Faut-il décoloniser l’escalade ?
- Pierre-Gaël Pasquiou
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On se dit souvent que l’escalade, c’est juste une histoire entre soi et le caillou. Pourtant, derrière le sourire Instagram-friendly du grimpeur cosmopolite se cache un héritage pas très reluisant : celui d’un alpinisme né sur fond de conquêtes coloniales et d’ego trips impériaux. Alors, il serait peut-être temps de se demander si les voies qu’on ouvre aujourd’hui ne portent pas encore les traces des conquêtes d’hier. Et si on osait enfin décoloniser l’escalade ?

Soyons clairs, les premiers à gravir les Alpes ne montaient pas seulement pour l’amour du panorama. Au XIXᵉ siècle, ces messieurs de la bonne société britannique et française aimaient autant planter des drapeaux sur les sommets que leurs collègues militaires sur d’autres continents. La montagne était alors un territoire « vierge », un prolongement vertical de ces terres inconnues que l’Europe conquérante adorait coloniser. L’alpinisme moderne aurait-il gardé ce goût douteux pour les conquêtes symboliques ? Alors que d’autres sphères culturelles ont déjà commencé leur introspection postcoloniale, il serait temps que la communauté de l'alpinisme cesse de fermer les yeux sur son histoire pour enfin repenser sa relation à la montagne.
Planter des drapeaux, une manie très européenne
Grimper une montagne, ce n’est jamais seulement une histoire de panoramas à couper le souffle ou de « dépassement de soi ». Lorsque les gentlemen britanniques et leurs homologues continentaux prennent d’assaut les sommets européens au milieu du XIXᵉ siècle, ils y projettent tout l’imaginaire impérial de leur époque. La montagne est alors vue comme un prolongement naturel de la colonisation terrestre : des territoires « vierges », mystérieux et dangereux, que seuls les hommes blancs civilisés seraient capables de dompter.
Ces alpinistes bourgeois célèbrent avant tout la conquête, le triomphe héroïque face à une nature qu’ils qualifient volontiers d’hostile. La montagne devient donc un « terrain de jeu » symbolique où l’on s’entraîne à planter son drapeau pour marquer son territoire, comme d’autres le faisaient déjà sur les cartes du globe. Entre 1854 et 1882, cette logique d’appropriation pousse même les grimpeurs britanniques à revendiquer la quasi-totalité des premières ascensions alpines : 31 sur 39, rien que ça. L’historien Simon Schama appelle ça un « colonialisme vertical », et franchement, l’expression est parfaite pour décrire cette obsession européenne d’aller toujours plus haut, toujours plus loin, comme pour mieux affirmer sa supériorité sur les autres peuples et territoires du monde.
Doit-on vraiment parler d’itinéraires « vierges » alors que les montagnes grouillent de vie, d’histoires et de cultures locales depuis bien plus longtemps que nos premières sorties ?
Cette folie verticale ne tarde pas à dépasser les Alpes pour s’attaquer aux plus hauts sommets du globe : Himalaya, Andes, Afrique de l’Est… Tout est bon pour étendre symboliquement les frontières de la domination européenne. En Himalaya, par exemple, les expéditions britanniques sous le Raj se lancent dès les années 1900 vers le Kangchenjunga, le K2 et l’Everest – rebaptisé au passage du nom d’un géomètre britannique, histoire d’effacer gentiment les noms locaux déjà existants : Chomolungma au Tibet ou Sagarmatha au Népal.

Car derrière l’idée séduisante de « première ascension » se cache souvent une ignorance volontaire. Ce n’était une première que pour les Européens : les peuples autochtones fréquentaient souvent ces sommets depuis des siècles, parfois même de manière régulière, comme le prouvent les momies incas retrouvées à plus de 6000 mètres sur le volcan Llullaillaco. Loin d’être une (con)quête de l’inutile, comme aimait à le dire un certain Lionel Terray, grimper relevait souvent, pour ces communautés, de pratiques spirituelles et vitales profondément ancrées dans leur culture.
Comme si la montagne attendait patiemment d'être découverte par des humains civilisés venus lui donner un sens
Et pourtant, dans les récits européens, les populations locales se retrouvaient reléguées au rang de figurants sympathiques mais secondaires. Le modèle du héros solitaire triomphant d’une nature sauvage dominait largement, façonnant pour longtemps l’imaginaire collectif autour de l’alpinisme. L’image du drapeau national flottant fièrement au sommet de l’Annapurna ou de l’Everest devint alors un symbole évident d’une domination que l’on qualifie aujourd’hui sans détour de coloniale.
De quoi nous rappeler que grimper une montagne, c’est toujours plus qu’un acte sportif individuel. C’est une histoire de symboles, d’imaginaires et de rapports de pouvoir, hérités d’un temps pas si lointain où planter son drapeau n’avait vraiment rien d’innocent.
Quand l’ancien monde squatte encore les voies modernes
Bien sûr, on ne grimpe plus vraiment en uniforme. Pourtant, si les empires ont officiellement plié bagages, leurs fantômes continuent de hanter la grimpe moderne – parfois discrètement, souvent malgré nous. Le vocabulaire, par exemple : on continue à « conquérir » un sommet, à « ouvrir » une voie « vierge » ou à s’attribuer une « première ascension », comme si la montagne attendait patiemment d'être découverte par des humains civilisés venus lui donner un sens. Bref, le lexique guerrier et possessif hérité du XIXᵉ siècle persiste, même quand on porte fièrement nos t-shirts Patagonia estampillés « respect de la nature ».
Cette petite musique coloniale fait doucement grincer quelques dents aujourd'hui. De plus en plus de grimpeurs et grimpeuses s’interrogent : doit-on vraiment parler d’itinéraires « vierges » alors que les montagnes grouillent de vie, d’histoires et de cultures locales depuis bien plus longtemps que nos premières sorties ? Quand on célèbre une « première », n'est-ce pas surtout la première réalisée par un homme blanc bien informé de son propre exploit ? Alors oui, changer ces mots-là pourrait avoir du sens. Peut-être en adoptant une sémantique moins agressive – dire « réaliser » une ascension plutôt que la « conquérir », parler de « première ascension officielle » plutôt que prétendre avoir découvert ce qui était déjà là. Un détail ? Pas tant que ça.
Même avec les meilleures intentions « écolo-friendly », la logique reste celle de l’appropriation symbolique : la nature, tout comme les cultures locales, devient rapidement un décor folklorique servant les fantasmes exotiques du grimpeur voyageur.
D’autant que l'imaginaire visuel ne fait rien pour arranger l'affaire. Feuilletez n'importe quel magazine ou faites défiler votre fil Insta : l'escalade reste une affaire d’hommes (souvent blancs) aux regards conquérants, triomphant seuls face aux éléments. Ce héros-là, héritier direct des explorateurs d’antan, occupe tout l’espace médiatique et culturel. Comme le résume une grimpeuse autochtone américaine, notre tradition occidentale adore « les récits de lutte héroïque, de souffrance glorieuse et de conquête in extremis », alors qu'ailleurs, la montagne n’est pas vue comme une ennemie à vaincre, mais plutôt comme une partenaire, voire un ancêtre avec qui composer.
Là où ce colonialisme ordinaire devient franchement gênant, c’est dans la toponymie grimpeuse. On pourrait s’en amuser, si ce n’était pas aussi glauque : aux États-Unis, il y avait jusqu’à récemment un secteur nommé sans ironie « Slavery Wall » (Le mur de l’esclavage), et d'autres voies ont arboré des sobriquets aussi subtils que « Third Reich » ou « A Woman’s Place » (« La place d'une femme »). Le pire ? Ces noms figuraient noir sur blanc dans des topos publiés aussi récemment que 2020. Comme le dénonce la grimpeuse amérindienne Sena Crow, ce genre de dénomination renforce symboliquement l’exclusion, marginalisant celles et ceux qui ne sont ni blancs, ni hommes, ni tout à fait dans la norme du petit club alpin traditionnel.

Ce malaise ne se limite pas aux États-Unis : en Europe aussi, les noms de voies exotiques traînent parfois leur lot d'allusions embarrassantes ou condescendantes, comme si le folklore colonial avait encore quelques belles années devant lui.
Et puis il y a le tourisme de grimpe, où ce vieux rapport de domination Nord-Sud n’a pas totalement disparu. Le grimpeur occidental, saturé de ses spots locaux ou cherchant l’aventure loin de chez lui, part souvent équiper des falaises au Maroc, à Madagascar ou en Jordanie, reproduisant sans s’en rendre compte le geste colonial d’autrefois : débarquer, planter ses spits, aménager des sentiers, bref, modeler le paysage à sa convenance. Même avec les meilleures intentions « écolo-friendly », la logique reste celle de l’appropriation symbolique : la nature, tout comme les cultures locales, devient rapidement un décor folklorique servant les fantasmes exotiques du grimpeur voyageur.
Côté médias spécialisés et marques outdoor, ce marketing vertical exotisant prospère à merveille : d’un côté Kalymnos vendue comme un « paradis de grimpe », de l’autre le Maroc ou la Jordanie mis en avant comme des destinations parfaites pour se dépayser loin de la civilisation, dans un imaginaire très « aventurier colonial 2.0 ». Évidemment, on met en avant la gentillesse des habitants, leur accueil chaleureux, mais on oublie souvent de leur donner une voix sur l’aménagement ou la gestion durable de leurs propres territoires.
Une décolonisation réussie passe par une évolution sociologique profonde. Tant que l’image du grimpeur-type restera celle d’un homme occidental blanc, la culture grimpe peinera à sortir de son héritage colonial.
L’exemple extrême, c’est l’Everest. Depuis quelques années, le sommet attire des centaines d'aspirants venus majoritairement des pays riches, prêts à payer cher pour planter leur drapeau personnel sur le toit du monde. Pendant ce temps, le travail le plus risqué est toujours assuré par les sherpas népalais, véritables ouvriers invisibles des sommets. En 2014, une avalanche tue treize d’entre eux dans la cascade de glace du Khumbu. Le respect pour les disparus pousse alors leurs collègues à stopper la saison, mais pas mal de clients occidentaux furieux ont réagi en mode colonial hardcore : incapables d'empathie, exigeant même que les sherpas reprennent le travail. Un épisode embarrassant, mais révélateur d’un sentiment de droit typiquement impérialiste.
Même au quotidien, l’escalade reste un milieu marqué par les privilèges sociaux et culturels hérités des anciens empires. Aujourd’hui encore, grimper loin et grimper souvent reste le privilège de ceux qui en ont les moyens – souvent issus des anciennes puissances coloniales ou des classes aisées des pays émergents. Pour les autres, les « locaux », l’escalade demeure inaccessible ou simplement hors de leur horizon culturel. Encore un signe que le vieux monde n'a pas complètement quitté nos parois.
Et si on profitait de ce constat pour dépoussiérer nos vieilles habitudes et grimper un peu plus en conscience ? Pas besoin d’être parfait, juste un peu moins colonial.
Décoloniser l’escalade : grimper moins haut, penser plus loin
Soyons clairs : décoloniser l’escalade, ce n’est pas juste rajouter trois stickers éthiques sur son casque ou se donner bonne conscience avec un repost Instagram engagé. Ça veut dire regarder droit dans les yeux ce qui coince dans nos pratiques, nos récits, nos habitudes – et prendre le pari de les changer en profondeur. Comment fait-on ça concrètement ? Plusieurs pistes à explorer, chacune aussi nécessaire qu’ambitieuse.
1. Arrêter d’envahir les montagnes avec nos mots
Les mots ne sont jamais neutres, surtout quand ils sont hérités d’un passé un peu gênant. Pourquoi parler de « conquérir » une voie, de « dominer » un sommet, de réaliser une « première » comme si l'on posait fièrement son drapeau sur une terre vierge ? Non seulement c’est démodé, mais surtout, c’est faux. Les montagnes ne nous attendent pas, elles existaient bien avant notre arrivée en Gore-Tex flambant neuve.
Alors, changeons le lexique : au lieu de « conquête », pourquoi ne pas simplement « réussir » ou « parcourir » une voie ? Remplaçons « sommet vierge » par « sommet non parcouru » ou « voie non répétée ». Certes, l’exercice est subtil, presque chirurgical, mais il s'agit là d’opérer un virage symbolique essentiel : rendre l’escalade moins martiale, moins coloniale, et finalement, moins arrogante.
Quant aux médias, ils pourraient lâcher un peu l’obsession du record personnel pour mieux raconter l’expérience humaine, la coopération en cordée internationale, ou la richesse culturelle des lieux traversés. Entre nous, un reportage sur la beauté des échanges au pied des voies vaut bien mieux qu’un énième récit narcissique d'exploit individuel, non ?
2. Débaptiser les voies, rebaptiser les montagnes
Décoloniser l’escalade, c’est aussi revoir nos noms de voies – et il était franchement temps. Aux États-Unis, par exemple, sous l’impulsion de grimpeuses noires et autochtones, Mountain Project et certains éditeurs de topos ont récemment été forcés de changer des noms franchement douteux (« Slavery Wall », vraiment ?).
La France ne ferait pas mal non plus de se doter d'une charte éthique pour les ouvreurs, histoire d’éviter les intitulés aux sous-entendus embarrassants. Et pourquoi ne pas aller plus loin encore, en réintroduisant systématiquement les noms locaux ? Prenons exemple sur l’Australie, où Ayers Rock est redevenu Uluru, et non sur le gouvernement Trump qui a officiellement rebaptisé le mont Denali, point culminant de l’Amérique du Nord, en mont McKinley. Bref, reconnaître enfin que la montagne n’a jamais eu besoin de notre baptême pour exister pleinement.
3. Changer de narrateurs, enrichir l’histoire
Pendant longtemps, l’histoire officielle de l’alpinisme s’est écrite à coups d’exploits occidentaux, reléguant les guides locaux, porteurs et grimpeurs autochtones au rôle de figurants sympathiques mais invisibles. Bonne nouvelle : ça commence enfin à changer. Des historiennes comme Bernadette McDonald sortent de l’ombre les vrais héros de l’Himalaya – sherpas, guides tibétains et pakistanais, longtemps éclipsés par les vedettes européennes.

Et si on osait aller plus loin, en intégrant vraiment les récits autochtones dans nos films, festivals et articles ? Donnons la parole aux grimpeurs marocains à Taghia, aux Andins pour qui les montagnes ont un sens sacré, aux pêcheurs-cascadeurs de Chine ou aux chasseurs de miel du Népal. Parce que l’escalade n’est pas qu’une histoire de cotations et d’ego-trips sportifs ; elle peut devenir un dialogue riche, partagé, co-construit. Une montagne racontée par celles et ceux qui l’habitent, ça change quand même pas mal la perspective, non ?
4. Moins d’explorateurs, plus de partenaires
Le tourisme de grimpe reste, qu’on le veuille ou non, chargé d’une forme de néocolonialisme discret mais tenace. Débarquer dans une vallée isolée du Sud global, équiper sans demander leur avis aux locaux, s’offrir un petit frisson exotique puis repartir, ce n’est pas franchement du tourisme durable. Alors, plutôt que de venir en conquérant, pourquoi ne pas venir en invité ? Mieux : en partenaire ?
Cette décolonisation n’a rien d’une croisade culpabilisante. C’est plutôt une invitation joyeuse à repenser nos imaginaires pour les rendre un peu moins monochromes, un peu moins égocentrés, et surtout beaucoup plus intéressants.
Concrètement, au lieu de planter nos spits au Mali, en Patagonie ou au Maroc, soutenons plutôt les initiatives locales. Formons des ouvreurs du coin, développons des partenariats économiques équitables (par exemple en reversant une partie des bénéfices des séjours organisés aux communautés locales), et laissons aux habitants la possibilité de gérer leurs falaises comme ils l’entendent. Respectons les montagnes qui restent volontairement non visitées, comme certains sommets sacrés du Bhoutan ou Uluru en Australie – car oui, toutes les premières ne sont pas forcément légitimes.
5. Diversifier les visages, élargir l’imaginaire
Enfin, une décolonisation réussie passe par une évolution sociologique profonde. Tant que l’image du grimpeur-type restera celle d’un homme occidental blanc, la culture grimpe peinera à sortir de son héritage colonial. Heureusement, ça bouge : Nims Purja qui bouleverse les records himalayens ou des initiatives comme le film An American Ascent, qui raconte l’ascension du Denali par une équipe entièrement afro-américaine, montrent qu’il existe d’autres chemins pour écrire l’histoire verticale.
C’est là que médias, marques et fédérations ont leur rôle à jouer : inviter des grimpeurs autochtones à leurs festivals, financer des expéditions menées par des équipes locales, projeter des films réalisés hors des circuits habituels… Autant de façons concrètes de décentrer les regards et de donner à voir une montagne où chacun peut enfin se reconnaître, quelle que soit sa couleur, son origine ou son genre.
Décoloniser l’escalade, ce n’est donc ni un slogan à la mode ni un caprice woke, mais une chance unique de rendre ce sport plus intelligent, plus respectueux, plus inclusif. Bref, plus intéressant à vivre – et à raconter.
Et si l'escalade sortait enfin de l'âge de pierre ?
Alors, décoloniser la grimpe : vrai combat ou fausse bonne idée ? À ce stade, autant être honnête : la réponse penche fortement vers le « oui ». Pas pour se flageller au baudrier à cause des bourdes impérialistes de nos grands-oncles explorateurs, mais parce qu’il serait temps d’assumer vraiment les valeurs dont on se réclame à longueur de topos – ouverture d’esprit, respect, humilité – au-delà des beaux discours et des stickers sur nos gourdes.
L’idée n’est pas d’annuler les récits historiques, mais de comprendre que notre façon de grimper, raconter et vivre la montagne est tout sauf innocente. Elle porte en elle des traces de domination qu’il serait bon d’effacer pour enfin faire des montagnes non plus un terrain conquis mais un espace partagé. Il est grand temps de remplacer l'image poussiéreuse du « conquérant héroïque » par celle, bien plus inspirante, du partenaire solidaire, de troquer le vieux drapeau planté au sommet pour une chaleureuse poignée de main au pied des falaises.
Cette décolonisation n’a rien d’une croisade culpabilisante. C’est plutôt une invitation joyeuse à repenser nos imaginaires pour les rendre un peu moins monochromes, un peu moins égocentrés, et surtout beaucoup plus intéressants. C’est un chantier immense – pédagogique, culturel et militant – qui exige d’éduquer les nouvelles générations de grimpeurs à une histoire complète de l’alpinisme (y compris ses épisodes gênants), de célébrer une galerie de héros et héroïnes diversifiée, et de réinventer des pratiques de grimpe vraiment inclusives.
Ambitieux ? Oui. Utile ? Absolument. Parce qu’à une époque où les crises planétaires exigent coopération et respect interculturel, la montagne pourrait enfin devenir un formidable laboratoire d’idées. Imagine un alpinisme débarrassé de son vieux costume colonial : des expés fondées sur la réciprocité, des exploits partagés plutôt que confisqués, une relation à la nature basée sur l’écoute plutôt que sur la performance à tout prix. Pas moins d’aventure donc, mais bien plus de sens, plus de profondeur.
Décoloniser l’escalade, c’est peut-être ça, au fond : ouvrir des voies neuves, pas seulement dans le rocher mais aussi dans nos têtes. C’est élargir la cordée à toutes celles et ceux que l’histoire a trop longtemps oublié·es, et faire de la verticale un terrain de jeu libre, joyeux, ouvert – affranchi des hiérarchies d’hier et tendu vers un horizon où tout le monde peut enfin se reconnaître. Une belle promesse, non ?