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Chamarande : le trésor oublié du bloc francilien

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

Dans la famille des spots d’escalade franciliens, Chamarande, c’est un peu le vieil oncle érudit qu’on oublie trop souvent d’inviter aux réunions de famille. Moins mythique que Fontainebleau, moins médiatisé que les nouveaux spots indoor, Chamarande est un OVNI dans le paysage du bloc francilien. Pourtant, à une grosse demi-heure de Paris en RER, c’est sans doute le site de bloc naturel le plus accessible pour les grimpeurs sans voiture ou ceux qui préfèrent s’en passer.


Son grès ? Irréprochable. Ses circuits ? Taillés pour le pur plaisir (et les bonnes roustes). Son cadre ? Une forêt préservée, coincée entre un château du XVIIe siècle et une végétation qui vous fait oublier qu’on est à une heure de Paris.


Bloc escalade Chamarande

Mais Chamarande a un atout de taille : c’est un spot ouvertement sous-coté. Un bout de forêt où on peut grimper sans slalomer entre les crash-pads et les grimpeurs à la recherche du meilleur angle pour leur story Insta. Un terrain d’expérimentation pour ceux qui aiment leur escalade pure, technique et rugueuse. Alors, pourquoi cet oubli collectif ? Plongée dans un spot qui mérite d’être remis sous le feu des projecteurs.


Un site à l’histoire plus ancienne qu’on ne l’imagine


L’histoire de l’escalade à Chamarande ne commence pas dans les années 90. Elle ne commence même pas après-guerre. En réalité, si l’on gratte sous la mousse et les lichens, on tombe sur près d’un siècle d’histoire verticale.


Dès les années 30, Pierre Allain, pionnier de l’alpinisme et concepteur des célèbres chaussons d’escalade qui portent son nom, s’entraîne ici avec ses compagnons avant d’aller affronter les Drus. Certains pitons et points laissés au tamponnoir témoignent encore de cette époque où l’on sculptait ses avant-bras sur du grès avant de partir se frotter au granit chamoniard.


Des flèches peintes au plomb et des vestiges de circuits oubliés apparaissent parfois sous la mousse, rappelant que les blocs d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux d’hier, redécouverts encore et encore. Alors, qui a vraiment commencé ? Bonne question. Ce qui est sûr, c’est que Chamarande n’a jamais été un simple plan B pour les grimpeurs en manque de Bleau.


Des circuits pour tout le monde, mais pas pour les feignants


Si Chamarande a été progressivement oublié, ce n’est pas faute d’avoir des circuits bien tracés. Ici, on trouve de tout : des parcours enfant (blanc), un circuit orange accessible, jusqu’au mythique noir et blanc, classé ED+ (Extrêmement Difficile Supérieur), où le 7b est de rigueur.


Dans les années 90, Christian Roumégoux, une figure bien connue des circuits bellifontains, remet le site en lumière en balisant plusieurs circuits modernes :


  • Un circuit rouge, technique et exigeant, qui préfère la finesse à la brutalité physique.

  • Un circuit bleu, plus abordable, mais toujours technique.

  • Un circuit orange, idéal pour découvrir le spot en douceur.


Mais contrairement à Fontainebleau, où les circuits sont remaniés, adaptés, entretenus à coups de pinceaux et de brosses, Chamarande a gardé une patine plus sauvage. Ici, le balisage est parfois capricieux, et certains blocs ont vu leur accès se compliquer avec la pousse de la végétation. Résultat : il faut chercher, tâtonner, accepter de se perdre un peu. Mais au fond, c’est ce qui fait le charme de Chamarande : c’est un spot où l’on grimpe encore comme des découvreurs, et non comme des consommateurs de circuits tout prêts.


Un terrain de jeu où le cerveau est aussi important que les biscottos


Grimper à Chamarande, c’est accepter une chose : la force brute ne vous sauvera pas.

Le grès ici est extrêmement adhérent, presque trop. Ça veut dire que vos chaussons collent bien, mais aussi que chaque erreur technique est immédiatement sanctionnée. Les plats sont fuyants, les réglettes microscopiques, les équilibres précaires. Chaque mouvement doit être réfléchi, anticipé, optimisé.


Les grimpeurs qui aiment les belles dalles, les placements précis et les équilibres à la limite du raisonnable seront servis. "Les Pieds dans le Plat" est un bon exemple : un exercice de style où il faut tout miser sur la posture, le transfert de poids et une confiance aveugle dans ses semelles en gomme. Pour les amateurs de défis plus physiques, "Le Surplomb du Cri" impose un mix de puissance et de lecture fine, sous peine de redescendre plus vite que prévu.


Et pour ceux qui veulent vraiment jouer dans la cour des grands ? Le circuit noir et blanc ED+ ne fait pas dans la dentelle. Flirtant avec le 7b bloc, il demande une lecture affûtée, une technique solide et une bonne dose d’abnégation.


Un cadre préservé… pour l’instant


L’un des charmes indéniables de Chamarande, c’est son ambiance.


Ici, on grimpe au milieu d’une nature qui n’a pas encore été trop piétinée. Pas d’afflux massif de grimpeurs, pas d’usure prématurée des blocs, pas de surconsommation de magnésie à chaque passage. Et surtout, un spot où l’on peut encore entendre les oiseaux chanter sans avoir à filtrer la bande-son d’une enceinte Bluetooth oubliée sur un crash-pad.

Mais ce calme a un prix : le site n’est pas à l’abri des fermetures arbitraires ou des restrictions. Son statut officiel reste flou, et même si l’accès est toléré, rien ne garantit qu’une interdiction soudaine ne viendra pas clouer les chaussons au sol du jour au lendemain. Une raison de plus pour que Chamarande reste un exemple de grimpe responsable : pas de brossage abusif, pas de tick marks XXL, et surtout, pas de traces de votre passage.


Une redécouverte en vidéo : Chamarande sous un autre angle


On pourrait croire que Chamarande est condamné à rester un spot de niche pour grimpeurs initiés. Et pourtant, récemment, une vidéo a redonné un coup de projecteur à ce site oublié.


Avec un ton décalé et une approche rafraîchissante, les auteurs revisitent les blocs phares du circuit, alternant démonstrations, anecdotes et conseils avisés. Entre chutes, réussites éclatantes et explications techniques, le circuit de Chamarande reprend vie sous les yeux des spectateurs. Une piqûre de rappel pour ceux qui avaient rangé le site dans la catégorie "vieux circuits délaissés", et une invitation pour les autres à aller voir si le grès de l’Essonne est aussi exigeant que celui de Bleau.



Chamarande : un site à re-grimper d’urgence


Il y a deux types de grimpeurs : ceux qui cherchent des lignes déjà sur-magnésiées, où les pas sont visibles à trois kilomètres, et ceux qui aiment se perdre dans la lecture d’un rocher vierge. Chamarande, c’est pour les seconds.


Un spot où l’escalade redevient une exploration. Où il faut chercher son chemin, apprendre à comprendre la roche et adapter son style. Un site qui ne vous donne rien gratuitement mais qui, en échange, vous offre une qualité de grimpe rare, un cadre préservé et un sentiment d’exclusivité qu’on croyait disparu de l’Île-de-France.


Alors la prochaine fois que Fontainebleau vous semble trop bondé, faites un détour par Chamarande. Vous pourriez être surpris.

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