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25 000 $ pour aller se perdre en haute altitude

Dernière mise à jour : 20 mars

Chaque année, l’American Alpine Club ouvre son portefeuille pour financer ceux qui n’aiment rien tant que se perdre là où Google Maps ne sait plus quoi répondre. La Cutting Edge Grant, c’est le petit coup de pouce de 25 000 dollars pour cinq expéditions qui ont décidé que les cartes étaient faites pour être redessinées et que l’inconnu méritait d’être sculpté par des crampons bien affûtés.


Cutting Edge Grant
© American Alpine Club

Pour décrocher le pactole ? Du terrain vierge, des faces qui donnent le vertige rien qu’en les regardant en photo et une éthique aux petits oignons : style léger, respect de l’environnement et une bonne dose de masochisme montagnard.


Ils partent, et nous on va suivre


  • Vitaliy Musiyenko, 6 000 $ en poche, part gratter un bout de l’Himalaya indien, plus précisément la face sud-ouest du Kishtwar Shivling (6 000 m). Ce sommet, aussi confidentiel qu’un bon spot de bloc hors topo, n’a vu son point culminant atteint qu’une seule fois. Il sera accompagné de Sean McLane, et si la météo et leurs mollets sont d’accord, ils pousseront jusqu’à un second sommet encore jamais gravi. Parce qu’après tout, quand on est là-haut, autant rentabiliser l’expédition.


  • Michael Hutchins, lui, s’attaque à Rimo III (7 233 m), une face sud-ouest de 1 600 m encore inexplorée dans l’est du Karakoram indien. Pour l’épauler, une équipe qui ferait baver n’importe quel amateur d’alpinisme extrême : Chris Wright (Piolet d’Or en 2020 pour son ascension du Link Sar) et Stefano Ragazzo, connu pour avoir auto-assuré en solo Eternal Flame sur la Nameless Tower au Pakistan. Wright avait repéré les sommets du Rimo en 2012 et il lui aura fallu 13 ans pour transformer un coup d’œil en expédition. On appelle ça la patience… ou l’obsession. 6 000 $ pour aller voir de plus près.


  • Tad McCrea, lui, vise le Latok III (6 949 m), un sommet où les tentatives sont nombreuses, mais les succès plutôt rares. Le plan ? Gravir le pilier sud-est depuis le glacier Choktoi, un itinéraire que personne n’a encore osé signer. En 2024, Jon Giffin et Thomas Huber l’avaient tenté avec lui, mais la montagne leur avait gentiment suggéré de redescendre avant que la météo ne se charge du rappel forcé. Deuxième manche, avec 4 000 $ pour y retourner et voir si cette fois, ça passe.


  • Zach Lovell, 4 000 $ en main, vise une nouvelle ligne sur le Dorje Lhakpa (6 966 m), un sommet du Jugal Himal à 55 km au nord-est de Katmandou. Avec Japhy Dhungana et Joseph Hobby, ils vont aligner 1 000 m d’escalade technique entre 5 900 et 6 900 m. Dhungana et Lovell avaient déjà ouvert leur première voie alpine ensemble au Népal il y a quelques années, et voilà qu’ils remettent ça, façon madeleine de Proust, avec un retour aux sources pour Dhungana dans son pays natal.


  • Ethan Berman, enfin, s’attaque à la "hidden" pillar de l’Ultar Sar (7 388 m) dans le Karakoram pakistanais. Une ligne qui aligne 3 000 m de verticalité, avec 1 500 m de neige et de glace pour l’échauffement, puis 1 500 m de pur rocher qui fend le ciel jusqu’au sommet. En 2024, Maarten van Haeren, Sebastian Pelletti et Berman ont tenté leur chance, atteignant 6 000 m avant que les conditions ne leur rappellent que, parfois, la montagne a d’autres plans. Trois tentatives, trois demi-tours, et maintenant 5 000 $ pour retenter le coup, avec une meilleure connaissance du terrain et, espérons-le, un peu plus de chance.


La Cutting Edge Grant : 100 ans de coups de piolet


Si ces cinq équipes ont pu rafler leur part des 25 000 dollars, c’est grâce à une subvention qui n’est pas née de la dernière tempête de neige. Depuis 1925, l’American Alpine Club finance ceux qui tracent de nouvelles lignes sur les cartes et dans l’histoire de l’alpinisme.


On lui doit des explorations majeures, comme la première ascension du mont Logan en 1925, l’exploration du Karakoram en 1938 ou encore la première de la face Rupal du Nanga Parbat en 2006.


Aujourd’hui, la Cutting Edge Grant, soutenue par Black Diamond, perpétue cette tradition en finançant les alpinistes les plus ambitieux. Mais attention, le chèque ne se décroche pas en cochant quelques cases.


Les critères ?

  • Un objectif digne de figurer dans l’histoire : sommets vierges, premières ascensions en libre, itinéraires encore jamais gravis.

  • Une expérience à la hauteur : il faut pouvoir justifier d’un CV montagnard solide.

  • Un engagement environnemental : style léger, minimum d’impact, leave-no-trace.


Chaque année, les candidatures s’ouvrent du 1ᵉʳ octobre au 31 décembre, avant que les heureux élus ne soient annoncés en janvier. Ensuite, c’est à eux de jouer : un trip report, des images, et parfois une conférence pour partager leur expérience.


L’inconnu, c’est une promesse


Une subvention, cinq équipes, un objectif commun : ajouter quelques nouvelles lignes sur les cartes et ramener des histoires à raconter. Parce que si l’inconnu fait peur à certains, pour eux, c’est surtout une promesse.

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