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À Bali, l’IFSC joue son va-tout

Organiser une Coupe du Monde d’escalade sur l’île des surfeurs, après trois éditions urbaines à Jakarta, il fallait oser. Du 2 au 4 mai 2025, la grimpe mondiale installe son mur officiel sur la presqu’île de Nusa Dua. Derrière le décor paradisiaque, une question se pose : peut-on vraiment rester olympique sans perdre son âme ?


IFSC Bali 2025
© Lena Drapella/IFSC

Après trois éditions bien huilées à Jakarta, entre gratte-ciels et gradins climatisés, l’IFSC tente le changement radical en déplaçant son étape indonésienne à Bali. Un décor idyllique, certes, mais cette délocalisation vers la petite péninsule touristique de Nusa Dua n’a rien d’une simple promenade. C’est un test grandeur nature pour une discipline olympique tiraillée entre ses racines outdoor et son statut de sport spectacle. Ce qui ressemble à une parenthèse cool pourrait bien définir l’avenir de l’escalade compétitive mondiale.


Le mur de Jakarta au bord de l’océan Indien


Ce mur de compétition planté face à l’océan n’est pas neuf. Il arrive tout droit de Jakarta, démonté pièce par pièce après les éditions précédentes, puis reconstruit sur place dans des conditions logistiques délicates. Pour assurer sa stabilité face aux vents marins capricieux, 82 tonnes de contrepoids sont nécessaires.


Ce détail logistique dit tout de la situation : malgré les apparences d’une compétition improvisée sur une plage paradisiaque, l’IFSC reste obsédée par la précision millimétrique, l’ingénierie rigoureuse, loin de l’esprit bohème que pourrait laisser croire le décor balinais.


Avec près de 420 000 euros investis par le gouvernement, l’événement est devenu une affaire d’État.

L’installation face aux vagues semble être une répétition générale avant les JO de Los Angeles en 2028, où le mur olympique s’élèvera sur Palm Beach. À Bali, l’IFSC teste grandeur nature son modèle olympique « détendu », mais toujours millimétré.


IFSC Bali 2025
La localisation de l'évènement sur l'île de Bali

Bali, ou l’art subtil du soft power sportif


Ce choix balinais ne doit rien au hasard. L’Indonésie, galvanisée par la médaille d’or olympique décrochée à Paris par Veddriq Leonardo, affiche désormais clairement ses ambitions sur la scène internationale. Avec près de 7 milliards de rupiah (environ 420 000 euros) investis par le gouvernement, l’événement est devenu une affaire d’État. Le gouverneur de Bali, I Wayan Koster, mobilise les autorités locales, des centaines de bénévoles sont au travail, et Yenny Wahid, récemment nommée vice-présidente de l’IFSC pour l’Asie, orchestre subtilement ce tournant diplomatique et sportif.


En choisissant Bali, île emblématique mais fragile, l’IFSC se met volontairement dans une position inconfortable : célébrer une discipline ancrée dans la nature, tout en contribuant potentiellement à sa dégradation.

En clair, l’Indonésie entend prouver que le pays est désormais incontournable dans le monde de l’escalade, capable d’organiser aussi bien une compétition ultra-professionnelle qu’un événement international populaire dans un lieu iconique mondialement reconnu.


Pour Desak Made Rita Kusuma Dewi, grimpeuse balinaise médaillée mondiale et qualifiée aux Jeux Olympiques de Paris, cette Coupe du Monde est bien plus qu’une étape dans le calendrier de cette saison. C’est la toute première fois que cette star locale va pouvoir grimper devant son public, chez elle, à Bali. Un moment fort attendu par les fans indonésiens, et une belle opportunité pour l'île de célébrer celle qui l’a fait rayonner sur la scène internationale.


Les organisateurs ont fait le choix d’une entrée libre et d’un camping gratuit sur place. Objectif affiché : casser l’image élitiste des compétitions internationales. Derrière cette apparente générosité se cache une stratégie : prouver que l’escalade peut rester populaire, accessible et communautaire, même quand elle atteint les sommets olympiques. C’est aussi un message clair envoyé par l’IFSC avant Los Angeles 2028, où l’escalade se tiendra dans une atmosphère similaire, à quelques mètres des vagues de Palm Beach.


IFSC Bali 2025
Le plan de l'installation du mur de la Coupe du Monde à Bali © IFSC

L’IFSC face à l’océan (et à elle-même)


Difficile d’éviter le sujet : organiser une compétition mondiale dans un lieu déjà victime de tourisme de masse ne va pas sans poser problème. En choisissant Bali, île emblématique mais fragile, l’IFSC se met volontairement dans une position inconfortable : célébrer une discipline ancrée dans la nature, tout en contribuant potentiellement à sa dégradation.


Ce paradoxe n’est ni innocent, ni accidentel. Il reflète parfaitement le dilemme actuel d’une escalade devenue olympique : comment poursuivre sa croissance internationale tout en respectant ses propres valeurs écologiques ? À Bali, l’écologie n’est pas un simple décor, c’est le révélateur des contradictions profondes auxquelles la fédération va devoir faire face.


Du 2 au 4 mai 2025, à Bali, l’IFSC teste plus qu’un décor exotique pour sa Coupe du Monde. À l’image de Briançon, réputée pour son ambiance authentique au pied des montagnes, Nusa Dua propose une autre expérience d’escalade outdoor : face à l’océan, les pieds dans le sable, dans une atmosphère de festival sportif ouvert à toues et tous.


Ce choix balinais ne marque pas une rupture totale, mais plutôt une nouvelle tentative pour conjuguer olympisme et authenticité, professionnalisme et convivialité. Un test grandeur nature qui pourrait bien influencer directement les prochaines destinations choisies par l’IFSC pour les saisons à venir, en privilégiant des cadres toujours plus spectaculaires.

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