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Soudain Seul : un bloc à la dure, une histoire à la longue

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

Adam Ondra a encore frappé. Nouvelle ligne mythique pliée, Fontainebleau apprivoisée, la planète grimpe s’incline. Soudain Seul rejoint la liste des blocs domptés par le Tchèque, et Internet s’emballe : "9A ?", "8C+ ?", "Adam a dit quoi ?", "C’est dur alors ?", "C’est où ?".


Calmons-nous deux secondes. Parce que Soudain Seul c’est d'abord une histoire. Une ligne qui a traversé les époques, porté les espoirs et les doigts ensanglantés d’une génération de grimpeurs. Un morceau de grès qui a vu défiler des monstres de la compression et qui, pendant des années, a résisté.


Tout le monde parle de la performance. Parlons du bloc.


Soudain Seul Adam Ondra
© Petr Chodura

D’une île à une solitude soudaine


Au départ, il y a The Island. 2008. Dave Graham, jeans troués, science du gainage et vision d’artiste. Il pose les bases : des plats, du physique, un équilibre précaire entre engagement et doigté.


Deux ans plus tard, Vincent Pochon pousse le curseur plus bas. The Big Island naît en 2010, quelques prises en dessous, quelques mouvements en plus. Un monstre d’intensité, rapidement validé comme un des 8C les plus mythiques de Bleau.


Et puis, il y a ceux qui regardent encore plus bas. Ceux qui imaginent un départ plus loin, un enchaînement encore plus absurde. Un projet fantôme, longtemps tenté, jamais enchaîné. La rumeur circule dans le microcosme des bloqueurs : The Big Island peut être allongé, et pas qu’un peu. Il peut devenir autre chose.


L’autre chose en question finit par prendre forme en 2021.


L’enchaînement impossible


Simon Lorenzi. Belge, fort, discret. Février 2021, il fait ce que personne n’avait fait avant lui : il relie les points, part du plus bas, et sort au sommet. Un nom : Soudain Seul.


Pourquoi ce nom ? Parce que le grimpeur n’est jamais aussi seul qu’à Fontainebleau, au milieu des chênes, du grès froid et du silence de la forêt. Mais surtout parce que Simon Lorenzi, en quête d’un calage parfait pour son genou, a glissé sous sa genouillère un livre emprunté à sa copine : Soudain, seuls, d’Isabelle Autissier. Un roman où un couple se retrouve abandonné sur une île au large de la Patagonie, face à eux-mêmes, face à la nature. Et puis aussi parce que ça sonnait bien, tout simplement.


Soudain Seul Fontainebleau
© Boolder

Cotation annoncée : 9A bloc. Lourde, historique. Un des rares 9A mondiaux, le premier de Bleau.


Mais les cotations, à Bleau, c’est comme les avis sur la magnésie liquide : ça discute. Un mois plus tard, Nico Pelorson enchaîne et propose 8C+. Camille Coudert arrive en 2022 et revalide le 9A. Le débat reste ouvert.


Une chose est sûre : Soudain Seul est de ces blocs qui marquent un tournant. Ce n’est pas juste un cran au-dessus, c’est une autre façon d’aborder la grimpe extrême.


Adam Ondra, quatrième homme de la liste


Février 2025. Adam Ondra débarque. Le mutant de Brno n’est pas là pour enfiler des perles. Il veut voir ce que ce caillou a dans le ventre.


Cinq sessions. Quelques râles, une grimace d’extase, et l’affaire est pliée. Adam Ondra rejoint le club fermé des conquérants de Soudain Seul.


La cotation ? Adam s’en fiche pas mal. Enfin, façon de parler. Il admet que c’est plus dur que Brutal Rider et Terranova, deux de ses 8C+. 9A ? Peut-être. Ce qui est certain, c’est que Soudain Seul n’a pas dit son dernier mot.


Un bloc devenu icône


Des blocs durs, il y en a. Des blocs historiques, aussi. Mais rares sont ceux qui cristallisent à ce point l’évolution de l’escalade.


The Big Island a été un tournant. Soudain Seul est une confirmation.


Confirmation qu’à Fontainebleau, on ne se contente pas de répéter. On invente, on repousse, on élargit le champ des possibles. Confirmation que la difficulté pure ne se résume pas à des chiffres, mais à une histoire.


Mais une histoire qui se joue dans un décor fragile. Le Coquibus, c'est d'abord une réserve biologique où la grimpe est tolérée, mais pas gravée dans le marbre. Trop de passages, trop de bruit, trop de magnésie, et ce bout de forêt pourrait bien refermer ses portes. Alors autant éviter les invasions en meute, les drones qui bourdonnent au-dessus des blocs, les pads éparpillés comme dans une chambre d'ado. Moins on se fait remarquer, plus le secteur a des chances de rester grimpable.


Bloc Soudain Seul Fontainebleau
© Boolder

Alors oui, Adam Ondra a enchaîné Soudain Seul. Mais ce n’est qu’un chapitre de plus. Parce que la grimpe, ce n’est pas que des noms sur une liste. C’est des femmes et des hommes qui posent leurs doigts sur un bout de caillou, un matin d’hiver, et qui se disent : "Et si c’était possible ?"


Et parfois, c’est possible.


Et maintenant ?


Qui sera le prochain à poser sa signature sur Soudain Seul ? Le bloc résistera-t-il encore longtemps au passage du temps et à l’inévitable glissement des cotations ?


Bleau a toujours une longueur d’avance. Le caillou est là. Le reste, c’est une question de temps.

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