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EP Climbing : 40 ans à visser l’histoire de l’escalade

Quarante ans, ce n’est pas seulement un cap pour une entreprise : c’est un morceau d’histoire de l’escalade. Celle qui part d’un garage de bricoleurs et qui finit sous les projecteurs olympiques, avec des volumes si gros qu’on pourrait presque y garer une voiture.


EP Climbing
© 40 ans : de l’innovation à la référence – L’histoire d’Entre-Prises.

Derrière l’histoire d’EP, c’est aussi celle de l’escalade qui se raconte : ses audaces, ses contradictions, sa lente conquête de la lumière. Quarante ans, à l’échelle d’un sport qui ne s’est vraiment inventé en salle qu’hier, c’est presque une épopée. Entre les doigts râpés sur des prises coulées dans du béton de résine et les volumes monumentaux homologués par l’IFSC, se dessine la métamorphose d’une discipline. Une discipline qui n’a jamais cessé de balancer entre fidélité au rocher et invention d’un monde artificiel. Et dans ce récit, EP Climbing a joué le rôle d’allumette : parfois étincelle, parfois brasier.


Quand l’histoire commence au fond d’un garage


Dans les années 80, l’escalade se vivait surtout dehors, entre falaises calcaires et blocs de grès. L’indoor existait, mais tenait davantage du bricolage associatif que d’une discipline codifiée : un pan vissé dans une cave de club, quelques murs universitaires en Grande-Bretagne, et des prises coulées dans le béton, aussi mobiles qu’un banc en pierre. On s’acharnait sur les mêmes reliefs jusqu’à user la peau plus que l’imagination. La salle n’était pas encore un terrain de jeu, juste un abri quand la météo faisait grève.


C’est dans ce décor figé qu’entre en scène un ingénieur venu des Alpes, François Savigny. Grimpeur obstiné, bricoleur inspiré, il met au point un objet à l’apparence anodine mais porteur d’une révolution : la première prise amovible, moulée dans du béton de résine. Dit comme ça, on imagine mal un tremblement de terre. Pourtant, c’en est un : pour la première fois, un mur peut se réinventer à l’infini. L’escalade découvre la possibilité de se raconter autrement que par les caprices du rocher.


En 1985, Savigny fonde ENTRE-PRISES, future EP Climbing. L’année suivante, ses prises équipent la première compétition indoor, à Vaulx-en-Velin. Trois ans plus tard, c’est le mur de Leeds pour la toute première Coupe du Monde. En quelques saisons, l’escalade passe du garage bricolé aux événements internationaux. Et EP se glisse dans la photo de famille, comme cette pièce de Lego qui, sans bruit, finit par soutenir tout l’édifice.


Et soudain, l’escalade parle sa propre langue


L’escalade est un sport jeune, et comme tout adolescent, elle grandit par crises soudaines plus que par sages évolutions. Les années 90 en sont la preuve : sous l'impulsion de EP Climbing ce sont les grimpeur·euses eux-mêmes qui se mettent à shaper. Patrick Edlinger, Lynn Hill, François Legrand, les frères Petit… chacun·e traduit son obsession dans la résine : des prises pour tester le geste pur, d’autres pour martyriser les biceps, ou pour affiner la subtilité du placement. Les macros débarquent, les micros à visser aussi. On n’ajoute pas juste des bouts de plastique : on invente une grammaire. Et derrière cette langue nouvelle, c’est une esthétique qui prend forme.


Puis vient le temps des grands volumes. Avec Chris Sharma et Laurent Laporte, les murs arrêtent de singer les falaises. On n’y rejoue plus la nature, on invente des mouvements inédits, parfois improbables, que nulle fissure du Verdon n’aurait jamais permis. L’arrivée du PU (polyuréthane) en 2012 accélère la métamorphose : plus léger, plus résistant, il autorise toutes les folies. Les ouvreur·euses deviennent des dramaturges : la salle se change en théâtre où chaque bloc est une mise en scène.


EP Climbing
© 40 ans : de l’innovation à la référence – L’histoire d’Entre-Prises.

Et dans les coulisses, EP Climbing ne se contente pas d’apporter les accessoires : la marque écrit aussi le scénario. Du système MOZAIK, modulable comme un puzzle géant, aux parcours ludiques de CLIP ‘N CLIMB, elle ose des concepts qui déplacent les lignes. EP n’a pas seulement accompagné l’évolution de l’escalade : elle en a parfois changé la bande-son.


Le point d’orgue arrive en 2023 avec le TITAN, premier fronton de bloc standardisé en partenariat avec l’IFSC. Testé aux Mondiaux de Berne, adopté aux Jeux de Paris, il marque une nouvelle ère. Désormais, un·e grimpeur·euse de Tokyo ou de Lille peut se confronter au même bloc que l’élite mondiale.


Produire plus, polluer moins : mission impossible ?


L’histoire d’EP ne se résume pas à une succession de trouvailles techniques. Elle raconte aussi une montée en puissance. En 2002, l’entreprise intègre le groupe ABEO, mastodonte français de l’équipement sportif. Avec lui, changement de dimension : usines dernier cri, puissance d’export, force de frappe capable de livrer plus de 10 000 projets dans le monde. L’artisanat des débuts s’efface, remplacé par une logique industrielle assumée. Le garage savoyard a laissé place à la chaîne de production.


Mais cette réussite pose une question qui dépasse largement le cas EP : comment rester fidèle à l’esprit d’un sport né dans la poussière des falaises quand on le reproduit désormais à la tonne, en panneaux calibrés et en volumes standardisés ? Comment concilier l’imaginaire du rocher avec la réalité d’un produit livré en palette ?


Pour tenter de résoudre ce paradoxe, EP sort la carte RSE. Peintures sans solvants, bois certifié FSC, calculs d’empreinte carbone, emballages allégés en plastique : la panoplie est complète. L’entreprise s’allie même à des acteurs comme Greenholds ou Eco Climb’In pour tester le recyclage des prises et donner une seconde vie aux volumes usés. Des gestes nécessaires, sans doute sincères, mais qui n’effacent pas le fond du problème.


RSE EP Climbing
© 40 ans : de l’innovation à la référence – L’histoire d’Entre-Prises.

Car le paradoxe est tenace : l’escalade indoor a ouvert le sport au plus grand nombre, mais chaque mur construit, chaque tapis fabriqué, pèse lourd dans la balance carbone. EP ne l’ignore pas. En lançant une calculatrice destinée à mesurer l’impact de toute la filière, la marque prend même le risque de pointer ses propres contradictions. Un pari risqué, mais peut-être salutaire : car l’avenir de l’escalade ne se jouera pas dans l’illusion d’une pureté intacte, mais dans la capacité à regarder ces contradictions en face — et à grimper avec, plutôt que contre elles.


Derrière chaque mur, des visages


Feuilleter le livret anniversaire d’EP, ce n’est pas tomber sur une froide litanie de brevets : c’est croiser des visages, des styles, des époques. Patrick Edlinger, Lynn Hill, Catherine Destivelle, Jibé Tribout, Shauna Coxsey, Alexander Megos… tous et toutes ont, à un moment, façonné une prise, ouvert une voie ou fait vibrer une compétition sur un mur siglé EP. Chacun·e a laissé une empreinte. Pas seulement sur le plastique, mais dans l’imaginaire collectif de ce sport.


Et la chaîne ne s’est pas rompue. Avec l’événement « Top Chef Ouvreur » lancé en 2017, EP met en lumière la nouvelle génération d’artisans du geste. Des collectifs, des créateurs et créatrices comme Simon Favrot ou Florent Bonvarlet injectent leur inventivité et leurs folies douces dans les volumes. EP leur fournit un terrain d’expression, mais ce sont elles et eux qui nourrissent l’imaginaire de toute une communauté.


EP Climbing
© 40 ans : de l’innovation à la référence – L’histoire d’Entre-Prises.

C’est peut-être là que réside la vraie singularité d’EP : dans cette capacité à cristalliser une énergie collective. Car derrière chaque mur flambant neuf, il y a aussi un club qui s’agite, une asso qui rame pour faire vivre le lieu, des enfants qui découvrent la verticalité avec des yeux écarquillés, et des para-athlètes qui redéfinissent le mot « limite ». EP peut bien brandir un slogan — « L’escalade pour toutes et tous » — mais ce sont les pratiquant·es qui l’incarnent au quotidien. Des passionné·es parfois invisibles, mais sans qui l’industrie ne serait qu’une coquille vide.


En somme, l’escalade n’est pas qu’une affaire de panneaux et de résine. C’est une affaire de gens. De transmission, d’expérimentation, et de rêves partagés, vissés au mur comme autant de prises d’histoires collectives.


L’histoire d’un sport qui ne tient pas en place


On pourrait réduire ces quarante ans à une success story bien huilée. Ce serait confortable, mais incomplet. Car l’histoire d’EP Climbing est aussi celle d’un sport qui s’invente encore : comment rester fidèle au rocher tout en acceptant les néons des salles ? Comment élargir l’accès sans tomber dans la standardisation ? Comment grandir sans abîmer ce qui nourrit la pratique ?


Le livret anniversaire ne livre pas de vérité définitive. Mais il rappelle une évidence : l’escalade n’est pas seulement une affaire de murs et de résine. C’est une tension permanente entre nature et artifice, entre collectif et industrie, entre jeu et performance. Et c’est peut-être pour ça qu’on l’aime : parce qu’elle ne tient jamais en place.


👉 Le livret anniversaire d’EP Climbing retrace quatre décennies d’innovations et de passion, avec photos, archives et témoignages. À feuilleter et télécharger ici.


Article sponsorisé par EP Climbing

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