Reel Rock en France : fin de voie pour un festival culte
Le Reel Rock Tour en France, c’est fini. Rideau, fin de la session, merci pour tout et à la prochaine. Sauf qu’il n’y aura pas de prochaine. Le festival de films d’escalade qui nous faisait vibrer une fois par an dans les salles obscures rejoint la longue liste des événements qui ont préféré troquer les projecteurs contre le streaming. Une disparition en plusieurs actes, entre mauvaise gestion, polémiques brûlantes et, surtout, une industrie du film d’aventure qui ne sait plus trop sur quelle prise se caler.

Un festival qui se saborde à petit feu
Reel Rock, c’était l’événement où l’on venait se prendre une claque visuelle en collectif. Des bras qui tétanisent en regardant une main tremblante chercher désespérément une réglette, des soupirs de soulagement quand un pied tient contre toute attente, des cris quand un jeté impossible passe par miracle. Une communion grimpeuse qui, chaque année, nous donnait envie de tout plaquer pour filer droit vers la falaise la plus proche.
Mais voilà, les Américains ont décidé que les salles de cinéma, c’était so 2019. Place à la VOD et aux abonnements mensuels. Dans le business model du 21e siècle, un spectateur en salle, c’est un spectateur qui paye une fois. Un abonné à une plateforme, c’est une rente.
Et tant pis si l’essence même du festival – voir ces films collectivement, se nourrir des réactions du public, discuter dans le hall après la projection – passe à la trappe.
En changeant la date de sortie de ses films et en réduisant à peau de chagrin le temps disponible pour organiser une tournée en salle, Reel Rock a petit à petit scié la branche sur laquelle il était assis. La France a tenté de s’accrocher avec une tournée à l’automne, puis une diffusion unique au printemps. Échec critique. Face à un public qui préférait mater les films depuis son canapé plutôt que de se déplacer pour une date unique, les organisateurs français ont dû lâcher la corde.
Polémiques en série : la goutte de sueur en trop
Si ce n’était qu’un problème de calendrier, peut-être que le Reel Rock Tour aurait pu survivre. Mais ces dernières années, le festival s’est aussi pris les pieds dans le tapis des polémiques.
Exemple parfait : Death of Villains, un film qui met en avant Joe Kinder, grimpeur qui traîne une belle casserole derrière lui – une affaire de harcèlement envers Sasha DiGiulian, qui lui a coûté ses sponsors et sa réputation. Son grand retour à l’écran, accompagné de Kai Lightner, a fait grincer des dents : une plateforme qui met en avant l’éthique et l’aventure humaine ne devrait-elle pas être un peu plus regardante sur les figures qu’elle choisit de glorifier ?
Autre dossier brûlant : The Cobra & The Heart, où l’on retrouvait Thomasina Pidgeon, qui a ouvertement défendu un homme condamné pour viol avant de se raviser en mode "oups, j’avais pas toutes les infos". Pas suffisant pour calmer les critiques, qui pointaient une absence totale de prise de position de Reel Rock face aux polémiques qui s’accumulaient.
Face à ça, la maison-mère a choisi la stratégie du silence gêné et du "désolé si vous vous sentez offensés". Une communication molle qui, plutôt que de rassurer, a achevé d’agacer un public déjà méfiant.
Reel Rock, ou l’art de perdre son public
Le Reel Rock Tour en France ne s’éteint pas en héros. Pas de standing ovation, pas d’applaudissements nourris. Juste une fin de partie tristement prévisible.
À force de rogner sur ce qui faisait son essence – la rencontre, la communauté, la magie du grand écran – et de ne jamais vraiment assumer ses choix éditoriaux, le festival s’est tiré une balle dans le pied. Ou plutôt, il a zippé sur un pied-main mal calé et s’est écrasé en bas du bloc.