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Les grimpeurs du Kentucky rachètent leur falaise pour grimper en paix

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

La prochaine fois que l'on vous dit que l’escalade est un sport d’oisifs qui ne pensent qu’à leur prochaine sortie en falaise, vous pourrez répondre qu’au Kentucky, les grimpeurs achètent des hectares à coups de millions. 290 hectares précisément, soit de quoi faire rentrer 545 terrains de foot – ou, pour les amateurs de chiffres plus verticaux, 22 kilomètres de falaises.


Grimpeur achètent falaise

L’affaire du siècle (ou du siècle prochain)


C’est la Red River Gorge Climbers' Coalition (RRGCC) qui vient de frapper fort : 1,7 million de dollars sur la table pour récupérer un bout d’ancienne réserve naturelle d’Ashland Wildlife Management Area. Pourquoi ? Parce qu’un site emblématique de la région, The Zoo, s’est vu barrer l’accès en début d’année, rappelant aux grimpeurs que sans titre de propriété, une falaise, aussi mythique soit-elle, peut leur glisser entre les doigts.


Sauf que cette fois, pas question de rester les bras ballants. La RRGCC, avec le soutien du Access Fund, s’est mise en quête de sauver les meubles – ou plutôt les cailloux. Résultat : Cave Fork Recreational Preserve, le petit dernier des sites sous protection de l’organisation. Il rejoint les autres terrains déjà rachetés au fil des ans, portant le total à près de 1 700 hectares dédiés à l’escalade.


À qui profite le crime ?


D’abord aux grimpeurs, bien sûr. Les secteurs fraîchement acquis comptent des noms qui font frémir : Monster Wall, Devil’s Kitchen, Outer Space ou encore Corn Flake (une voie qui croustille sous la dent ?). Mais aussi aux amateurs de biodiversité, car la zone abrite quelques colocataires à protéger : des chauves-souris de Virginie, des chauves-souris de l’Indiana, et même un petit poisson rare du Kentucky, le arrow darter, qui, lui aussi, aimerait bien ne pas finir écrasé sous du béton.


Les fonds ont été réunis via un mélange de dons, prêts privés et subventions, avec notamment 600 000 dollars venant du Service des forêts des États-Unis et 350 000 dollars du programme de conservation des chauves-souris. Et si ça semble encore insuffisant, la RRGCC a déjà couvert plus de la moitié de sa dette.


Et en France, on attend quoi ?


Si acheter des falaises pour en garantir l’accès peut sembler un réflexe logique outre-Atlantique, l’idée fait encore figure d’OVNI en France. Ici, la plupart des sites de grimpe restent sous gestion publique ou sous convention avec des propriétaires privés. Mais ces conventions ne sont pas inébranlables et les dernières années ont montré qu'elles pouvaient voler en éclats, laissant des grimpeurs face à des interdictions soudaines et des sites orphelins.


Derrière ces fermetures, plusieurs raisons : des problèmes de responsabilité juridique, des enjeux écologiques croissants, mais aussi parfois des conflits d’usage entre grimpeurs, randonneurs, chasseurs et collectivités locales. Des mairies, soucieuses de ne pas endosser les risques, préfèrent parfois mettre fin aux conventions plutôt que d’assurer la gestion des falaises sur leur territoire.


La question qui fâche : et si on achetait nos falaises ?


Le modèle américain pourrait-il s’exporter en France ? Rien n’est moins sûr. Si des fédérations ou associations de grimpeurs décidaient d’investir dans l’achat de terrains, elles devraient aussi assurer l’entretien, la mise en sécurité des sites et leur gestion à long terme, ce qui représente un défi financier et administratif conséquent.


Pourtant, la logique est là : pourquoi dépendre d’acteurs tiers quand on pourrait posséder et gérer les sites nous-mêmes ? Si des grimpeurs du Kentucky parviennent à lever 1,7 million de dollars pour préserver leur terrain de jeu, la communauté française pourrait-elle en faire autant ?


En attendant, du côté du Kentucky, les grimpeurs ont sécurisé leur terrain de jeu pour de bon. Ils pourront chuter en paix, en sachant que cette fois, personne ne viendra leur dire de plier bagage.

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