Gilles Rotillon : l’homme multidimensionnel
- Matthieu Amaré
- il y a 23 heures
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Dernière mise à jour : il y a 6 heures
Gilles Rotillon est décédé le 11 juillet dernier à l’âge de 78 ans. Chroniqueur pour Vertige Media, mais surtout éminent penseur de l’évolution de sa passion, il laisse derrière lui un immense héritage sur l'escalade en France. En hommage, voici un portrait, qui a essayé de se placer à hauteur d’homme.

Tout est calme. La conférence aurait déjà dû commencer mais une légère errance parcourt la salle à demi-éclairée du Salon de l’Escalade 2025. Sur le programme, on affichait la tenue d’une « masterclass » de Lucien Martinez, alors rédacteur en chef du magazine Grimper, sur la croissance de l’escalade. En s’interrogeant : « Bonne ou mauvaise nouvelle ? ». Mais ça ne démarre pas. Car, visiblement, on attend quelqu’un.
Le talent de Gilles
Quelques minutes après, un vieil homme fait irruption. La nuque un peu raide, il tient sous ses bras un livre et quelques feuilles de papier. Il ne regarde pas la salle mais semble fixer son regard sur un seul objectif : la chaise qui l’attend. L’homme s’installe tranquillement. Lucien Martinez commence enfin : « Je devais faire cette intervention tout seul, mais on a changé de plan à la dernière minute ». Puis lance : « Je ne pouvais pas faire sans Gilles Rotillon ».
Depuis le 11 juillet dernier, il faudra pourtant faire sans lui. Emporté par un accident vasculaire cérébral, Gilles Rotillon est décédé à l’âge de 78 ans. Souvent présenté comme un « théoricien de l’escalade », cet ancien professeur émérite en sciences économiques laisse derrière lui un héritage immense. Membre historique de la FSGT (Fédération Sportive et Gymnique du Travail, ndlr), membre fondateur de la FFME (Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade, ndlr), auteur de plusieurs ouvrages de référence sur l’évolution et la popularisation de l’escalade en France mais aussi chroniqueur insatiable du monde de la grimpe, Gilles Rotillon a passé sa vie à équiper intellectuellement une pratique en pleine croissance. En interrogeant ses ressorts, ses contradictions, son potentiel et surtout, ses problèmes. Car l’ancien grimpeur passionné a toujours eu l’a(r)me à gauche, militant depuis l’adolescence contre « les dérives d’une société capitaliste qui entraîne l’humanité dans une situation de plus en plus catastrophique. »
« Gilles était clairement un intellectuel mais attention, prévient Yves Renoux, membre de la FSGT et ami de 40 ans. À la base, c’était un matheux. Il s’est tourné vers les sciences économiques mais il a toujours gardé son esprit logique. Donc un théoricien, ok. Mais un théoricien qui traduit ses idées en actions ». Yves Renoux le sait bien. S’il a adhéré au club d’escalade de son ami à la FSGT, c’est parce que Gilles Rotillon lui a d’abord montré à la façon la plus concrète de populariser l’escalade : amener un mur dans la ville. C'était à la Fête de l'Huma. C'était en 76. « Alors, le premier mur d’escalade à la Fête de l’Huma, c'est 1955, précise notre homme. Mais moi, j’ai rencontré la FSGT, leurs idées, Gilles Rotillon, en voyant d’abord un mur avec des prises. Pour moi, c’est d’abord ça Gilles. Des idées mais surtout, des propositions concrètes. Sinon, il reste quoi après ? De la tchatche. »
« C’est vrai qu’on aimait bien cocher, mais bon, la grimpe pour nous, ça restait plus un plaisir que de la performance pure »
Noël Rotillon, frère de Gilles
Pour Gilles Rotillon, la rencontre avec la grimpe se situe dans la décennie précédente, à Saint-Geneviève-des-Bois. L’adolescent a 18 ans quand la Maison des Jeunes et de la Culture de la ville ouvre ses portes. « La première directrice était issue de la section d’Ivry, raconte son frère Noël, de 18 mois son cadet. Son mari était aspirant guide donc une des premières sections qui fut créée, ça a été la section Escalade. » En 1963, les deux frères découvrent la varappe en même temps. Et l’année d’après, ils partent faire leur première sortie à Fontainebleau. Dans cette France des Trente Glorieuses qui découvre les loisirs de masse, l'escalade reste encore une pratique confidentielle, réservée à une élite sociale et technique. Au-delà de la découverte sportive, c’est aussi un terreau fertile pour y adosser une analyse politique. « Notre père était militant communiste, élu premier adjoint de Saint-Geneviève-des-Bois, continue Noël Rotillon. On a grandi dans un milieu très ancré à gauche. » Les événements de l’époque vont précipiter les frangins dans le militantisme, le foisonnement intellectuel de mai 1968 et les sommets.

Des copains et des jeux
Très vite, Gilles Rotillon se prend de passion pour sa nouvelle discipline. Dès ses premiers pas sur le rocher, il adopte une approche méthodique, presque scientifique de la montagne. « Ce qui était le plus marquant chez lui, c'est qu'il connaissait les topos par cœur, remet son frère. Quand il avait fait une voie ou un rocher, il se souvenait de tous mouvements. En partant au pied de la voie, même s'il y avait 30 longueurs (sic), il savait d'avance quelle longueur il allait faire en tête et quelle longueur il allait faire en second. » Cette minutie lui permet rapidement de s'attaquer aux grandes classiques. La Directissime au Dru, la Walker aux Grandes Jorasses… Le jeune Rotillon collectionne les courses, coche certaines des 100 plus belles de Gaston Rébuffat, la bible de l’époque, qui recense les courses mythiques des Alpes. « C’est vrai qu’on aimait bien cocher, mais bon, la grimpe pour nous, ça restait plus un plaisir que de la performance pure », rappelle Noel.
Et pourtant. Ce sont bien les réalisations en montagne de Gilles Rotillon qui embarqueront les jeunes de région parisienne. Parmi eux : Pascal Étienne, qui deviendra un de ses amis les plus proches. En 1975, il a 16 ans quand il tombe par hasard sur un article de La Marseillaise de l'Essonne, relatant l'exploit de deux grimpeurs du club FSGT de Saint-Geneviève des Bois. « C’était un papier qui racontait sur une page entière le petit exploit de deux grimpeurs, dont Gilles, qui avaient gravi la Directe américaine au Dru », rembobine l’intéressé. Dans la foulée, Pascal Étienne adhère à un club et pour sa première sortie, écrit déjà un pan de l’histoire de l’escalade mondiale. « Un copain du club est parti à Fontainebleau aux champignons et nous dit qu’il a trouvé un nouveau passage sur un bloc sympa, raconte celui qui est devenu moniteur d’escalade. C’était la Roche aux Sabots. Un petit massif pour nous à l’époque qui a aujourd’hui une renommée internationale. » L'anecdote illustre bien l’esprit pionnier de la FSGT.

« Tous les mardis soir, Gilles m’emmenait au siège de la FSGT à Pantin. J’étais tout minot là-dedans, mais j’ouvrais grand les oreilles. Le foisonnement d’idées était incroyable. J’avais l’impression d’assister à une révolution »
Pascal Étienne, ami de Gilles Rotillon
Mais c’est surtout l’organisation du club de « Sainte-Geneviève » qui frappe Pascal Étienne. « Gilles était un peu le gourou à l’époque. À 30 ans, c’était un super grimpeur, un super alpiniste. Il aurait pu se reposer sur sa performance mais au contraire, avec son frère, ils ont su créer une émulation collective qui a eu un fort impact sur les adolescents qu’on était. » Les frères Rotillon font preuve d’innovation pédagogique en créant tout un système qui permet de faire progresser l’ensemble des aspirants grimpeurs très rapidement. « Je pense qu’ils ont créé les premières compétitions à l’époque où elles étaient complètement tabou dans le milieu, poursuit Pascal Étienne. Ils ont affiché un tableau à double entrée à l’entrée dans le local du club. En abscisse, il y avait nos noms et en ordonnée, il y avait tous les 6 du Cuvier (secteur mythique de Fontainebleau, ndlr). Donc dans les cases : il y avait les 6A, les 6B, les 6C… Ça allait jusqu’à G puisque le 7 n’existait pas encore. Et nous, on partait les faire et on cochait. » Dans ces cases, se trouvent déjà les croix des Rotillon. Alors, le seul et unique objectif des gamins du club devient : les rattraper. L’effet est immédiat. « Franchement, on s’est tirés la bourre comme jamais avec les copains. Je pense que ça a considérablement élevé le niveau du club », conclut Pascal Étienne.
L’émulation est partout. Sur les blocs de Bleau, au club mais aussi, et surtout, dans les têtes. À l’époque, la FSGT possède déjà un slogan signifiant : « Ni guide, ni client ». Pascal Étienne, encore : « Pour nous, qui venions de milieux ouvriers, ça nous parlait, ça nous motivait ». Car derrière la formule, se cache un projet de société : permettre à celles et ceux qui n’avaient pas accès aux guides de « faire de l’alpinisme quand même ». « On a dû faire un millier de courses avec des encadrants bénévoles, sans d'autres problèmes que des petites entorses », détaille Noël Rotillon. Depuis lors, impossible de calculer le nombre de jeunes formés à l'escalade autonome par la FSGT mais ils se comptent assurément en milliers. Au début des années 80, la fédération crée la Commission Fédérale de la Montagne (CFM) que Gilles Rotillon va diriger. « Je me souviens, il m’avait pris sous son aile, continue Pascal Étienne. Tous les mardis soir, Gilles m’emmenait au siège de la FSGT à Pantin. J’étais tout minot là-dedans mais j’ouvrais grand les oreilles. Le foisonnement d’idées était incroyable. J’avais l’impression d’assister à une révolution. »
L’invention de l’escalade moderne
Le mot trouve encore aujourd’hui un écho chez Yves Renoux. 40 ans après, il défend encore le caractère révolutionnaire des projets de la FSGT. Il en veut pour preuve « Les 24h de Bleau » : rendez-vous populaire encore incontournable où grimpeurs débutants et confirmés enchaînent les blocs de la forêt. Le développement des « circuits jaunes », toujours à Fontainebleau, qui guide les débutants dans la pratique parmi les plus beaux rochers. Et son préféré, « La falaise d’Hauteroche », surnommée « falaise à l’aise » qui jettera les fondations des falaises écoles d’aujourd’hui. « Gilles a été un des principaux moteurs de l’initiative, reprend Yves Renoux. J’aime bien ce projet car on y trouve tout le sel de nos idées. » En 1974, les membres de la FSGT équipent cette falaise en Côte d’Or (en Bourgogne Franche-Comté, ndlr) avec un concept : permettre la grimpe en tête dès l’entrée dans l’activité. « Ça voulait dire, rompre avec l’esprit de l’alpinisme, continue Yves Renoux. Auparavant, les grimpeurs qui équipaient les falaises faisaient tous au minimum du 6. Donc ils commençaient à mettre des clous quand ils avaient peur. Il fallait être frappadingue pour grimper en tête si on était débutant. Rien n’était fait pour eux. »
« C’était la première fois qu’on distinguait aussi fermement les deux disciplines. L’escalade avait toujours été perçue comme un entraînement à l’alpinisme. Pour Gilles, elle devait s’émanciper »
Noël, frère de Gilles Rotillon
En plus de populariser la grimpe en falaise, la FSGT démonte du même coup la logique élitiste qui maintenait artificiellement le prestige du premier de cordée. « Ce qu’on voulait, c’est montrer qu'être le premier de cordée, tout le monde en est capable », reprend Yves Renoux. En son sein, le projet d’Hauteroche contient donc ce qui va habiter le corpus idéologique de la FSGT jusqu’au siècle suivant : permettre une pratique de l’escalade populaire et autonome. Yves Renoux lui-même participera activement à la concrétisation de ces idées. Au début des années 80, alors prof d’EPS, c’est lui qui monte avec ses élèves le premier mur d’escalade en milieu scolaire, à Corbeil-Essonnes. Mais là encore, l’ancien prof souligne l’héritage de Gilles Rotillon. « C’est lui et Jean-Marc Blanche qui ont été les premiers à défendre l’idée des murs d’escalade, rappelle-t-il. Jean-Marc était alors jeune architecte et il a dessiné des blocs mobiles qu’on a ensuite trimballés à Montreuil pour faire grimper les gamins des quartiers populaires. » Pascal Étienne confirme, lui qui a participé au voyage d’étude outre-Manche avec ledit architecte : « On est allé visiter des murs en Angleterre, soit c'étaient des trucs d'université bricolés par les grimpeurs eux-mêmes. Soit c'étaient des salles privées. Quand on est revenu en parler à la CFM avec Jean-Marc, on a décidé de développer ça dans le public. On a construit des murs dans les cités, les établissements scolaires, pour les évènements… C’est important, parce qu’à la différence du Royaume-Uni, l’histoire retiendra qu’en France, les salles d’escalade publiques sont apparues avant les salles privées ».
L’intellectuel insoumis
Pour les deux proches de Gilles Rotillon, c’est incontestable : leur ami était à l’avant-garde. Ils ne sont pas les seuls à le remarquer puisque dans les années 80, l’enseignant est de toutes les instances. En 1985, il participe à la création de la Fédération Française d’Escalade (FFE). Deux ans après, il prendra la direction du Comité Sportif escalade de la FFME, dès la création de la fédération. Pendant dix ans, Gilles Rotillon y défendra sa vision de la grimpe : un bien commun, accessible à toutes et tous. Mais dans les années 90, la discipline évolue, les compétitions se multiplient et la FFME lorgne de plus en plus du côté de l’escalade compétitive. Trop pour Gilles Rotillon qui, à l’AG d’Avignon de 1997, se fera évincer. « Il défendait bec et ongles le prolongement de ce qu’on avait fait à Hauteroche, explique Pascal Étienne. Pour lui, la fédération devait mettre de l’argent là, pour généraliser l’expérience ».

Les combats de Gilles Rotillon laisseront des traces. Dans l’esprit de celles et ceux qui les ont connus, mais surtout, par écrit. D’aucuns des personnes que Vertige Media a contactées le décrivent comme un intellectuel. « Je pense qu’il est né intellectuel en rencontrant la FSGT », affirme son frère Noël. Depuis mai 68, le jeune Gilles ne cesse de lire, de débattre, de réfléchir. Et au-delà de l’action fédérale, c’est sur le terrain des idées qu’il va se distinguer. Sa première œuvre importante s’intitule L’Alpinisme laisse béton, publié en 1985 avec un certain Louis Louvel. Les deux théoriciens y expliquent, sans doute de manière inédite en France, que l’alpinisme est une pratique qui tue. Au contraire de l’escalade qui, par l’équipement raisonné des falaises et l’évacuation du risque, peut devenir populaire. « C’était la première fois qu’on distinguait aussi fermement les deux disciplines, se souvient Noël Rotillon. L’escalade avait toujours été perçue comme un entraînement à l’alpinisme. Pour Gilles, elle devait s’émanciper. » L’ouvrage provoque un certain retentissement dans le petit monde de la grimpe. « Disons que les alpinistes n’ont pas beaucoup aimé », sourit Pascal Étienne. Mais c’était une façon de faire rayonner son idée-force, celle qu’il aura chevillée au corps tout au long de sa vie : l’escalade doit sortir des cercles élitistes. Preuve en est la publication en 2016 de son ouvrage sans aucun doute le plus complet, La leçon d'Aristote, où il réédite ses théories.
« Il lisait énormément avec une capacité de concentration hors-normes. Il était capable de lire des livres pendant qu'on faisait 800 km en voiture, qu’on passait la tondeuse à côté et que ses petites filles lui tiraient les cheveux »
Françoise Rotillon, la femme de Gilles
Ces entrées en littérature marquent le personnage, le caractérise. « J’ai tout de suite vu que c’était son truc, confie Françoise Rotillon, son épouse. Quand Louis (Louvel, ndlr) venait travailler sur leur premier livre le mercredi à la maison, ils s’enfermaient toute la journée pour discuter, réfléchir, débattre. » Elle continue : « Il lisait énormément avec une capacité de concentration hors-normes. Il était capable de lire des livres pendant qu'on faisait 800 km en voiture, qu’on passait la tondeuse à côté et que ses petites filles lui tiraient les cheveux ». Gilles Rotillon écrit, aussi, énormément. À la fin de sa vie, alors que son corps l’empêche de grimper comme avant, il consacre son temps libre à l’analyse et au débat de notre société. Membre des économistes attérrés, Gilles Rotillon anime des vidéos de Xerfi Canal où on le retrouve capable de résumer le mythe du capitalisme en quatre minutes. Blogueur insatiable, il publiera à partir de 2020 une chronique par semaine sur Mediapart. Comme si cela ne suffisait pas, il colligera aussi sa passion pour le 7ème art dans un livre intitulé Goûts et Dégoûts cinématographiques. Et puis, forcément, le grimpeur passionné prêtera sa plume pour Grimper, Alpine Mag, Vertige Media… « Son secret ? Il ne dormait pas, révèle Pascal Etienne. Comment voulez-vous produire autant en dormant ? Il savait tout sur tout. Les dernières perfs en escalade, la vidéo de machin, le rapport de telle institution… Il m’impressionnait. De toute façon, quand on regarde la vie de Gilles Rotillon, on se demande bien comment il a fait pour gérer toutes ses responsabilités. »
Masterclass
Quand on se penche sur le fond du « Rotillon », l’intellectuel n’a jamais dévié de sa voie. « Aujourd’hui, tous les événements lui donnent raison, confirme Yves Renoux. Sa vision de gauche, marxiste, qui aussi celle de la FSGT et qui l’a tenu toute sa vie, inspire encore tout le monde à la fédération. Je suis persuadé que la reprise du flambeau de Gilles, elle sera collective. » À lire ses chroniques, décrypter ses prises de paroles, il faut bien reconnaître à quel point ses positions étaient modernes, progressistes, éclairantes : sur l’écologie, l’économie, le genre… La marque d’un observateur insatiable de nos sociétés modernes. « Dernièrement, je dirais même qu’il ne faisait quasiment plus que ça, souligne Françoise Rotillon. Le jour où il est parti aux urgences l’après-midi, jusqu'à 13h, il a été sur son ordinateur, il a écrit des trucs. » Des trucs pas forcément optimistes sur les temps qui courent. « Pour moi, c’était un peu notre Frédéric Lordon (philosophe et économiste français, ndlr) », résume Yves Renoux. Dit autrement : quelqu’un qui avait compris que les choses n’allaient pas forcément dans le bon sens, et qui sentait bien qu’on ne parviendrait peut-être pas à trouver la solution. « Il disait souvent à ces petites filles : "J’espère que Papou se trompe". L'évolution du monde et l'avenir de ses enfants et petits-enfants ne le réjouissait pas », confie Noël Rotillon.
Alors pour conjurer le sort, Gilles Rotillon n’a jamais arrêté de grimper. « À cause d’un accident de ski, il ne pouvait plus lever la tête, raconte son frère. On disait qu’il grimpait en braille tellement il tâtonnait les prises. Mais il grimpait, encore et toujours ». Pascal Etienne, qui l’a vu escalader des parois pendant 50 ans n’en revient toujours pas : « Il était mal en point à la fin quand même, mais il n’a jamais renoncé. Il est toujours allé sur le mur. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi motivé, d’aussi passionné. » Derrière une silhouette qui claudique, on aurait bien du mal à voir qu’un patrimoine multidimensionnel de l’escalade continue à se mouvoir. Alors à regarder ce vieil homme s’asseoir sur sa chaise, devant le public du Salon de l’Escalade, on sourit de nouveau à la richesse que Gilles Rotillon nous aura encore donné en partage. Car après une heure de conférence, le programme sera respecté. C'était bien une masterclass.