Boycott massif chez Touchstone : la révolte des adhérents américains
- Pierre-Gaël Pasquiou
- 16 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 avr.
Après les grèves des ouvreurs, les bras de fer juridiques et les négociations bloquées, le conflit social chez Touchstone Climbing prend un tournant inédit. Cette fois-ci, ce ne sont plus seulement les salariés qui se mobilisent, mais les abonnés eux-mêmes, ces grimpeuses et grimpeurs réguliers qui font tourner économiquement les salles californiennes. En lançant un vaste boycott de leur propre réseau, ils viennent de transformer radicalement la dynamique du conflit.

Un boycott inédit lancé par les membres
Ces dernières semaines, des centaines d’abonnés, parmi lesquels figurent des grimpeurs historiques, ont décidé de suspendre ou de résilier leur abonnement à Touchstone Climbing. Cette mobilisation n’est pas anodine : elle frappe directement au cœur du modèle économique d’une des entreprises les plus importantes du secteur, en pleine expansion sur la côte ouest des États-Unis.
« Ce n’est pas une décision facile, explique une grimpeuse fidèle. On aime nos salles, nos habitudes, et cette communauté qu’on a construite au fil du temps. Mais on ne peut plus cautionner une entreprise qui refuse d'écouter ses employés et maintient délibérément une stratégie antisyndicale. »
Ce mouvement de boycott intervient après l’échec répété des tentatives de médiation entre Touchstone Workers United, le syndicat représentant les salariés, et la direction de l'entreprise. Face à ce blocage, ce sont désormais les clients qui ont choisi d'agir pour faire pression sur la direction.
Les revendications claires des abonnés
Les abonnés en boycott n'agissent pas seulement par solidarité symbolique. Leur action est structurée autour de revendications précises :
La reprise immédiate et sincère des négociations avec Touchstone Workers United, bloquées depuis des mois.
L’arrêt définitif des pratiques antisyndicales dénoncées par les salariés.
Le rétablissement des avantages sociaux récemment supprimés par Touchstone.
Une amélioration rapide des conditions de travail, notamment sur la sécurité, la charge de travail et la rémunération des ouvreurs.
Quand la confiance se fissure
Cette crise traduit surtout une rupture profonde entre Touchstone et sa communauté. Depuis plusieurs années, les salles californiennes se sont développées autour d’un discours axé sur l'éthique, la convivialité et l'esprit communautaire. Mais à mesure que les affaires grossissent, ces valeurs semblent de plus en plus éloignées de la réalité vécue par les salariés.
Aujourd'hui, le boycott révèle que la confiance s’est fissurée, et que les adhérents ne sont plus disposés à fermer les yeux sur les contradictions de l'entreprise. En frappant directement au portefeuille, ils rappellent que les clients ont le pouvoir de peser sur les décisions stratégiques des réseaux de salles.
Ce phénomène dépasse d’ailleurs le cas Touchstone. À travers les États-Unis et même ailleurs, comme en France récemment chez Climbing District ou Climb Up Aubervilliers, les crises internes liées aux conditions de travail dans les salles d’escalade se multiplient. L’escalade indoor devient ainsi progressivement un nouveau front dans les conflits sociaux contemporains.
Touchstone face à un choix décisif
Concrètement, pour Touchstone, l’enjeu est désormais stratégique. L’entreprise peut-elle continuer à ignorer les revendications combinées de ses salariés et de ses propres clients ? Pour l’instant, la direction reste silencieuse sur la question du boycott, semblant miser sur l’essoufflement rapide de la mobilisation.
Mais les abonnés ne comptent pas relâcher la pression. Des initiatives en ligne se multiplient, entre pétitions, appels au don pour soutenir les travailleurs en grève, et campagnes de communication visant à sensibiliser largement sur les réseaux sociaux.
Vers un modèle d’escalade indoor plus responsable ?
Au-delà de ce conflit localisé, cette mobilisation soulève une question essentielle pour l'avenir de l’escalade indoor, en pleine explosion : quel modèle économique et social veut-on privilégier dans les années à venir ? L’exemple de Touchstone montre clairement que les grimpeurs, désormais sensibilisés à ces enjeux, pourraient bien être prêts à privilégier les salles qui respectent réellement leur discours éthique.
Face à cette évolution, tous les grands réseaux, aux États-Unis comme en Europe, devront tôt ou tard se poser cette même question : peut-on durablement développer la grimpe indoor sans placer les conditions de travail des salariés au cœur du projet ?
Le boycott massif chez Touchstone pourrait finalement devenir le point de départ d'une prise de conscience collective dans toute l'industrie. Un avertissement sérieux pour tous les acteurs qui pensaient pouvoir ignorer durablement ces enjeux sociaux, pourtant bien présents derrière chaque volume, chaque prise, chaque voie ouverte.