« Graou », le premier film de Vertige Media sur la légende du Verdon
- Matthieu Amaré
- il y a 1 jour
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Dernière mise à jour : il y a 3 heures
Vertige Media sort son premier film ! « Graou » raconte l’histoire de la rencontre entre les fondateurs du média d’escalade et une figure de la grimpe du Verdon. Un court-métrage de 20 minutes, projeté en avant-première le 24 septembre prochain à Paris, où se mêlent légendes, escalade pure et engagée ainsi qu’un peu de grand n’importe quoi. Cinéma, tchi-tcha.

La première fois qu’on a entendu parler de Graou, c’était au téléphone. La discussion n’avait a priori rien à voir avec l’équipeur le plus prolifique de France. Il s’agissait d’une autre « légende » du monde de l’escalade : Alain Robert. Après une interview gargantuesque de Philippe Poulet sur l’homme araignée, ce dernier nous a parlé d’un nouveau topo qui allait sortir sur les Gorges du Verdon. Comme ça, pour info. Le rédacteur en chef du magazine Vertical a quand même participé à la mise en page de la nouvelle bible de la Mecque de l’escalade, éditée par Jean-Baptiste Tribout. Mais surtout, Philippe nous le glisse parce que ce serait l’occasion de faire un reportage sur l’auteur du topo : un certain « Graou ».
« Mi ours, mi lézard »
À nos oreilles, le surnom claque comme il s’entend : un rugissement bestial. Et l’image qu’il évoque ne renvoie pas tout de suite à celle d’un grimpeur qui fait de la poésie. Assez directement, s'entrechoquent dans nos têtes le portrait d’un type qui ne s'embarrasse pas trop avec de la crème hydratante quand il a fini de grimper. Et, bingo, c’est bel et bien le tableau que nous peint Philippe Poulet. « Graou, c’est un mec mi-ours mi-lézard, lâche-t-il en roue libre. Un type qui vit depuis 35 ans dans le Verdon, reculé du monde, mais qui est sans doute le meilleur équipeur de France. » Quand vous êtes journaliste et que vous entendez une phrase pareille, vous sentez généralement que vous êtes en présence d’un bon sujet. Philippe le sait et en (ab)use. Mais la vérité vraie, c’est qu'on n'a jamais entendu parler du bonhomme.
À ce moment-là, on ne sait rien de plus. Philippe Poulet a raccroché en se bidonnant sur de jeunes grimpeurs qui ont encore beaucoup de choses à apprendre. Alors, on se renseigne. Quand vous partez avec un biais, celui-ci se confirme toujours au fur et à mesure de vos recherches. Il n’existe pas beaucoup de choses sur « Graou » en ligne et les rares contenus qui défilent sous nos yeux ont tendance à valider la nature sauvage de l’animal. En l'occurrence deux premières chose : un article du Monde de 2012 intitulé « Les derniers sauvages de l'escalade », et un document d’archive où on voit Graou lancer des chèvres sur un pauvre touriste allemand.
On exagère à peine mais croyez-nous, la fièvre grandit. Et avec elle, l’envie d’aller rencontrer le héros local. Il n’a pas fallu déployer beaucoup d'arguments pour convaincre deux amis réalisateurs, Tristan Lochon et Julien Demond, que nous avions là matière à filmer quelque chose d’intéressant. Depuis notre première conversation au téléphone, on a quand même un peu creusé notre sujet. Il apparaît que notre homme a quand même un nom - Bruno Clément - et que grâce à cela, on a non seulement eu la possibilité d’élargir nos recherches mais aussi de demander à notre entourage si la réputation du type se hissait à la hauteur de son surnom rugissant. Réponse : Graou est une légende. Il y a celles et ceux qui aiment et celles et ceux qui n’aiment pas mais une chose est sûre : Bruno Clément s’est taillé une place au panthéon de l’escalade française. Une autre certitude : personne n’a dosé le versant animal du personnage. Comme si toutes et tous s'accordent à nourrir la légende d’une vie qui évolue décidément en marge de celle des hommes.
Évidemment, le côté sauvage ravit toujours les réalisateurs quand ils entament un projet. Ça promet de l’aspérité, du relief, du jus. Sauf que sur le chemin, Tristan et Julien ont changé d’angle. Il ne s’agit plus vraiment de faire un film sur Graou. Il s’agit de faire un film sur « Vertige Media qui part à la rencontre de Graou ». Ah. Ils n’en démordent pas, la nuance change tout et devient même une condition au fait qu’ils montent sur le projet. Nous, on se regarde avec le peu de contenance qu’il nous reste en se disant en chœur qu’un « bon sujet » est en train de devenir le saut dans le vide qu’on n’avait pas envie de faire. D’autant plus qu’à l’autre bout du fil, Bruno est déjà très chaud. Il vient de nous donner son accord pour venir chez lui, à La Palud-sur-Verdon, le filmer dans son environnement naturel. Et ça commencera par une voie dans le 8 qu’il va ouvrir « façon Graou ». Avec ses mots, ça donne « un truc qui me plait bien quoi ». Dans nos têtes, ça donne « sortez-nous de là ».
C’est alors qu’ont commencé les nuits incisées par les vertiges et les recherches sur Google Images. Attention spoiler : quand vous n'êtes jamais allé dans le Verdon et que vous tapez le nom des Gorges suivi de « escalade », il vous faudra attendre deux secondes avant que vos mains ne deviennent moites. Depuis votre petit smartphone, 300 mètres de vide vous contemplent. Et quand vous ajoutez à cela la tête d’un type qui vous intime de descendre un surplomb en rappel, vous pouvez vite vous demander pourquoi vous vous êtes lancés dans ce boulot qui n’a jamais porté aussi bien son nom.
Une nouvelle soirée vertigineuse
Au final, quoi ? Si on écrit ces lignes, c’est que vous vous doutez bien qu’on a survécu. Non seulement, nous avons survécu à l’expérience en elle-même mais aussi à l’idée qu’on se faisait du personnage principal. Le portrait de Graou que nous avions publié il y a quelques mois en est le résultat. Le film que nous sortons raconte l’histoire d'une rencontre. De l’ensemble du processus qui nous a mené à cette petite baraque de La Palud à la découverte d’un grimpeur qui mérite bien tous les contes qui lui sont associés. Et entre les deux : des moments vertigineux et une certaine idée de l’escalade - pure, libre, engagée - qui semble résister à tout lorsqu’elle est pensée depuis le sommet des Gorges du Verdon.
Graou, c’est donc notre premier film. Après avoir longuement travaillé sur le projet et son personnage principal, on ne sait toujours pas vraiment pourquoi Bruno Clément a été surnommé ainsi. Même le principal intéressé l’ignore. Plein d’histoires s’entremêlent, aucune ne se répète. C’est pour cela que ce titre nous plaisait bien. Chacun·e pourra se faire sa propre idée en regardant le parcours d’un grimpeur exceptionnel et des gars un peu flippés qui ont essayé de suivre sa trace. Car au-delà d’un film sur une légende du Verdon, ce sont sans doute les 20 minutes qui résument le mieux Vertige Media depuis ses débuts. Deux types qui se lancent dans une aventure verticale en ne sachant pas vraiment dans quoi ils mettent les mains. Le reste, c’est à vous de voir.