film n’est pas seulement destiné aux passionnés de montagne, mais à tous ceux pour qui le mot inclusion ne doit pas être un slogan creux. Il s’adresse à ceux qui croient encore que l’alpinisme peut porter en lui une valeur d’humanité plus forte que la seule performance sportive ou esthétique.
Arnaud et Thibault ont déjà gravi une partie de ce chemin, mais il leur reste à franchir l'étape collective, celle où chacun comprend que rendre une œuvre accessible ne doit pas être une faveur exceptionnelle mais une norme minimale.
Silence. est une déclaration : soit la montagne est accessible à toutes et tous, soit elle n'est rien. Elle ne vaut rien. Ce silence, désormais, appelle votre voix.
Unanimes : l’association en coulisse
Si ce projet s’annonce si solide, c’est aussi grâce au soutien et à la détermination de l’association Unanimes, qui fédère et représente les associations nationales des publics sourds, malentendants, devenus-sourds, sourdaveugles, sourds avec handicap associé, ainsi que leurs familles. Bien au-delà d'une simple structure associative, Unanimes joue un rôle crucial auprès des pouvoirs publics, des acteurs économiques et de la société civile pour défendre les droits de ces publics, quel que soit leur âge, l’origine de leur surdité ou leur mode de communication.
En accompagnant des initiatives comme Silence., l’association participe concrètement au développement de projets innovants, favorisant ainsi l’émancipation et l’autonomie des personnes sourdes et malentendantes, affirmant haut et fort que l'inclusion n'est pas négociable.
Pour soutenir ce projet ou obtenir davantage d’informations, rendez-vous sur la plateforme de financement participatif HelloAsso.