L’IFSC change de nom et devient « World Climbing »
- Pierre-Gaël Pasquiou
- il y a 23 heures
- 4 min de lecture
L’IFSC, la Fédération internationale d’escalade sportive, s’efface au profit d’un nouveau nom : « World Climbing ». Avec lui, une identité visuelle entièrement repensée, un slogan calibré pour l’ère numérique et, dès 2026, une « World Climbing Series » qui remplacera la Coupe du monde.

Impossible de rater le mouvement : en quelques années, l’escalade est passée des clubs discrets aux murs des salles privées, puis des circuits de Coupe du monde aux Jeux olympiques, avant d’atterrir dans les flux TikTok et les campagnes de marques outdoor. La fédération internationale, elle, traînait toujours son acronyme de technocrate — IFSC — comme un reste des années 2000, à une époque où l’on pensait que tout pouvait se résumer en quatre lettres anglaises. En actant sa mue en World Climbing, la fédération ne change pas seulement de plaque sur la porte. Elle tente de résoudre une équation devenue centrale : comment gouverner un sport de niche devenu spectacle global, comment parler à la fois aux grimpeur·ses de club, aux fans de finales de bloc, aux marques et à une génération qui découvre l’escalade sur un écran de smartphone avant de toucher une prise en résine. Tout le vocabulaire du communiqué le répète : il s’agit d’embrasser une « communauté mondiale », d’assumer une identité « ouverte », « inclusive », « inspirante ». Et, surtout, d’annoncer très clairement la couleur : l’escalade n’est plus seulement un sport, c’est une marque.
De l’acronyme au storytelling global
Le tournant s’est joué en 2023, lorsque les fédérations nationales ont approuvé le changement de nom et inscrit la transition dans les statuts. L’IFSC, née en 2006, cède officiellement la place à World Climbing, formulation beaucoup plus directe, compréhensible sans sous-titres. On ne devine plus vaguement une structure institutionnelle. On entend immédiatement une promesse : faire grimper le monde.
Cette promesse tient en une phrase qui sert désormais de fil conducteur à la nouvelle identité : « We get the World Climbing ». Dans le communiqué, Marco Scolaris, président de la fédération depuis l’origine ou presque, rappelle que tout commence vraiment quand l’escalade entame son « aventure olympique » en 2007 (un dernier mandat justement pensé pour laisser l’escalade « au sommet », comme il le détaillait dans une interview à Francs Jeux). Depuis, la communauté a changé d’échelle, le nombre de fédérations membres a explosé, les formats de compétition se sont codifiés et la discipline s’est retrouvée projetée en pleine lumière. Le passage à World Climbing est présenté comme une étape logique de ce récit : une façon de reconnaître ce basculement, de mettre un nom global sur un sport qui ne l’est plus seulement dans ses ambitions, mais dans ses infrastructures, ses publics et ses enjeux économiques.

Scolaris insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un simple coup de peinture. Selon lui, la nouvelle marque doit « représenter chaque partie de notre sport », des athlètes aux fédérations nationales, en passant par les partenaires. Le sous-texte est clair : dans un paysage où salles privées, équipementiers, diffuseurs et fédérations coexistent parfois en tension, il faut un narratif capable de tenir tout le monde ensemble, ou au moins de donner cette impression. World Climbing se pose en bannière commune, en label censé rendre lisible ce qui, vu de l’extérieur, ressemble souvent à un millefeuille d’événements, de circuits et de sigles.
Le choix d’un nom explicite répond aussi à une autre contrainte : parler à des publics pour qui l’escalade est d’abord un loisir de salle. Le rebranding est donc autant un geste symbolique qu’un outil de simplification, une manière de réduire la distance entre la pratique de base et le sommet de la pyramide.
Un logo pour les murs… et pour les feeds
Si le nom change, c’est évidemment pour être vu. C’est là qu’entre en scène la nouvelle identité visuelle. Au centre, un globe composé de prises d’escalade, parcouru de lignes qui évoquent des voies qui se croisent, se superposent, se répondent. Le message est assez transparent : la planète comme mur commun, l’escalade comme langage partagé. Chaque couleur de la palette renvoie à l’une des trois disciplines — difficulté, bloc, vitesse — tandis que la typographie, légèrement ascendante sur certaines déclinaisons, suggère le mouvement vers le haut. L’ensemble est pensé pour être immédiatement identifiable sur un live de compétition, un visuel de réseau social ou une banderole au pied d’un mur.
Le discours officiel insiste sur la cohérence : cette identité doit permettre de « connecter de nouveaux participant·es à l’histoire, la culture et les valeurs de l’escalade », tout en assurant une présence homogène sur les événements et les plateformes numériques. Traduction : il s’agit d’aligner l’habillage graphique, les codes visuels et la narration entre les différentes scènes de l’escalade mondiale, là où, jusqu’ici, l’esthétique des circuits variait selon les continents, les partenaires et les diffuseurs.
Cette cohérence prendra forme à partir de 2026, avec le lancement de la World Climbing Series, qui succédera à la traditionnelle Coupe du monde IFSC. Le circuit gardera ses murs, ses formats et ses stars, mais change de bannière, de charte graphique et de nom. Dans le même mouvement, les instances continentales deviendront World Climbing Europe, Asia, Africa, Oceania et Pan America, histoire de décliner la marque à toutes les échelles. Une transition numérique accompagne le tout : nouveaux habillages de diffusion, rebranding des événements, plateformes revisitées. L’objectif est que où que l’on soit, et quel que soit l’écran, on puisse reconnaître instantanément la même architecture visuelle.
Reste la question de fond : est-ce que cela change quelque chose, au-delà du logo et des communiqués ? D’un côté, on peut y voir l’alignement d’un sport avec les codes du marketing global, la volonté d’exister dans le même espace symbolique que les grandes fédérations olympiques. De l’autre, c’est aussi une manière de ne pas laisser le récit de l’escalade aux seules marques privées et aux salles commerciales. En baptisant le tout World Climbing, la fédération se dote d’un outil pour raconter sa version de l’histoire : celle d’un sport qui « pose les prises sur le mur de la vie et construit les voies que nous grimperons ensemble », comme le formule Scolaris, dans une envolée.
On pourra toujours discuter de la poésie des slogans. Mais sur un point, le signal est limpide : l’escalade n’est plus seulement un sport qui grimpe, c’est désormais une identité mondiale qui se revendique comme telle. Et que l’on y adhère ou non, c’est sous le nom de World Climbing que se joueront, demain, les grandes manœuvres du haut niveau.














