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Avalanches en cascade de glace : quand l’expérience trompe la vigilance

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

En montagne, on aime croire que l’expérience protège. Qu’en analysant les conditions, en choisissant le bon spot, en suivant les autres, on limite les risques. Mais parfois, c’est précisément ce qui mène à l’accident.


Deux avalanches en cascade de glace, analysées dans la base SERAC, racontent la même histoire : des grimpeurs expérimentés, persuadés d’être en sécurité, piégés par une coulée de neige lourde. Même erreur, même sidération face à une avalanche "improbable".


Avalanche cascade de glace

Alors, qu’est-ce qui a mal tourné ? Pourquoi des grimpeurs aguerris ont-ils été surpris par un danger qu’ils pensaient maîtriser ? Décryptage.


Crévoux : la confiance qui aveugle


📍 Les faits

Cascade des Razis, Hautes-Alpes. Une trentaine de grimpeurs sur place. Le Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche (BERA) affiche un niveau 3 sur toutes les expositions, ce qui signifie qu’une avalanche peut se produire relativement facilement.


Mais le topo ne signalait qu’un risque de coulée sur l’approche. La cascade, elle, semblait hors de danger. Résultat : personne ne s’inquiète. La glace est bonne, il y a du monde, l’ambiance est top. Quelques purges dans la matinée ? Rien d’alarmant. Une coulée un peu plus grosse vers 14h ? Pas de quoi plier bagage.


À 15h, la réalité rattrape tout le monde. Une avalanche de neige lourde se détache des pentes surplombantes et ensevelit deux grimpeurs en quelques secondes. Ils seront dégagés rapidement, par chance, mais avec une leçon amère :


"Bordel, on n’a pas pris de DVA, de pelle, ni de sonde. Quelle erreur de débutant."


❌ Les erreurs relevées

  • Aucun DVA, ni pelle, ni sonde → tout le matériel est resté à la voiture, car le spot semblait sûr.

  • L’effet de groupe a pris le dessus → certains ont eu un doute, mais la dynamique collective a poussé à rester.

  • Un manque de recul sur le site → en creusant un peu, ils auraient découvert que ce secteur avait déjà connu des avalanches.


Vallon du Diable : la vague qui emporte tout


📍 Les faits

Cascade des Hémos à Godo, Isère. Un groupe de grimpeurs se lance sur une voie classique. Les conditions semblent bonnes, la cascade est bien formée, et rien d’alarmant n’a été signalé récemment.


Ce qu’ils n’ont pas assez pris en compte ?


  • Des vents violents deux jours plus tôt, qui ont accumulé de la neige instable.

  • Un regel nocturne insuffisant, qui rend la couche fragile.

  • En pleine ascension, le bruit arrive. Un grondement sourd. Une vague blanche s’abat sur eux. L’un des grimpeurs réagit au dernier moment et se plaque sur la paroi. Un autre est frappé de plein fouet, mais son relais tient miraculeusement. Silence. Puis cette question qui glace :


"Les autres, ils sont où ?"


❌ Les erreurs relevées

  • Mauvaise lecture du BERA → le vent et le faible regel n’ont pas été pris en compte.

  • Excès de confiance → "Ça passera"… sauf que ça n’est pas passé.

  • Absence de plan B → aucune réflexion sur comment évacuer en cas de purge.


Pourquoi ces accidents se répètent ?


Ce ne sont pas des cas isolés. L’analyse des récits SERAC et les recherches de la Fondation Petzl montrent que les accidents en montagne suivent souvent le même schéma.


1. L’effet de groupe


👉 9 % des récits SERAC relèvent un biais d’influence sociale.

"Tout le monde est là, donc ça doit être safe."


2. La focalisation sur les signaux rassurants

👉 8 % des récits montrent une attention biaisée vers les éléments positifs.

"Le soleil tape, la glace est bonne, ça déroule, tout va bien."


3. L’illusion de la sécurité des sites connus

👉 44 % des accidents analysés ont lieu sur des sites réputés "faciles".

"Ce secteur est grimpé tous les hivers, il est réputé sûr."


Les statistiques de secours en montagne le confirment : les accidents surviennent là où on ne les attend pas, souvent à la descente ou sur des sites sur-fréquentés.


Comment éviter de se faire avoir ?


Les pistes de prévention ne sont pas nouvelles. Mais elles méritent d’être répétées.


1. Intégrer que les cascades de glace sont des zones avalancheuses

  • Lire et interpréter correctement le BERA, en prenant en compte l’impact du vent et du regel nocturne.

  • Analyser les pentes dominantes : s’il y a des accumulations au-dessus, ça finira forcément par purger.


2. Toujours avoir DVA, pelle et sonde

  • Pas de débat.

  • Et savoir s’en servir : un DVA mal maîtrisé est aussi utile qu’un piolet sans lame.


3. Savoir dire stop, même quand tout semble bien se passer

  • Le vent a soufflé fort il y a deux jours ? Remets en question la stabilité.

  • Il y a eu une coulée plus grosse que les autres ? Ça peut être un dernier avertissement.

  • L’effet de groupe pousse à rester ? Sois celui qui ose dire "on se barre".


4. Partager les retours d’expérience

  • Écrire et lire les récits sur SERAC.

  • Analyser les erreurs des autres pour éviter de les répéter.


Conclusion : un apprentissage collectif


Ces récits de la base SERAC ne sont pas des histoires isolées. Ils sont des schémas récurrents, qui se répètent année après année. L’expérience et le niveau ne protègent pas de l’accident. La remise en question et l’anticipation, si.


Contribuez à la base SERAC, partagez vos récits et participez à la construction d’une intelligence collective sur l’accidentologie en montagne.

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