Sous les pavés, les hauteurs : Alexis Landot, grimpeur urbain en quête de sens
Descendre dans les entrailles de Paris pour mieux comprendre celui qui l'escalade. Loin des regards et des bruits familiers, c’est dans un lieu secret et chargé d’histoire que nous avons choisi d’inviter Alexis Landot pour cette rencontre. Ici, dans les profondeurs de Paris, un décor propice à la réflexion s’installe, à l’image de ses ascensions, discrètes mais puissantes. Alexis, grimpeur urbain emblématique, y trouve une ambiance propice aux confidences, où l’obscurité et le silence résonnent différemment, bien loin des hauteurs vertigineuses où il se sent paradoxalement le plus libre.
Avec Alexis, rien n’est jamais vraiment à la surface. Il escalade des immeubles de verre et de béton, mais derrière chaque ascension se cache une réflexion sur la vie moderne, l’individualisme et la quête de sens. "Je ne fais pas avancer l’humanité avec mes grimpeurs. C’est égoïste", dit-il. Loin de l’image du héros qui triomphe des lois de la gravité, Alexis incarne une autre forme de rébellion : celle contre une vie qui ne lui convient pas. Après des tentatives de travail dans des bureaux, il admet : "Je me suis embrouillé avec mes collègues et j’ai dû partir. Je ne pouvais pas vivre autrement."
Pour cet homme, l’escalade n’est pas qu'une recherche de hauteur, mais aussi une quête intérieure, celle d’un équilibre mental et spirituel qu’il semble trouver lors de ses défis verticaux.
L’ascension comme art de vivre et de survivre
Chaque ascension d’Alexis Landot est une mise à l’épreuve. Non seulement de ses compétences physiques, mais surtout de son état mental. "Avant de grimper, c’est le chaos dans ma tête. J’ai la vision qui se rétrécit, les poils qui se hérissent, la bouche sèche… Je ne vais pas bien." Pourtant, une fois ses mains sur la façade, tout s’apaise. "Dès que je commence à grimper, tout devient calme. C’est presque méditatif."
Alexis parle de l'escalade comme d'un outil pour se rééquilibrer, une méthode pour gérer les tensions quotidiennes, mais surtout son anxiété. Alors que d’autres grimpeurs urbains cherchent l’adrénaline et la montée d’endorphines, Alexis est à la recherche de l’ordre, du contrôle. "Je n’ai pas envie de frôler la mort. Ce que je veux, c’est maîtriser chaque mouvement, savoir que je suis capable de tout gérer."
Cette recherche du contrôle contraste radicalement avec l’image que l’escalade urbaine projette souvent : un sport de casse-cou. "Je cherche à rester calme, à être en paix pendant l’ascension, et c’est ce qui me permet d’aller plus loin."
Entre l’ombre et la lumière : les réseaux sociaux comme double tranchant
Avec plus d'un million de followers sur Instagram, Alexis Landot n’a pas choisi de rester dans l’ombre. Pourtant, cette visibilité lui pose un dilemme constant. "Je ne veux pas encourager les autres à faire ce que je fais, mais je n’ai pas d’autre moyen de partager ma discipline que via les réseaux sociaux." Cet aveu révèle la complexité de sa position : d’un côté, il a besoin de montrer son art pour vivre de sa passion ; de l’autre, il craint que des amateurs se lancent sans comprendre les risques réels.
"La plupart des gens sont assez intelligents pour ne pas se lancer là-dedans, mais il y a toujours ce risque que quelqu’un pense pouvoir faire la même chose sans préparation." Loin de vouloir prêcher, Alexis insiste sur l'importance du travail acharné derrière chaque performance. "Ce que je fais demande des années d’entraînement, des heures par jour, six jours par semaine. Ce n’est pas un hobby, c’est un mode de vie."
L'escalade urbaine se trouve au carrefour d’un besoin de visibilité et d’une responsabilité éthique. "Je montre ce que je fais, mais j’espère que les gens comprennent que ce n’est pas à imiter."
Une fine ligne entre légalité et passion
L'escalade urbaine n'est pas simplement une question de défi physique. C'est aussi une activité qui flirte avec l'illégalité. Grimper des immeubles sans autorisation expose Alexis à des risques bien au-delà des blessures physiques. Il évolue sur une ligne étroite entre la transgression des règles et la nécessité de se dépasser. Il en est conscient, mais cette frontière, aussi fragile soit-elle, semble faire partie de son jeu. "Ne pas avoir le droit de grimper là où je grimpe, c’est une réalité. Mais ça fait partie du défi."
Loin d’encourager l’infraction pour le simple plaisir de la provocation, Alexis voit dans cette dualité une nouvelle manière de questionner les limites, tout en les respectant à sa manière. Chaque ascension est précédée d'une longue préparation, une évaluation minutieuse des risques, non seulement pour sa sécurité, mais aussi pour éviter d’attirer l’attention inutilement. "C’est toujours une question de mesure, d’équilibre. Savoir où s'arrêter et quand continuer."
Une vision différente du risque : l’héritage d’Alain Robert et la philosophie de Catherine Destivelle
Dans le monde de l’escalade urbaine, Alexis Landot est souvent présenté comme le "fils spirituel" d’Alain Robert, le légendaire "Spiderman français". Si ce surnom flatteur est un honneur, Alexis se distingue fondamentalement de son mentor. "Alain, il cherche à frôler les limites, à se mettre en danger, à improviser constamment. Moi, je cherche le contrôle et la sérénité."
Alexis s’inspire davantage de Catherine Destivelle, une figure emblématique de l’escalade. "Sa philosophie me parle énormément. Elle grimpe pour se retrouver, et c’est ce que je ressens aussi. Ce n’est pas une recherche de danger, mais une quête de dépassement de soi, de maîtrise." La maîtrise, voilà le mot-clé d’Alexis.
Ce désir de contrôle s’illustre dans ses choix. Alexis ne grimpe pas pour choquer ou pour défier l’autorité, mais pour se retrouver dans l’instant présent. "Grimper, c’est être dans le moment, sans autre distraction. Tout est simplifié : soit je réussis, soit je tombe. Il n’y a pas d’entre-deux. Et c’est apaisant."
L’ascension d’un futur incertain
Aujourd'hui, Alexis fait face à des défis nouveaux. Sa carrière, autrefois précaire, a connu des moments de succès, mais l'instabilité est une constante. "L’année dernière, j’ai bien gagné ma vie grâce à quelques contrats, mais cette année, tout a changé. Les sponsors se font rares, et je me retrouve encore une fois à devoir réévaluer mes options."
Malgré l'incertitude, sa passion reste inébranlable. 'Je grimpe d'abord pour moi, pas pour l'argent. Bien sûr, il faut subvenir à ses besoins, mais tant que la passion me guide, je ne m'arrêterai pas.' Dans un monde dominé par la quête de visibilité et les impératifs financiers, Alexis Landot se distingue par une authentique sincérité. Pour lui, grimper est une nécessité, un moyen de trouver la liberté dans l'effort et la hauteur, là où il peut enfin se sentir en paix.