Trump dépeuple les rangers : les parcs nationaux en péril
Si les parcs nationaux sont les poumons des États-Unis, alors l’administration Trump vient de leur coller un bon coup de hache. Pendant que les visiteurs affluent comme un ruisseau après la fonte des neiges – plus de 325 millions en 2023 –, les effectifs, eux, fondent comme neige au soleil. En quinze ans, le National Park Service (NPS) a perdu 20 % de son personnel, et voilà que des milliers de travailleurs saisonniers viennent de voir leurs offres d’emploi pour 2025 purement et simplement annulées. Un coup dur supplémentaire pour des effectifs déjà exsangues.

Un plan de sauvetage… version tronçonneuse
Le Wall Street Journal et le LA Times le rapportent : la saison 2025 s’annonce sèche. Des milliers d’offres d’emploi, saisonnières et permanentes, viennent d’être balayées d’un revers de décret. Un grand ménage qui ne touche pas les latrines des campings – encore que, vu la situation, ça ne saurait tarder – mais bien les effectifs du NPS.
Les intérimaires, habituellement la colonne vertébrale du dispositif, se retrouvent sans poste, alors même que leur rôle est crucial : premiers secours, gestion des feux, entretien des sentiers, accueil des visiteurs… bref, tout ce qui permet aux parcs de ne pas se transformer en Battle Royale pour randonneurs mal préparés.
« C’est inimaginable de faire tourner un parc sans les saisonniers », confie un employé au LA Times, sous couvert d’anonymat. L’inimaginable, pourtant, est en train de devenir réalité.
Le vert en berne, le gris en rade
Dans ce paysage en décomposition programmée, le National Park Service ressemble de plus en plus à un organisme sous respirateur. La situation n’est pas nouvelle : sous-financé depuis des décennies, son budget peine à suivre la courbe ascendante de la fréquentation.
L’institution a longtemps tenu grâce à son personnel dévoué – et sous-payé. Phil Francis, ancien ranger et président de la Coalition to Protect America’s National Parks, le dit avec amertume : « On plaisantait en disant qu’on était payés en couchers de soleil. Plus la pause dure, plus la réouverture des parcs devient improbable. »
En clair : moins de rangers, moins d’entretien, plus de sentiers laissés à l’abandon, et une expérience de visite qui risque de ressembler à un épisode post-apocalyptique de Into the Wild (sans la BO d’Eddie Vedder pour compenser).
Derrière les chiffres, une vision à court terme
La purge actuelle n’est pas seulement une coupe budgétaire, c’est un choix politique. Un choix qui rappelle la vieille idée du Project 2025, ce programme piloté par la Heritage Foundation, visant à remplacer une bonne partie des fonctionnaires fédéraux par des employés nommés sur critères politiques. Un retour à l’époque où les emplois fédéraux s’échangeaient comme des bons pour une dinde gratuite avant Thanksgiving.
Le problème ? Gérer un parc national, ce n’est pas juste poster un selfie devant El Capitan. Ça demande des connaissances pointues en écologie, en gestion des ressources naturelles et en prévention des risques. Quand on sabre dans ces postes, on joue avec le feu – parfois littéralement, vu la recrudescence des incendies dans l’Ouest américain.
Entre idéologie et économie : qui ramasse les pots cassés ?
Si l’administration Trump pousse pour une réduction du rôle de l’État, elle oublie un détail : l’économie locale dépend directement des parcs nationaux. Chaque été, des millions de visiteurs viennent camper, randonner, escalader, et surtout consommer dans les petites villes aux abords des parcs. Restaurants, hôtels, magasins de matériel outdoor… Tous ces acteurs économiques vivent grâce aux flux touristiques régulés par les infrastructures des parcs.
Moins de personnel, c’est moins d’accès, moins de services, et donc moins de visiteurs prêts à lâcher leurs dollars sur place.
Et que dire des bénévoles, qui, depuis des années, comblent déjà les brèches laissées par le manque de moyens ? À force de leur demander de porter la baraque à bout de bras, même les plus passionnés finiront par plier bagage.
Le risque d’un terrain à l’abandon
La nature a horreur du vide, mais les randonneurs encore plus. Le danger n’est pas seulement économique ou politique : il est écologique et sécuritaire. Un parc mal entretenu, ce sont des sentiers envahis, des sites non surveillés, et des comportements à risque multipliés. Ajoutez à cela l’augmentation de la fréquentation, et vous obtenez un cocktail explosif.
« C’est effrayant de voir à quel point les choses peuvent mal tourner quand ces lieux sont abandonnés, sans personne pour les surveiller », avertit une employée du NPS.
Des visiteurs livrés à eux-mêmes, sans briefing ni sensibilisation, c’est le jackpot pour les accidents – et les braconniers. Sans parler des infrastructures qui se dégradent, faute d’entretien.
Et maintenant ?
Pour l’instant, aucune solution ne semble se dessiner. Des sénateurs tentent d’interpeller le secrétaire à l’Intérieur pour lever le gel des embauches, mais rien ne garantit que l’appel sera entendu. Pendant ce temps, le compte à rebours continue, et les parcs se dirigent lentement mais sûrement vers une saison catastrophique.
L’avenir du National Park Service se joue maintenant. Soit on choisit de préserver ces joyaux, soit on les abandonne à leur sort. Et si certains, à Washington, semblent prêts à les sacrifier sur l’autel de la rigueur budgétaire, il faudra peut-être leur rappeler que la nature n’attend pas – et qu’un parc laissé à l’abandon est bien plus long et coûteux à reconstruire qu’à entretenir.
Reste à voir si, cette fois, le cri d’alarme sera entendu. Ou s’il se perdra, une fois de plus, dans le vent.