Du livre au podcast : l’alpinisme au féminin continue de s’écrire
- Pierre-Gaël Pasquiou
- 10 mars
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 mars
L’histoire officielle de l’alpinisme, c’est un panthéon taillé à coups de piolet dans un granit exclusivement masculin. Des héros, des conquérants, des noms qui claquent comme des rafales en face nord. Messner, Bonatti, Desmaison. Un récit taillé à l’ancienne, où les femmes sont reléguées à l’ombre des exploits, des trophées oubliés sur le chemin des grandes premières.

Mais ces femmes étaient là. Elles ont toujours été là. Seulement, on ne les a pas écoutées.
C’est précisément ce que veut changer le podcast L’alpinisme au féminin, conçu par Stéphanie et Blaise Agresti. Une série audio pour rendre justice aux pionnières oubliées, mais surtout braquer le projecteur sur celles qui façonnent la haute montagne aujourd’hui. Celles qui grimpent, qui ouvrent, qui écrivent l’histoire en temps réel.
Le livre, l’archive. Le podcast, le présent.
Avant le micro, il y a eu l’écrit : Une histoire de l’alpinisme au féminin, publié chez Glénat, fouillait les bibliothèques, ressuscitait des figures gommées des récits officiels. Avec ce podcast, on change de format, mais pas d’intention. L’idée ? Donner enfin la parole aux grimpeuses d’aujourd’hui, celles qui gravissent les sommets, mais surtout les barrières.
Chaque mois, une voix, un parcours, un combat.
Lise Billon, Piolet d’Or 2016, qui raconte comment, malgré son statut de guide et d’alpiniste reconnue, elle doit encore composer avec les réflexes machistes du milieu. Sophie Lavaud, la "femme aux 14 sommets", dont le nom devrait être aussi évident que celui des grands himalayistes masculins. Marion Poitevin, première femme CRS Montagne, qui s’impose dans un univers ultra-testostéroné où on lui a d’abord dit qu’elle n’avait pas sa place.
Plus question de fouiller dans les vieux grimoires. Ici, les récits s’écrivent en direct.
Des sommets gravis aujourd’hui, des barrières toujours debout
L’alpinisme, au fond, c’est un sport simple : un sommet, une ascension. Mais quand on est une femme, il faut d’abord prouver qu’on a le droit d’être là.
Prenons Liv Sansoz, double championne du monde d’escalade, qui a ensuite gravi tous les 82 sommets de plus de 4000 mètres des Alpes. Une odyssée hallucinante qui aurait dû la faire entrer au panthéon des légendes vivantes. Pourtant, combien de fois son nom est-il cité face à ses homologues masculins ?
Ou encore Nina Caprez, qui ose parler du tabou ultime : la maternité et l’engagement en montagne. Quand un homme devient père, on lui dit bravo. Quand une femme devient mère, on lui demande si elle va ralentir.
Et Carla Perez, Équatorienne qui a gravi l’Everest et le K2 sans oxygène. Un exploit que peu d’hommes ont réussi. Pourtant, combien la connaissent ?
Avec L’alpinisme au féminin, ces récits ne sont plus des anecdotes noyées dans le flot des grandes conquêtes. Ils deviennent le centre du récit.
Un podcast comme cordée de réhabilitation
Dans L’alpinisme au féminin, il n’est pas question de crier à la discrimination systématique, mais de poser la question qui dérange : pourquoi ces femmes doivent-elles encore prouver qu’elles ont leur place dans l’histoire ?
Comme le rappelle Blaise Agresti :
"Les femmes n’ont jamais été absentes, elles ont juste été invisibilisées."
La montagne, elle, ne fait pas de distinction. À -20°C en face nord, la neige ne se demande pas si elle gèle un homme ou une femme. Mais les récits, eux, ont fait le tri.
Dans ce podcast, les voix féminines résonnent enfin au même niveau que celles des grands noms masculins. On y parle des premières, des ascensions de légende, mais aussi des enjeux plus vastes : comment diriger une cordée en tant que femme ? Comment concilier maternité et engagement alpin ? Pourquoi les femmes restent-elles sous-représentées dans les récits de montagne ?
Simond et Globule Radio : la cordée qui soutient le projet
Pourquoi Simond s’investit dans ce podcast ? Parce que la marque chamoniarde a traversé toutes les époques de l’alpinisme. À ses débuts, dans ses catalogues, on trouvait uniquement des hommes équipés de piolets et de crampons dernier cri. Mais aujourd’hui, elle veut participer à la réécriture du récit.
Quant à Globule Radio, cette radio associative de Chamonix, elle a toujours été le creuset des récits alternatifs. Bien avant que les grandes institutions ne se penchent sur le sujet, c’est elle qui a tendu un micro aux grimpeuses, aux guides, aux passionnées. Un mariage logique, donc.
L’heure de la justice alpine a sonné
Avec ce podcast, les femmes de la montagne ne sont plus ces silhouettes perdues dans l’ombre des exploits masculins. Elles deviennent les héroïnes de leur propre histoire.
Parce qu’il ne suffit pas de raconter les grandes premières féminines pour équilibrer les récits. Il faut donner de l’espace aux voix d’aujourd’hui, aux grimpeuses qui ouvrent des voies, aux alpinistes qui repoussent les limites.
Alors, la prochaine fois qu’on vous demandera de citer une grande figure de l’alpinisme, oubliez un instant les Messner et Desmaison. Et rappelez-vous Lucy Walker, Wanda Rutkiewicz, Alison Hargreaves. Mais aussi Lise Billon, Sophie Lavaud, Nina Caprez, Carla Perez.
Parce qu’il est grand temps que ces noms deviennent incontournables.
Le podcast L’alpinisme au féminin est disponible sur Globule Radio ainsi que sur les principales plateformes d’écoute : Spotify, Apple Podcasts et Deezer.