Laurent Lagarrigue, nouveau DTN de la FFME : continuité ou renouveau ?
Après 27 ans sous l’ère Paillasson, la FFME change de capitaine. Laurent Lagarrigue, figure bien connue du haut niveau français, prend les rênes en tant que Directeur Technique National (DTN). Nomination logique ou simple coup de peinture fraîche ? Décryptage.

Un homme du sérail
On ne pourra pas lui reprocher de débarquer en terrain inconnu. Licencié depuis l’adolescence au club de Cahors, Laurent Lagarrigue a fait tout son parcours dans l’écosystème fédéral. Du Comité territorial FFME du Lot au poste de Conseiller Technique Sportif dans le Cantal et le Tarn-et-Garonne, il a gravi les échelons jusqu’à intégrer la FFME en 2009. Là, il a navigué entre plusieurs rôles clés du département haut niveau : entraîneur des jeunes, sélectionneur national du bloc, puis coordinateur du combiné bloc/difficulté pour Paris 2024.
En tant que coordinateur de la préparation olympique du combiné bloc/difficulté pour Paris 2024, il a accompagné l’adaptation des grimpeurs français aux exigences de ce nouveau format. Mais être DTN, ce n’est pas juste gérer une équipe de France, c’est piloter toute une fédération. Et c’est là que les enjeux commencent.
Haut niveau, formations, terrains de jeu : la triple équation du DTN
Le rôle de DTN dépasse largement la seule question des performances sportives. Il faut jongler avec les impératifs politiques, économiques et structurels. Pour Laurent Lagarrigue, les défis sont multiples :
Relancer l’équipe de France post-Paris 2024 : Face à des nations comme les États-Unis et le Japon, la France devra analyser ses résultats à Paris 2024 pour adapter sa stratégie. L’évolution des formats de compétition et l’émergence de nouveaux profils d’athlètes imposent une adaptation rapide.
Gérer l’équilibre entre performance et formation : La FFME doit continuer à structurer la formation des entraîneurs et le développement des pôles espoirs, tout en garantissant un suivi efficace des athlètes élites. Le développement du haut niveau repose en grande partie sur la capacité des clubs et des structures locales à détecter et accompagner les jeunes talents. Un enjeu central pour la FFME sera d’assurer un lien efficace entre ces structures et l’élite.
Faire cohabiter compétition et pratiques outdoor : La fédération doit composer avec des licenciés aux attentes très variées, entre les grimpeurs de gymnase et les défenseurs des falaises, entre les aspirations olympiques et celles des amateurs de grandes voies. La crise des conventions falaises a laissé des traces, et la FFME peine à rassurer les grimpeurs sur sa volonté de défendre l’accès aux sites naturels.
Le poste de DTN est un terrain glissant, où chaque choix engage une partie de la communauté FFME. Avec la montée en puissance des salles privées et des pratiques non fédérées, la FFME doit prouver qu’elle reste un acteur incontournable.
FFME : stabilisation ou transformation ?
La nomination de Laurent Lagarrigue est-elle un signal de continuité ou une opportunité de changement ? La FFME sort de plusieurs années de turbulences : crise des conventions falaises, déclin de certaines structures locales, tensions entre sport fédéral et acteurs privés.
En interne, certains attendaient un vent de renouveau. Mais en choisissant un cadre de la maison, la fédération joue la carte de la transition en douceur plutôt que celle de la rupture.
La fédération fait également face à des défis budgétaires croissants. Avec la fin de l’effet Jeux Olympiques et la répartition fluctuante des financements publics, le modèle économique de la FFME est sous tension. Entre le soutien aux athlètes de haut niveau et le financement des structures locales, les arbitrages à venir seront scrutés de près.
Ses premières déclarations restent prudentes : « Je mettrai toute mon énergie pour lever les freins et donner du sens à nos projets afin que notre fédération continue sa progression. » Le terrain est balisé, reste à voir la trajectoire qu’il prendra.
Un poste sous tension
Si le DTN a un rôle stratégique, il reste sous le feu croisé des athlètes, des entraîneurs, des clubs et des institutions. Il faut jongler avec les attentes des collectivités, des sponsors, des médias et des grimpeurs eux-mêmes. La FFME, fédération délégataire, est sous pression pour justifier son modèle et sa gestion du haut niveau.
La professionnalisation de l’escalade, notamment en compétition, pose également question. Aujourd’hui, rares sont les athlètes français qui vivent confortablement de leur sport. La question de l’accompagnement vers un modèle plus professionnel reste un enjeu majeur.
Enfin, la concurrence entre la FFME et les salles privées continue de s’intensifier. De plus en plus de grimpeurs pratiquent exclusivement en indoor sans jamais prendre de licence fédérale. Une tendance qui interroge sur l’avenir du modèle FFME, et sur sa capacité à fédérer au-delà du cercle des compétiteurs.
Laurent Lagarrigue, l’homme du compromis ?
Laurent Lagarrigue hérite d’un poste où l’exigence est totale et les marges de manœuvre limitées. Sa mission : maintenir l’escalade française au plus haut niveau mondial tout en consolidant une fédération en quête de repères. Il a l’expérience et la connaissance du terrain. Reste à voir s’il aura aussi la liberté et les moyens de ses ambitions.
La FFME cherche-t-elle à naviguer en eaux calmes ou à impulser une nouvelle dynamique ? Le choix d’un homme du sérail pourrait rassurer certains et frustrer ceux qui attendaient une rupture plus nette avec l’ancien modèle. Mais dans une fédération qui doit jongler avec des intérêts divergents, un bon DTN est peut-être avant tout un maître du compromis.
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