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NEOM IFSC Masters : la fin d’une escalade controversée

La nouvelle est tombée dans un souffle presque imperceptible : les NEOM IFSC Masters ne reviendront pas en 2025. Pas de troisième édition pour cet événement qui avait réussi l’exploit d’attirer les projecteurs... et les foudres. Une disparition discrète, à l’image de la stratégie adoptée par l’IFSC face à la polémique : le silence. Mais derrière cette annonce laconique, que s’est-il réellement passé ? Décryptage d’une décision qui soulève bien plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.


The line Neom
© Neom

NEOM : la ville qui voulait grimper vers l’avenir


En 2022, l’escalade de haut niveau découvrait NEOM, une mégapole futuriste rêvée par l’Arabie Saoudite. Imaginée comme un symbole d'innovation et d’écologie, cette ville utopique devait marier performance technologique et harmonie environnementale. En pratique ? Des bulldozers dans le désert, une expropriation massive des populations locales, et des critiques unanimes sur le greenwashing massif qui entoure le projet.


C’est dans ce décor controversé que les NEOM Beach Games ont vu le jour, avec une ambition claire : promouvoir l’image d’un royaume en pleine réinvention. Au menu, des épreuves de basket 3x3, de triathlon, de beach soccer, et bien sûr, d’escalade. Mais dès la première édition, l’initiative a laissé un goût amer : les grimpeurs invités se retrouvaient face à un dilemme moral, et les critiques fusaient de toutes parts.


Un retour sous tension en 2024


L’année suivante, malgré les appels au boycott et une lettre ouverte signée par des grimpeurs renommés comme Hugo Parmentier et Nolwen Berthier, l’IFSC décidait de rempiler. Une décision incompréhensible pour beaucoup. « Comment peut-on prêter l’image de notre sport à un projet qui incarne l’opposé de ses valeurs ? » s’indignait le collectif ACTS dans une tribune relayée par les médias internationaux.


Mais sur le terrain, la compétition de 2024 avait déjà perdu de sa superbe. La liste des participants, d’ordinaire affichée fièrement par l’IFSC, était cette fois restée invisible jusqu’à la dernière minute. Une opacité qui traduisait sans doute une gêne : seuls deux Français étaient présents, et la majorité des grands noms du circuit avaient décliné. En leur lieu et place ? Une poignée de grimpeuses et grimpeurs moins connus, attirés par des primes alléchantes. Pour beaucoup, on imagine que c’était moins un choix de cœur qu’un choix de raison.


L’IFSC : un silence assourdissant


Lorsqu’on interroge l’IFSC sur la fin des NEOM IFSC Masters, la réponse se veut factuelle : « Les organisateurs de NEOM ont choisi de ne pas planifier une troisième édition. » Une justification lapidaire qui détourne habilement le regard des critiques éthiques et environnementales.


Ce silence est devenu une signature pour la fédération. Déjà en 2023, elle avait ignoré les interpellations publiques d’ACTS, préférant, selon le collectif, « faire pression sur les signataires plutôt que de répondre aux critiques ». Pour une organisation qui se targue de « créer un monde meilleur grâce à l’escalade », cette posture divise.


Pourquoi NEOM lâche l’affaire ?


L'abandon des NEOM IFSC Masters en 2025 soulève de nombreuses questions. Officiellement, cette décision émane des organisateurs. Cependant, plusieurs facteurs pourraient l'expliquer.


D'un point de vue financier, organiser un tel événement dans le désert, avec des investissements massifs, s'avérait peu rentable, surtout face à une couverture médiatique largement négative. En 2024, même les médias saoudiens peinaient à dissimuler l'échec de l'événement, marqué par une faible affluence et un désintérêt croissant des sponsors.


Les critiques internationales ont également pesé lourd. Des reportages du Wall Street Journal et de la BBC, ainsi que des condamnations par Human Rights Watch, ont mis en lumière les violations des droits humains et les accusations de greenwashing associées au projet NEOM. Dans ce contexte, associer une compétition sportive à une telle initiative devenait une stratégie risquée, même pour une fédération internationale.


De plus, le projet NEOM lui-même fait face à des défis majeurs. Initialement prévu pour être achevé d'ici 2030, des responsables saoudiens ont admis que "The Line", une composante clé de NEOM, ne serait pas terminé avant 50 ans. Cette prolongation, combinée à des problèmes financiers et des violations des droits humains, a conduit à des retards et à une réduction de l'ampleur du projet.


Ainsi, la non reconduction des NEOM IFSC Masters en 2025 pourrait être le reflet de ces défis, rendant la poursuite de l'événement insoutenable.


Un dilemme pour l’escalade de haut niveau


Au-delà de NEOM, cette histoire met en lumière un dilemme plus large pour l’escalade de haut niveau : peut-on développer un sport tout en restant fidèle à ses valeurs ? Si les primes des NEOM IFSC Masters étaient parmi les plus élevées du circuit, elles n’ont pas suffi à masquer l’impact symbolique de la participation. « Qu’on le veuille ou non, le sport est politique », martèle Hugo Parmentier. Et de rappeler que l’escalade, sport historiquement ancré dans une relation intime avec la nature, a tout à perdre en se mêlant à des projets comme NEOM.


Vers un futur plus éthique ?


Avec la fin des NEOM IFSC Masters, une page se tourne. Mais pour l’IFSC, le défi reste entier : comment concilier ambitions de croissance et éthique environnementale ? Certains, comme Mickael Mawem, veulent croire en un rebond. « C’est un sport jeune. Il faut du temps pour construire un calendrier stable et éthique. » D’autres, comme ACTS, continuent d’appeler à une réforme en profondeur, pour que l’escalade retrouve les valeurs qui ont fait son essence.


Une chose est certaine : NEOM restera dans l’histoire comme un exemple de ce qu’il faut éviter. Et si la fédération ne prend pas les leçons de cet épisode, elle risque de voir les grimpeurs – et les fans – tourner définitivement le dos à ses initiatives les plus controversées.


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