Palestine-France : une cordée au-delà des murs
C’est un sport. Un art du mouvement. Une discipline olympique. Mais en Palestine, l’escalade est surtout un acte de liberté. Un pied de nez aux checkpoints, aux murs et aux restrictions. Depuis 2014, la Palestine Climbing Association (PCA) façonne une génération de grimpeurs pour qui le rocher est plus qu’un simple terrain de jeu : c’est un espace à reconquérir. Un refuge contre l’oppression. Un souffle d’air libre dans une terre où chaque déplacement est une négociation.

Et cette année, douze grimpeurs et grimpeuses palestinien·nes traverseront la Méditerranée pour un échange inédit. Trois semaines en France, trois semaines d’apprentissage et de transmission, sous l’impulsion de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT). L’objectif ? Partager des savoir-faire, des techniques d’équipement, des expériences de structuration associative. Et, peut-être, faire tomber d’autres murs – ceux de l’isolement et du manque de moyens.
Grimper en Palestine : sport ou acte politique ?
En Cisjordanie, l’escalade n’a rien d’un simple hobby du week-end. Elle est une affirmation de présence. Les falaises et les blocs ne sont pas toujours accessibles. Prenez le canyon d’Ein Farah, un des spots les plus prisés du pays. Pour y grimper, les Palestiniens doivent parfois marcher plus d’une heure et demie le long de barbelés, slalomer entre les zones interdites et éviter les patrouilles militaires. Les routes sont surveillées, certaines fermées aux Palestiniens. Il faut jouer avec la topographie autant qu’avec la géopolitique.
Et pourtant, depuis plus de dix ans, l’escalade s’impose peu à peu comme un espace de respiration. Les grimpeurs de la PCA ont trouvé dans ce sport un moyen de déjouer les frontières physiques et mentales, de bâtir une communauté soudée autour de la passion du rocher. L’association, récemment reconnue par l’IFSC (Fédération internationale d’escalade sportive), développe des voies, organise des formations et tente de structurer la discipline malgré les contraintes.
Un projet d’échange et de transmission
Face à cette énergie, la FSGT a décidé de tendre la main. En avril 2025, douze grimpeurs et grimpeuses palestinien·nes débarqueront en France pour une immersion en trois temps :
Semaine 1 : La Drôme – Premiers contacts avec les grandes voies. Apprentissage des techniques de sécurité, de progression et d’encordement sur des falaises mythiques.
Semaine 2 : Briançon – Place au terrain d’aventure et aux techniques d’équipement. Une semaine encadrée par des bénévoles de la FSGT, pour comprendre comment on ouvre et aménage un site naturel.
Semaine 3 : Fontainebleau et Paris – Plongée dans le monde de la grimpe en club, avec des échanges sur la gestion associative et une initiation aux blocs légendaires de Bleau.
L’idée, ce n’est pas de leur apprendre à grimper – ils savent déjà très bien le faire. Mais plutôt de partager des expériences, de voir comment une structure associative fonctionne en France, comment un club peut organiser des formations, des compétitions, des sorties. Bref, transmettre une autre manière de concevoir l’escalade.
Ce voyage est aussi l’occasion d’un échange culturel fort. Car en France aussi, l’escalade a été un combat. La FSGT, créée en 1934, a toujours défendu un sport accessible, loin du modèle élitiste des grandes fédérations. Elle a joué un rôle clé dans la démocratisation de la grimpe et a toujours porté une dimension sociale dans sa vision du sport.
Une cagnotte pour tenir la corde
Mais un tel projet a un coût. Voyages, hébergement, repas, assurances, déplacements sur site… Pour que cet échange ait lieu, la FSGT Île-de-France a lancé une cagnotte sur HelloAsso. Objectif : réunir les fonds nécessaires pour accueillir dignement ces grimpeurs et leur permettre de tirer le meilleur de cette expérience.
Tout sera encadré par des bénévoles, moniteurs et guides diplômés, prêts à donner de leur temps et de leur expertise pour accompagner cette délégation. Mais sans soutien financier, le projet risque de rester au stade du rêve suspendu.
Soutenir cette initiative, c’est plus qu’un simple geste solidaire. C’est aider à bâtir des ponts là où on érige des murs. C’est faire en sorte que l’escalade continue d’être cet espace de liberté, de transmission et d’émancipation.
Un projet qui fait sens
Ce séjour s’inscrit dans une dynamique plus large. L’escalade en Palestine continue de se structurer malgré les obstacles, portée par l'énergie de ses pratiquants et le travail de la Palestine Climbing Association. Ces dernières années, des événements comme la participation de grimpeurs palestiniens à des compétitions régionales ou la visibilité offerte par le documentaire Resistance Climbing ont permis de mettre en lumière cette scène émergente.
Aujourd’hui, l’enjeu est d’aller plus loin. D’ancrer l’escalade comme une discipline organisée, reconnue et capable de former de nouveaux grimpeurs et ouvreurs. Avec ce projet d’échange, la Palestine Climbing Association et la FSGT posent un nouveau piton sur la voie d’une escalade libre et accessible à tous.
Reste à voir si la solidarité grimpera aussi haut que les ambitions.
🔗 Pour donner un coup de main (et un coup de pouce) à ce projet : Lien de la cagnotte sur HelloAsso