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Accidentologie en escalade : ce que le rapport 2025 de la FFME nous dit vraiment

La FFME publie son rapport 2025 d’accidentologie. Les indicateurs restent contenus — davantage de licencié·es, ratio quasi stable, aucun décès sur la saison 2024 — mais le document précise surtout des usages : assurage pensé en gestes, auto-enrouleur cadrés par procédure, responsabilités mieux posées.


Escalade accident rapport
Camille Pouget - Coupe du Monde d'escalade à Chamonix en 2025 © David Pillet

Le document ne promet pas de rupture : il organise la pratique et clarifie qui fait quoi, quand et comment selon le contexte autonome/encadré. Dans un entretien avec Vertige Media, le président de la FFME, Alain Carrière, parle d’une « stabilité sans bascule » et rappelle un suivi « depuis au moins vingt ans », avec un ratio par millier de licencié·es installé « sur un plateau bas ». L’enjeu 2025 n’est donc pas de publier un chiffre choc, mais de mettre par écrit des règles vérifiables — donc transmissibles et opposables.


Courbes calmes, cadre resserré


Le rapport situe l’année : environ 125 000 licencié·es, 473 sinistres, un ratio autour de 0,38 %, et aucun décès sur la saison 2024. L’escalade concentre l’essentiel des cas (près de 78 %), tandis que la montagne hivernale continue de refluer. Ces chiffres posent un cadre calme, sans clore le sujet : comme le rappelle Alain Carrière, que nous avons interrogé, deux accidents mortels en falaise ont déjà endeuillé 2025. Les pourcentages rassurent quand ils restent à zéro, puis s’envolent au premier drame. Raison de plus pour regarder les causes et les gestes, davantage que des ratios pris isolément.


Accidents escalade 2025
Ratio sinistres/Licencié·es - Lettre prévention sécurité n°13 © FFME
Accidents escalade
Lettre prévention sécurité n°13 © FFME

Dans les clubs, cela se traduit par des protocoles visibles au pied des voies, une transmission moins ad hoc et, enfin, la possibilité de suivre l’adoption des pratiques au fil des saisons. En miroir de 2023-2024 (445 sinistres, 0,37 %, deux décès), 2025 montre qu’on peut stabiliser tout en élevant l’exigence.


Assurage : sortir du fétiche, retrouver la grammaire


Sur le terrain, le constat ne surprend personne : l’erreur d’assurage rivalise avec la « chute normale » et mène, trop souvent, au sol. Le rapport assume donc un choix pédagogique : former une grammaire de gestes plutôt que sacrer un appareil. Comme nous l’explique Alain Carrière, « les accidents récents pointent davantage des défauts de vigilance et de double vérification que l’appareil lui-même ».


Dans les faits, cela ressemble moins à un catalogue qu’à une petite chorégraphie. Avant la manœuvre, on se parle — « je descends », « je prends » —, on se regarde, on vérifie sans presser le pas. Pendant la progression, la main reste sur le brin frein, l’assureur·euse se place pour éviter les à-coups, la tension se règle en douceur. À la descente, la vitesse se tient, les intentions se disent, les gestes restent propres.


Accidents escalade
Lettre prévention sécurité n°13 © FFME

La suite dépend de l’outil, mais l’esprit ne change pas. Avec un tube/plaquette (SAM), la clé est la proximité du brin et un placement net : ici, c’est bien la main qui freine, et si elle lâche, l’outil n’y peut rien. Avec un bloqueur à poignée (SABA), tout se joue dans une descente instruite : poignée dosée, tempo régulier, annonces claires. Avec un assisté sans poignée (SAFA), c’est la rigueur au débrayage qui compte : le passage corde → frein doit rester fluide, la main ne quitte pas le brin. Et lorsqu’on change d’appareil, on re-progresse — un temps au sol, un temps en moulinette, puis en tête —, le temps d’installer les réflexes. La sécurité n’est pas dans l’objet : elle se fabrique dans la posture.


Enrouleurs : rendre l’oubli improbable


L’auto-enrouleur progresse. Et un risque fréquent mais grave l’accompagne : l’oubli d’encordement. La réponse 2025 ne cherche pas l’effet de manche : elle distingue clairement autonomie et encadré, rend la double vérification obligatoire en encadré (un·e pair·e et l’encadrant·e), matérialise le protocole là où l’erreur surgit — affiches à hauteur d’yeux, bâches couvrantes ou détection électronique selon les moyens — et cadre les cas limites, notamment la vitesse avec délestage. On quitte le « faites attention » pour une logique de conception de système : un environnement qui rend l’oubli peu probable et la vérification incontournable.


Au-delà des clubs : influence plus que norme


Côté salles privées, la fédé n’écrit pas la loi. « Il n’y a pas de groupe de travail commun pour un protocole unique, mais les idées circulent », nous dit Alain Carrière. Le modèle y est différent : l’autonomie est souvent déclarative — on signe, on grimpe. Cela n’exonère pourtant personne : si les protocoles internes défaillent, la salle reste exposée. Les récents jugements l’ont rappelé hors de France : à Sydney, un auto-enrouleur mal suivi a conduit à une condamnation assortie de fortes amendes. À Amsterdam, l’absence de vérification et de supervision d’enfants a valu une condamnation pour négligence.


Concrètement, les salles privées n’ont aucune obligation d’appliquer les recommandations de la FFME. Elles peuvent s’y référer — ou non — selon leurs contraintes (personnel, formation, budget). La fédé sert ici de repère, pas d’autorité réglementaire : l’obligation qui demeure pour une salle, c’est de démontrer la solidité de ses propres protocoles.


Ce que dit vraiment le rapport 2025


Rapport de continuité, mais pas de statu quo : des règles explicites, une pédagogie assumée, des responsabilités posées. L’escalade n’a pas besoin d’un objet miracle : elle gagne quand ses routines sont claires, répétées, opposables. C’est ce que formalise 2025 — et c’est ce qui fera la différence, au pied d’une voie comme au sommet d’un rapport.

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