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Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Lucien Martinez, Rédacteur en Chef de Grimper, à cœur ouvert

En tant que fans inconditionnels de Grimper, nous ne pouvions pas manquer l'occasion d'interviewer l'une des figures emblématiques du magazine. Cet été, lors des étapes françaises de la Coupe du Monde d'escalade, nous avons eu la chance de partager un trajet en voiture avec Lucien Martinez, le rédacteur en chef de Grimper. Entre deux virages et quelques anecdotes, nous avons profité de ce moment privilégié pour en savoir plus sur son parcours, sa passion pour l'escalade, et sa vision sur l'avenir de ce sport.


Lucien Martinez
© Vertige Media

Pour commencer, est-ce que tu revenir un peu sur ton parcours ?


Lucien Martinez : En fait, je suis passionné d'escalade depuis très jeune. Petit à petit, je me suis d'abord passionné pour la salle. J'y allais tout le temps avec les copains. Ensuite, grâce à mes différents moniteurs, comme Mathieu et Hervé, j'ai découvert la falaise, et c'est là que ma passion pour ce sport s'est vraiment développée, petit à petit, presque de façon autodidacte, même si j'ai été accompagné au début. C'est une passion qui a grandi au fil du temps.


Et pour ce qui est de ton parcours professionnel, comment as-tu décidé de travailler dans l'escalade ?


Lucien Martinez : Longtemps, je me suis interdit de penser à bosser dans le milieu de l'escalade. J'étais passionné, mais pour moi, c'était vraiment un loisir, je ne pensais même pas à travailler dans ce domaine. J'ai suivi un cursus scolaire jusqu'au bout, en finissant une école d'ingénieur. Ce n'est qu'après ça que j'ai commencé à réfléchir à ce que je pouvais faire dans ce monde. J'ai pensé au journalisme, pas uniquement en escalade, mais aussi dans d'autres domaines comme l'agronomie. Et puis, finalement, c'est Grimper qui m'a donné ma première opportunité en freelance. J'ai pas mal bossé pour Grimper, pour Vertical, pour Montagne... C'est ensuite qu'un poste s'est libéré chez Grimper, et ils m'ont embauché.


Tu as tout de suite été embauché comme rédacteur en chef ?


Lucien Martinez : Non, pas exactement. J'ai d'abord travaillé sous la direction de Fred Labreveux, qui était rédacteur en chef à l'époque. J'étais sous ses ordres, je gérais un peu les magazines, et petit à petit, j'ai gagné en autonomie. Fred est parti de Grimper, il m'a passé la main, il m'a formé, et m'a aidé à devenir autonome, à savoir gérer les enjeux du magazine.


Tu étais déjà un lecteur de Grimper, n'est-ce pas ?


Lucien Martinez : Oui, j'étais un vrai lecteur. D'ailleurs, un des trucs qui m'ennuie un peu à être rédac' chef de Grimper, c'est que j'ai perdu le plaisir d'aller acheter le magazine en kiosque. Pour moi, c'était un vrai plaisir. J'étais en prépa, je grimpais une fois par semaine, le samedi après-midi en falaise. C'était ma bouffée d'air frais de la semaine. Le samedi, quand je prenais le train pour rentrer chez mes parents et que Grimper était en kiosque, c'était un vrai plaisir. J'étais un lecteur assidu pendant sept-huit ans, je n'ai pas loupé un seul numéro.


Lucien Martinez
© Julia Cassou

Comment as-tu vécu le rachat de l'entreprise, qui inclut Grimper ? Ça a changé quelque chose dans ton quotidien ?


Lucien Martinez : Il faut savoir que j'ai la chance de bosser en télétravail quasi à 100%. Je vais au bureau de temps en temps pour les bouclages, pour voir les collègues, pour des réunions, mais je travaille surtout de chez moi. Cela me permet de continuer mes projets personnels de haut niveau en escalade. Mes chefs m'ont accordé cette flexibilité, ce qui est vraiment cool. Donc, je suis un peu éloigné des affaires, je suis à la maison, je fais mon magazine. Comme Grimper roule bien, le rachat n'a pas changé grand-chose dans mon quotidien. Il y a quelques petites dynamiques qui ont été renforcées, comme s’assurer que les magazines sortent bien à l’heure, mais globalement, la ligne éditoriale reste la même. On bosse avec les mêmes pigistes, on a la même ambition de qualité. Honnêtement, pour moi, ça n’a pas changé grand-chose.


Tu es installé à Fontainebleau depuis combien de temps, et pourquoi avoir choisi cet endroit ?


Lucien Martinez : Je suis installé à Fontainebleau depuis six-sept ans, je crois. L’intérêt ici, c’est que tu peux toucher du caillou toute l’année, même sur des petits créneaux. Partout ailleurs, si tu veux grimper dehors, tu es obligé d’avoir au moins une demi-journée de libre. À Bleau, si tu as deux heures, tu peux aller t’essayer à un petit bloc, et c’est vraiment intéressant. Même si tu as une grosse journée, le soir, au lieu d’aller en salle, tu peux aller grimper dehors. Moi je suis un falaisiste, donc ce n’est pas idéal pour mes projets de haut niveau, qui sont en falaise et non en bloc. Mais à Bleau, il y a des super endroits pour s’entraîner. Je fais régulièrement des trips en falaise, des opérations commando de deux semaines à Pic Saint-Loup, à Céüse, ou vers chez mes parents à Montauban, là où j’ai mes plus gros projets. C’est assez adapté, car je peux me mettre des gros cycles d’entraînement à Bleau, compatibles avec des journées de travail. Ensuite, je pars en trip pour mes projets. Et puis, il faut être honnête, si j’habite à Bleau, c’est aussi parce que c’était le rêve de ma copine, qui est très forte en escalade, d’habiter ici. Sinon, je pense que j’habiterais plus près des falaises.


Qu’est-ce que tu penses de la démocratisation de l’escalade ? C’est quelque chose de bien ou de mauvais selon toi ?


Lucien Martinez : Pour être honnête, c’est un peu un fouillis dans ma tête. Si je prends l’exemple du foot ou du vélo, où la massification a eu des effets énormes, certains positifs, d’autres pervers... Je ne vais même pas parler de l’aspect économique, mais évidemment, la massification ramène des flux économiques, ce qui est plutôt sympa pour les professionnels. Mais il y a aussi des vraies menaces, comme la perte de sens. On l’a vu avec les premiers Jeux Olympiques, où on a eu un combiné aberrant de trois disciplines, demandant aux meilleurs athlètes du monde de redevenir débutants dans une autre discipline juste pour être au JO. Il y a vraiment le spectre de la perte de sens qui nous guette. Pour l’instant, on s’en sort, mais il faut faire attention. Ensuite, que l’escalade parle à de plus en plus de monde, c’est super. C’est sympa de pouvoir partager une mythologie commune, d’avoir des figures communes. Mais je crois qu’il ne faut pas chercher à faire grossir le sport artificiellement. Si ça reste un sport de niche, ce n’est pas grave. C’est un sport de niche pour des passionnés illuminés. Si ça grossit, tant mieux, mais il ne faut pas orienter les dynamiques vers la massification.


Adam Ondra escalade vitesse
Adam Ondra aux JO de Tokyo © Keystone-SDA

Grimper a une ligne éditoriale très orientée vers l’escalade extérieure, mais vous vous intéressez aussi à ce qui se passe en intérieur, notamment en compétition, n’est-ce pas ?


Lucien Martinez : Oui, bien sûr. J’adore la compétition d’escalade, je les regarde toutes, ça me passionne, je suis supporter des Français. Mais je crois qu’en termes d’aura et d’activité sportive, la compétition d’escalade, dans l’état actuel des choses, restera un sport mineur. Il manque un souffle épique qu’on trouve dans d’autres sports comme le tennis, le foot ou le vélo, qui sont des sports populaires par excellence. Il manque quelque chose dans la compétition d’escalade pour vraiment captiver. Par contre, sur le caillou, le potentiel de fascination est beaucoup plus grand. Par exemple, "Burden of Dream" par Nalle Hukkataival, c’est complètement épique, c’était une quête presque religieuse. Ce genre d’épopées, on les trouve en falaise. Grimper s’intéresse aux deux, mais je pense que le potentiel narratif est beaucoup plus riche en extérieur, et ça a toujours été la ligne de Grimper.


Quels sont tes projets pour l’avenir, tant pour Grimper que pour toi-même ?


Lucien Martinez : À titre personnel, je me vois vraiment avancer dans des projets qui ont du sens, que ce soit pour Grimper ou pour moi en tant que grimpeur. Pour Grimper, je me creuse la tête pour savoir comment partager ce qui est intéressant en escalade. Il y a des grimpeurs inspirants, des voies oubliées, des blocs perdus... L’escalade est une mine d’or, et je réfléchis à comment mieux raconter ça, comment trouver de nouveaux formats pour le partager. Pour l’escalade, j’aimerais continuer à progresser, mais je m’intéresse de moins en moins à la cotation pour elle-même. Je veux trouver des voies qui ont du sens, qui ont une histoire, qui contribuent à la communauté. Par exemple, réussir un 9b pour mon carnet de croix ne m’intéresse pas autant que de libérer une voie comme le Bombé Bleu, qui a une vraie aura et une histoire à raconter. Voilà, je veux que mes projets aient cette petite étincelle en plus.


Merci Lucien !

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