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Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Nao Monchois : l’équilibre d’un grimpeur à la croisée des mondes

À 26 ans, Nao Monchois incarne une génération de grimpeurs qui jongle avec aisance entre les murs de résine et les grandes voies en pleine nature. Champion de France de difficulté 2023, sponsorisé par La Sportiva et Beal il fait partie de ceux qui, malgré les apparences, ne vivent pas entièrement de leur passion. Quand il n’est pas en train de grimper, Nao travaille pour un acteur du secteur, un job qui lui permet d’équilibrer les comptes tout en restant connecté à l’univers vertical.


Nao Monchois

Quand on le rencontre, on n’a pas affaire à l’archétype du grimpeur médiatisé qui se complaît dans les shootings pour des marques à la mode. Non, Nao, c’est plutôt l’anti-star. Une gueule de grimpeur qui parle aussi bien des sessions en salle que des longues journées à Chamonix, là où l’air est plus pur et l’ambiance, moins aseptisée. « J’adore faire des grandes voies, du trad’, c’est là où je me sens le mieux. L’escalade, c’est pas juste un sport pour moi, c’est une manière de vivre. »


« J’adore faire des grandes voies, du trad’, c’est là où je me sens le mieux. L’escalade, c’est pas juste un sport pour moi, c’est une manière de vivre. »

L’anti-héros de la grimpe : une trajectoire à contre-courant


Nao Monchois n’a pas grandi en se ponçant les mains sur la résine d'un club de la FFME. Son parcours a pris une tournure un peu différente, marquée par des déplacements fréquents dus au métier de son père, fonctionnaire à l’Institut de la statistique. « J’ai bougé pas mal quand j’étais jeune, notamment à Tahiti où j’ai plutôt fait du surf que de l’escalade. Là-bas, les opportunités pour grimper étaient limitées, mais dès que je suis revenu en France, c’est reparti. J’avais un pote au collège qui faisait de l’escalade, il m’a emmené en salle, et là, ça a été le déclic. »


« La compétition, c’est cool, mais rien ne remplace les sensations d’être dehors, en falaise ou en montagne. »

Ce retour en métropole marque un tournant pour Nao, qui découvre alors l’escalade en salle, une première pour lui. « La première prise de résine que j’ai touchée, j’ai su que c’était pour moi. » Pour autant, sa passion pour la falaise ne l’a jamais quitté. « La compétition, c’est cool, mais rien ne remplace les sensations d’être dehors, en falaise ou en montagne. » C’est ce double rapport à l’escalade – à la fois compétiteur en salle et passionné en extérieur – qui façonne son approche du sport. « C’est une forme de liberté que t’as pas forcément dans d’autres sports. Le seul truc qui te retient, c’est la corde. »


Nao Monchois
© Arthur Ternant

Entre intégrité et compromis : gérer les paradoxes


Ces dernières années, l’escalade a explosé en popularité, portée par une augmentation des salles et par la visibilité offerte par les Jeux Olympiques. Pour Nao, cet engouement représente à la fois une opportunité et un défi : « Nous, en tant que sportifs, on le vit bien parce que ça nous permet d’avoir un peu plus de moyens, de participer à des événements plus gros. Mais il faut qu’on arrive à contrôler les effets secondaires. » Certaines compétitions controversées comme les NEOM Beach Games l’ont fait réfléchir sur l’éthique dans le sport : « Je n’étais pas invité, et si on m’invitait à la prochaine édition, je pense que je n’irais pas. Mais je ne me sens pas de juger ceux qui ont fait ce choix. C’est une question personnelle, chacun doit être bien au clair avec ce qu’il fait. »


« Je n’étais pas invité, et si on m’invitait à la prochaine édition, je pense que je n’irais pas. Mais je ne me sens pas de juger ceux qui ont fait ce choix. C’est une question personnelle, chacun doit être bien au clair avec ce qu’il fait. »

Comme la plupart des athlètes de son niveau, Nao jongle entre sa carrière sportive et la recherche de sponsors pour financer ses projets. « Je suis sponsorisé par La Sportiva depuis huit ou dix ans, et c’est une relation qui s’est construite avec le temps. Je travaille aussi pour un acteur du secteur, et j’ai la chance d’avoir l’aide de Marine Thevenet pour trouver d’autres partenaires. » Mais vivre uniquement de l’escalade reste difficile : « Il y a peut-être une dizaine de grimpeurs en France qui peuvent vraiment vivre de ça. Moi, je fais un peu d’ouverture, mes parents m’aident encore, et c’est ce qui me permet de m’en sortir. »



Nao Monchois
© Matteo Pavana
« C’est vrai que certaines marques peuvent poser des questions d’éthique, mais si quelqu’un te propose un gros contrat, est-ce que tu diras non ? »

Nao aborde la question des sponsors avec pragmatisme, reconnaissant que certains choix impliquent des compromis : « C’est vrai que certaines marques peuvent poser des questions d’éthique, mais si quelqu’un te propose un gros contrat, est-ce que tu diras non ? C’est un dilemme que beaucoup d’athlètes doivent affronter. » Pour lui, l’essentiel est d’être en accord avec soi-même : « L’important, c’est d’être honnête avec ses valeurs, mais sans imposer ça aux autres. »


Grimpe et conscience politique : peut-on vraiment séparer les deux ?


Avec l’escalade devenant de plus en plus visible, la question de la responsabilité politique des athlètes se pose naturellement. Nao, bien qu’il ne se définisse pas comme un porte-parole, est conscient de l’impact de ses choix. « Est-ce qu’un athlète doit être politisé ? C’est une bonne question. On porte forcément un message, même inconsciemment, à travers nos actions et nos partenariats. » Il admet que chaque décision, qu’elle soit liée à l’environnement ou aux sponsors, peut avoir des conséquences, mais préfère aborder ces questions sans jugement ni extrémisme. « Je pense qu’il faut réfléchir à tout ça, sans pour autant se poser en donneur de leçons. Le plus important, c’est de rester transparent et de se poser les bonnes questions. »


"On porte forcément un message, même inconsciemment, à travers nos actions et nos partenariats."

Pour Nao, l’évolution des mentalités dans le monde de l’escalade est plutôt positive. « Il y a cinq ans, je ne me posais pas autant de questions. Aujourd’hui, les discussions autour de l’impact de nos choix sont plus fréquentes, et c’est une bonne chose. Ça permet de faire évoluer les mentalités. »


L’équilibre entre camaraderie et rivalité


Nao Monchois consacre une grande partie de son temps à l’escalade, mais il admet que maintenir la motivation n’est pas toujours facile. « Quand tu vis de l’escalade, surtout à haut niveau, il y a un aspect de performance qui prend de la place. Mais ce qui m’aide le plus, c’est d’être bien entouré. » Installé à Grenoble, Nao s’entraîne avec une grande communauté de grimpeurs. « On est une cinquantaine à habiter près les uns des autres. On grimpe ensemble, on mange ensemble, et ça rend les journées d’entraînement beaucoup plus agréables. »


« Quand on était plus jeunes, gérer l’ego et la compétition entre nous n’était pas toujours facile. Mais en grandissant, on apprend à gérer ces situations. »

Cette dynamique de groupe est essentielle pour lui, dans un sport qui peut souvent être perçu comme très individuel. « En compétition, tu veux être le meilleur, mais à l’entraînement, c’est différent. On se motive mutuellement. » Cette camaraderie, il l’a partagée dès ses débuts avec des grimpeurs comme Hugo Parmentier et Mejdi Schalck : « Quand on était plus jeunes, gérer l’ego et la compétition entre nous n’était pas toujours facile. Mais en grandissant, on apprend à gérer ces situations. »


Quête de performance et plaisir : repenser l’acte de grimper


Au-delà de la recherche de la performance, Nao souligne l’importance de ne pas perdre de vue le plaisir. « Il faut réussir à trouver un équilibre entre l’entraînement intensif et le simple plaisir de grimper. Sinon, tu te brûles. » C’est cette passion pour l’escalade, dans toutes ses formes, qui continue de le pousser à explorer. « Le bloc, la difficulté, les grandes voies en montagne, il y a tellement à découvrir dans ce sport. »


Nao Monchois incarne cette nouvelle génération de grimpeurs qui doit naviguer entre ambitions, éthique et impératifs financiers. Mais loin des projecteurs, il garde les pieds sur terre et trace son chemin avec honnêteté. « Au final, chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a, et c’est déjà pas mal. »

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