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Réfugiée, apatride, athlète : Mon combat pour l'inclusion dans l'escalade

Je m'appelle Afraa Mohammad, j'ai 25 ans et je suis une réfugiée politique en France. J'ai commencé l'escalade il y a deux ans et demi et je suis maintenant devenue la première athlète réfugiée en escalade sportive officiellement soutenue par l'IFSC. Voici mon histoire et pourquoi je parle de politique dans le sport.


Afraa Mohammad
© Afraa Mohammad

Je suis d'origine palestinienne, née en Syrie, ce qui fait de moi une "apatride". Cela signifie que je suis née réfugiée, et voici ce que cela implique dans le domaine du sport. Enfant, j'aimais la gymnastique et j'ai même été formée comme jeune gymnaste professionnelle en Syrie jusqu'à l'âge de 13 ans. Après mon premier grand titre au niveau national, mon entraîneur a réalisé que je n'avais pas le droit de participer à l'international car "je n'étais pas Syrienne", et donc je n'avais même plus le droit de continuer ma formation en tant que gymnaste professionnelle. J'étais jeune et, à l'époque, je ne comprenais pas vraiment le concept de ne pas avoir de nationalité ; tout ce que je comprenais, c'était que je n'avais pas le droit de faire ce dans quoi j'excellais parce que j'étais réfugiée. J'ai dû choisir une discipline qui ne nécessitait pas de compétition pour que ma nationalité ne devienne pas un problème, alors je me suis tournée vers la danse.


À l'âge de 18 ans, fin 2017, j'ai dû fuir la Syrie et j’ai commencé à chercher comment faire sans avoir suffisamment d’argent. J’ai réussi à être sélectionnée pour une bourse d’études grâce à mes notes de bac. Cela m’a donc aidée à venir en France, mais cela signifiait aussi que j’allais venir toute seule, sans ma famille. J'ai décidé d'étudier l'architecture. J'avais complètement abandonné l'idée de la compétition car je pensais que c'était impossible. À cette époque, le sport en soi n'était même plus une priorité ; je devais apprendre une nouvelle langue, trouver de nouveaux amis, m'occuper de mes papiers et, bien sûr, de l'argent. Ce n'est qu'à la fin de l'année 2022 qu'une amie m'a suggéré d'essayer l'escalade avec elle et j'ai immédiatement adoré. Elle m'a donc acheté mon premier carnet de 10 entrées car je n’avais pas l’argent pour le faire moi-même. J'ai officiellement commencé l'escalade en 2022 quand je pouvais travailler, ce qui était la seule façon pour moi de pouvoir me permettre de grimper. Pendant cette période, je me suis entraînée complètement seule et j'ai réalisé que je devenais plutôt bonne et que j'avais la motivation de m'améliorer, même si cela ne menait nulle part.


Afraa Mohammad
© Afraa Mohammad

Au début de cette année, une amie du HCR (agence des nations unies pour les réfugiés) m'a suggéré de considérer l'Équipe Olympique des Réfugiés, créée par le Comité International Olympique (CIO) et le HCR en 2016 lors des Jeux Olympiques de Rio. En cherchant, j'ai réalisé qu'il n'y avait pas d'athlètes en escalade sportive. J'ai même remarqué un manque de diversité ethnique et j’ai compris que c'était un sport "privilégié". Depuis, j'ai voulu faire partie de ce changement. Je ne savais pas à qui m'adresser à ce moment-là et j'ai contacté plusieurs programmes concernant les réfugiés dans le sport, mais aucun d'eux n'a pu m'aider. J'ai également demandé dans les clubs si je pouvais venir m'entraîner pour mon projet, et mis à part des simples entrées payantes dans le club, j'ai toujours été rejetée à cause de mon âge et parce que j'avais commencé plus tard, je n'étais pas aussi forte que les autres. Aucun d'eux n'a même vérifié mon niveau ou essayé de comprendre que le projet était plus grand que cela.


Finalement, j'ai fini par rencontrer quelqu'un à l'IFSC à travers une amie du HCR. L'IFSC travaillait également sur des programmes d'inclusion des réfugiés, donc c'était parfait. Ils ont été très réactifs et ont lancé le programme il y a un mois.


Afraa Mohammad
© Afraa Mohammad

Malgré les efforts de l'IFSC pour rendre le sport plus inclusif, il manque encore de représentation des minorités. Le fait qu'il n'y ait pas d'autres athlètes réfugiés en escalade, alors qu'il y en a beaucoup dans d'autres sports, montre à quel point ce sport est inaccessible non seulement pour les élites mais aussi pour les amateurs. Pendant deux ans et demi à fréquenter presque tous les jours la salle d'escalade, je n'ai jamais croisé une personne comme moi. Cela a été décourageant pour moi, mais j'ai continué parce que je voulais que cela change. J'espère qu'en mettant en lumière mon parcours, plus de réfugiés seront inspirés à se joindre et que les clubs nationaux et les entraîneurs comprendront pourquoi les réfugiés arrivent au sport à un âge plus tardif et que tout ne concerne pas seulement la performance. C'est aussi une question de dévouement et de faire de son mieux avec les moyens limités que nous avons. Mon objectif est de permettre à plus de réfugiés et de minorités de grimper et de concourir, et pour que les salles d'escalade et les clubs prennent plus d'actions en faveur de l'inclusivité.


Je suis donc extrêmement reconnaissante pour ce soutien car en plus de l’engagement envers les réfugiés, ce programme permet d’éclairer la situation des apatrides. L’équipe Olympique des réfugiés a été créée suite à la crise des réfugiés en 2016 mais les apatrides existent depuis bien plus longtemps. Moi-même, je suis de la deuxième génération après mon père qui faisait partie de la première. Pendant toute notre vie, le haut niveau était interdit pour nous, et c’est pourquoi personne ne faisait de sport.


Cette initiative est donc plus qu'importante pour moi car elle s’adresse à une forme de discrimination politique dans le sport qui n’est pas encore évoquée.

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