Trois conseils pour gérer la peur de la chute en escalade
« Mais pour toi, c’est facile, tu n’as pas peur de tomber », on connaît tous cette phrase lorsque l’on essaie d’aider quelqu’un à apprivoiser la pratique de l’escalade. Première vérité à rappeler : on a tous peur de tomber. Et c’est d’ailleurs bien normal, puisqu'il s’agit de rationalité ; sans rationnel, l’escalade ne garderait pas longtemps en vie ses adeptes. Même les adeptes de free solo, dont l’espérance de vie reste plus limitée qu’un grimpeur en trad, ont peur de tomber, la preuve ils répètent les voies avant de les faire sans corde.
Cela n’en reste pas moins un sujet important sur lequel travailler, car la peur est une source de distraction. Et qui dit source de distraction, dit concentration perturbée, et donc mauvaise décision, énergie mal exploitée, attention dirigée vers les mauvais éléments, etc.
S'il est facile d’éliminer une source de distraction extérieure du type : votre assureur qui vous fait la causette (en lui envoyant un juron bien sec, pas en l’éliminant lui), il est plus difficile de travailler sur sa peur. D’ailleurs, le sujet n’est pas d’éliminer la peur, mais plutôt d’apprendre à cohabiter avec elle et de lui donner sa juste place.
1. Entrainez-vous à tomber
Notre premier conseil, c’est de vous entraîner ; plus vous tombez, plus vous connaissez cette sensation de chute et mieux vous maîtriserez ce moment. Idéalement, c’est un exercice à faire en grimpant en tête. Si vous n’arrivez vraiment pas à vous faire à l’idée de faire cet exercice de cette manière, vous pouvez commencer par le faire en moulinette, en demandant à votre assureur de vous laisser suffisamment de mou pour prendre un vrai vol, puis de le faire délibérément en grimpant en tête.
C’est essentiel, car tomber en escalade s’apprend ; on ne se laisse pas frotter contre la paroi, mais on part en arrière pour revenir rebondir sur la paroi. Donc, ça nécessite de s’entraîner. Prendre un vol, tomber, chuter, appelez-le comme vous voulez, mais exercez-vous. Pour bien faire, il faudrait sauter des centaines de fois et donc profiter de chaque sortie pour expérimenter plusieurs chutes dans des conditions différentes. L’objectif est que la chute devienne suffisamment banalisée pour que s’installe un automatisme de réflexes qui rendront vos chutes plus sereines ou, en tout cas, plus acceptables, dans le sens où vous intégrez le fait que oui, il est possible que vous chutiez, cela fait partie de la pratique de l’escalade.
Et il est normal de ne pas adorer cet exercice, sinon vous ne feriez pas de l’escalade, mais du saut à l’élastique.
Une méthode simple consiste à grimper aux 2/3 de la parois, puis sauter depuis la dégaine clippée, puis 20 cm au-dessus, puis au niveau de la prochaine dégaine. L’idée étant d’y aller progressivement et de se rendre compte qu’une chute est parfois plus facile à absorber lorsque l’on est loin de la dernière dégaine clippée que juste au-dessus, ce qui est inversement proportionnel à la peur ressentie.
2. Donnez-vous les moyens de rester lucide
Si vous appréhendez d’avoir peur, il est essentiel d’être en confiance avec votre assureur. Vous n’aurez aucune chance de ne pas stresser si, avant même d’être en train de grimper, vous avez des doutes sur la qualité d’attention de la personne qui est là pour assurer votre sécurité, ou si cette personne est aussi stressée que vous à l’idée que vous tombiez.
Il est également essentiel de grimper dans des conditions où vous êtes en forme. Escalader une paroi alors que vous avez mal dormi, que vous avez bu de l’alcool, etc., aura évidemment un impact sur votre capacité à gérer votre peur.
Enfin, pensez à respirer. Lorsque la peur gagne du terrain, elle vient petit à petit vous paralyser, pas idéal pour grimper, mais pas non plus idéal pour tomber correctement. Il est donc important d’essayer de reprendre le contrôle sur sa peur en respirant pour vous oxygéner, réduire votre rythme cardiaque et laisser votre subjectivité reprendre les commandes : il y a des dégaines de clippées sur plusieurs points en dessous de vous, l’élasticité de la corde va amortir une bonne partie du choc, vous n’avez aucune chance de toucher le sol, votre assureur est attentif, votre nœud de 8 a été contrôlé avant le départ, vous avez la place pour tomber, etc.
3. Observez les autres grimpeurs tomber
Lorsque des chutes arrivent sous vos yeux, profitez de ces moments pour observer comment la personne a géré sa chute. Remarquez ce qui a fait que la chute a été bien amortie ou, à l’inverse, ce qui a fait qu'elle a été rude. Vous constaterez, par exemple, que quelqu'un qui se pousse de la paroi au moment de la chute va mieux s’amortir. Ou encore que le fait de s’étaler de tout son long contre le mur est nettement moins confortable que d’accueillir le mur avec ses pieds en fléchissant les jambes pour encaisser le choc.
Vous pouvez même suivre le compte Instagram de Whipper pour voir des milliers de personnes tomber. Ce compte totalise plus de 320 000 abonnés, ce qui montre à quel point le sujet intéresse les grimpeurs !
Florent qui est à l'origine de la série documentaire "Everyday Climbers" a d'ailleurs réalisé un épisode intéressant à regarder ce sujet :