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- Coupe du monde d’escalade IFSC 2025 à Bali : programme, horaires et streaming en direct
Du 2 au 4 mai 2025, après les étapes chinoises de Keqiao et Wujiang , l’élite mondiale de l’escalade se donne rendez-vous pour la première fois à Bali (Indonésie) . Pour cette troisième étape de la Coupe du monde IFSC, les athlètes se disputeront les podiums en bloc et en vitesse sur la structure utilisés lors des précédentes éditions organisées à Jakarta, le tout dans un cadre annoncé comme spectaculaire . Voici comment suivre cette compétition exceptionnelle en direct depuis la France, avec les horaires précis et tous les liens utiles © Lena Drapella/IFSC Où regarder Bali 2025 en direct ? YouTube IFSC : gratuit mais restreint en France Comme à chaque étape, l’IFSC diffuse gratuitement les demi-finales et finales sur sa chaîne YouTube officielle . En France et en Europe, cependant, les finales seront bloquées en raison des droits TV exclusifs détenus par Warner Bros Discovery. Discovery+ et Eurosport : diffusion officielle en France Discovery+ et Eurosport possèdent les droits exclusifs jusqu’en 2028 pour la France et l’Europe . Pour suivre en direct les moments clés (demi-finales et finales), un abonnement est nécessaire. Olympic Channel : replays gratuits dès le lendemain Les replays des finales seront accessibles gratuitement sur Olympic Channel dès le lendemain. Une bonne alternative sans contrainte d’abonnement ni restriction géographique. Résultats live sur le site officiel IFSC Les qualifications ne sont pas diffusées en vidéo, mais vous pourrez suivre en temps réel les résultats, classements actualisés et performances sur le site officiel de l’IFSC . © Lena Drapella/IFSC Programme complet (heure française UTC+2) (Bali est à UTC+8, soit +6h par rapport à Paris.) Vendredi 2 mai – Qualifications difficulté (pas de streaming vidéo) 08h00 à 15h30 : Qualifications difficulté hommes et femmes Résultats en direct sur le site IFSC Samedi 3 mai – Qualifications & Finales vitesse 05h00 : Qualifications vitesse femmes puis hommes (pas de streaming vidéo, résultats live sur IFSC) 09h00 : Finales vitesse femmes et hommes (en direct sur Discovery+, YouTube hors restrictions) Cérémonies de podium immédiatement après. Dimanche 4 mai – Demi-finales & Finales difficulté 04h00 à 06h30 : Demi-finales difficulté hommes et femmes (en direct sur Discovery+, YouTube hors restrictions) 14h30 : Finale difficulté hommes (en direct sur Discovery+, YouTube hors restrictions) 15h25 : Finale difficulté femmes (en direct sur Discovery+, YouTube hors restrictions) Cérémonies de podium immédiatement après. Suivre Bali 2025 sur les réseaux sociaux Pour vivre pleinement l'événement, retrouvez les coulisses, résultats et contenus exclusifs sur les réseaux sociaux officiels de l’IFSC : Instagram IFSC Twitter/X IFSC Facebook IFSC En résumé : tout ce qu’il faut savoir pour suivre Bali 2025 Dates : du 2 au 4 mai 2025, à Bali (Indonésie), avec les disciplines bloc et vitesse . Première fois que Bali accueille une étape de Coupe du monde IFSC , dans un cadre spectaculaire. Mur utilisé précédemment lors des éditions de Jakarta . Diffusion officielle en France sur Discovery+ et Eurosport (abonnement requis) . Finales bloquées sur YouTube en France à cause des droits exclusifs détenus par Discovery+. Replays gratuits disponibles sur Olympic Channel dès le lendemain des finales. Résultats en temps réel sur https://ifsc.results.info/ . Début mai, l'escalade mondiale s’offre un décor de rêve à Bali pour une étape inédite, où spectacle sportif et cadre exceptionnel promettent une compétition mémorable. Retrouvez le calendrier complet IFSC 2025 ici .
- Accidents en salle d'escalade : ce que dit vraiment la loi
Cérémonial de comptoir de toute entrée fracassante dans une salle, la décharge de responsabilité ne vaut pourtant pas grand-chose. Et alors que les accidents sont proportionnels au nombre d’ouverture de SAE (Structures Artificielles d'Escalade), on a voulu en savoir plus sur le droit, le vrai, en donnant du mou à un avocat spécialisé. Interview assurée. © David Pillet Grimpeur chevronné et ancien champion de France jeune d’escalade, Raphaël Tandetnik est avocat en contentieux des affaires chez BCTG dont l’expertise s'étend à tous les domaines du droit des affaires appliqué à l’univers du sport. Également mandataire sportif, Raphaël accompagne régulièrement les acteurs et entreprises du secteur sportif, principalement dans le domaine de l’escalade et de l’alpinisme. Vertige Media : On entend de plus en plus parler d'accidents en salle d'escalade . Est-ce que ça augmente vraiment ? Raphaël Tandetnik : Effectivement, avec la démocratisation de l'escalade et la multiplication des salles, le nombre d'accidents augmente mécaniquement depuis une quinzaine d’années ; en témoigne le nombre croissant de décisions de justice en la matière. Cela touche tout le monde, des débutants aux experts, comme l'a montré récemment l'accident médiatisé d'une athlète de haut niveau pendant son entraînement . VM : Quand un accident se produit, qui peut être tenu responsable ? Raphaël Tandetnik : Une multitude d'acteurs peuvent être impliqués selon l'origine de l'accident : le constructeur de la salle, l'opérateur chargé de la maintenance, votre partenaire qui vous assure, le fabricant du matériel... Mais au regard de de la jurisprudence analysée, c'est le plus souvent la responsabilité du partenaire de grimpe ou de l'encadrant professionnel qui est recherchée. Parfois, plusieurs personnes peuvent être responsables simultanément ; cela pourrait être le cas d’un assureur qui commettrait une négligence avec un système d'assurage lui-même défectueux. VM : Le droit fait-il une différence entre un accident causé par un ami qui m'assure et un moniteur professionnel ? Raphaël Tandetnik : Absolument, et c'est fondamental. Le droit français distingue deux types de responsabilité. Lorsque vous êtes engagé dans une relation contractuelle (par exemple avec un moniteur ou une salle privée), on parle de responsabilité contractuelle. Sans contrat (par exemple avec votre ami qui vous assure), c'est de la responsabilité extracontractuelle. Dans les deux cas, pour obtenir réparation, il faut prouver trois éléments : une faute commise par le responsable, un dommage subi, et un lien direct entre cette faute et ce dommage. « Les salles doivent mettre en œuvre tous les moyens raisonnables pour assurer votre sécurité, mais ne peuvent pas garantir qu'aucun accident ne se produira jamais » VM : Concrètement, quelles obligations pèsent sur les salles d'escalade et les moniteurs envers les grimpeurs ? Raphaël Tandetnik : Ils ont ce qu'on appelle une « obligation de sécurité », mais attention, c'est une obligation dite « de moyens » et non « de résultat ». En clair, ils doivent mettre en œuvre tous les moyens raisonnables pour assurer votre sécurité, mais ne peuvent pas garantir qu'un accident ne se produira jamais. La jurisprudence considère que l'escalade implique un rôle actif de chaque participant, ce qui crée forcément un aléa. Par exemple, dans une affaire jugée en 2017, une grimpeuse a été heurtée par un autre grimpeur qui descendait d'une voie ( Cass. Civ. 1e, 25 janvier 2017, n°16-11953 ). La Cour a estimé que l'exploitant de la salle n'était pas responsable car le règlement informait clairement qu'il était interdit de rester au sol sous un grimpeur, et rien n'empêchait la victime de s'éloigner. VM : Les juges sont-ils plus sévères quand les victimes sont des débutants ? Raphaël Tandetnik : Tout à fait. L'obligation de sécurité est appréciée très rigoureusement dans les sports considérés comme potentiellement dangereux. On parle même parfois d'« obligation de moyens renforcée » et les juges tiennent compte du niveau de connaissance de la victime. Un exemple frappant : en 2022, une débutante s'est blessée en chutant sur un tapis lors d'une séance encadrée par un bénévole ( CA Rennes, 2e ch., 24 juin 2022, n° 19/02425 ). Le club a été condamné car la victime était novice et non familière de l'exercice. Et même si l'épaisseur des tapis était conforme aux normes, l'encadrant aurait dû adapter les règles de protection habituelles au niveau débutant. « Il appartient toujours au gestionnaire de la salle ou au moniteur de s'assurer de l'aptitude réelle du pratiquant » VM : Et si je refuse de suivre une formation proposée par la salle, est-ce que ça les décharge de leur responsabilité ? Raphaël Tandetnik : La jurisprudence semble considérer que non. Dans un arrêt de 2018, la Cour de cassation a estimé que même si un grimpeur refuse une proposition de formation, il appartient toujours au gestionnaire de la salle ou au moniteur de s'assurer de l'aptitude réelle du pratiquant ( Cass. 1e civ., 7 mars 2018, n°16-28310 ). Charge à eux de vérifier vos connaissances avant de vous laisser grimper. VM : Parlons maintenant des accidents causés par un partenaire de grimpe. Comment évalue-t-on sa responsabilité ? Raphaël Tandetnik : Dans ce contexte, la faute est jugée en comparaison avec ce que ferait un assureur prudent et raisonnable, en référence notamment aux consignes de sécurité préconisées par la FFME ( Fédération française de Montagne et d’Escalade, ndlr ). Par exemple, un tribunal a jugé qu'un pareur avait commis une faute en se plaçant dans la zone d'atterrissage d'un grimpeur de bloc, perturbant ainsi sa chute (TGI 23 Août 2018, Minute n°18/130 ; voir également Cass. civ. 2e, 18 mai 2000, n° 98-12802) . Dans une autre affaire, un assureur a été tenu responsable pour avoir mal utilisé son système d'assurage Grigri, n'ayant pas tenu fermement la corde côté freinage, ni tiré vers le bas comme il aurait dû le faire ( CA Aix-en-Provence, 10e ch., 22 nov. 2018, n° 17/12839 ). « Les décharges que vous signez dans les salles d’escalade ont, en réalité, une portée très limitée et offrent donc une protection juridique très relative aux exploitants de salles. » VM : Et si mon équipement est défectueux ? Le fabricant peut-il être tenu responsable ? Raphaël Tandetnik : Absolument. La responsabilité du fabricant peut être engagée si un équipement de protection se révèle défectueux, comme un baudrier, un mousqueton ou un piton. Cette responsabilité dite des « produits défectueux » existe même sans faute prouvée : le fabricant doit réparer le dommage causé par un produit n'offrant pas la sécurité qu'on peut légitimement attendre. Étonnamment, et c’est plutôt rassurant, on ne trouve pas encore de décisions de justice condamnant des fabricants d'équipement d'escalade sur ce fondement. Cependant, avec le développement d'équipements toujours plus légers et sophistiqués, cela pourrait changer. Les fabricants doivent être particulièrement vigilants sur les informations fournies avec leurs produits et les précautions d'utilisation, le défaut de sécurité s’appréciant tant au regard d’un vice intrinsèque (tenant au produit lui-même) que de la documentation fournie avec le produit. « Ces dernières années, on constate une tendance à l'augmentation des litiges liés aux accidents d’escalade, ce qui correspond logiquement à la démocratisation de la pratique » VM : Existe-t-il des situations où personne n'est responsable ? Raphaël Tandetnik : En théorie, oui, en cas de « force majeure », c’est-à-dire un événement imprévisible, irrésistible et extérieur. Mais c'est difficile d'imaginer de tels cas en salle d'escalade. Plus fréquemment, c'est la faute de la victime elle-même qui est invoquée. Si l'accident résulte uniquement de la faute de la victime, aucune responsabilité ne peut être recherchée. Si la faute a seulement contribué au dommage, on procède à un partage des responsabilités. Un exemple caricatural : récemment, un grimpeur qui avait choisi de ne pas utiliser le système d'auto-enrouleur et de grimper en solo - en violation flagrante du règlement de la salle -, n'a pu obtenir réparation après sa chute (Tribunal Judiciaire de Marseille, 2e chambre, 22 mars 2024, n° 21/01998). VM : Les salles font signer des décharges de responsabilité. Sont-elles vraiment valables ? Raphaël Tandetnik : Ces clauses ont en réalité une portée très limitée. Elles ne s'appliquent pas si leur bénéficiaire a commis une faute grave ou intentionnelle. Elles sont nulles quand elles vident le contrat de sa substance. La majorité de la doctrine juridique estime qu'elles ne sont pas valables en cas de dommage corporel. De plus, elles sont considérées comme abusives dans les contrats entre professionnels et consommateurs. En pratique, ces clauses offrent donc une protection juridique très relative aux exploitants de salles qui tenteraient d’en insérer dans leurs conditions générales. VM : Observe-t-on une augmentation des litiges liés aux accidents d'escalade ? Raphaël Tandetnik : La jurisprudence montre qu'il existe relativement peu de contentieux impliquant des accidents d'escalade, mais on constate une tendance à l'augmentation ces dernières années, ce qui correspond logiquement à la démocratisation de la pratique. Finalement, le cérémonial du papier signé à la va-vite en entrant dans la salle n’est guère plus efficace qu’une parade approximative sous un grimpeur en chute libre. Puisque le droit grimpe à vue sur un mur jonché de subtilités, mieux vaut savoir où l’on met les pieds avant de décoller du tapis. Et ne pas oublier que malgré toutes les décharges du monde, la gravité, elle, ne signe jamais rien.
- Caroline Ciavaldini et James Pearson lâchent The North Face pour coacher chez La Sportiva
Oubliez les communiqués de presse tièdes : chez James Pearson et Caroline Ciavaldini , la fidélité aux sponsors ne rime pas avec mariage à vie. Après près de 20 ans de collab’ avec The North Face, le duo franco-britannique tourne la page pour endosser une nouvelle casquette (à peine pompeuse) de « Coordinateurs du Climbing Team » chez La Sportiva , leur autre sponsor historique. Changement de décor, mais pas de convictions. © Vertige Media « De toute façon, on allait finir par se faire jarter » Pourquoi quitter l’un des plus gros sponsors de l’escalade mondiale ? Parce que parfois, l’histoire d’amour devient moins romantique quand les idéaux divergent. James assume : « C'était une décision très dure, mais à un moment c'était évident que ça ne marchait plus. On ne peut pas ramer à contre-courant de soi-même. » Caro tranche encore plus net : « Moi, j’étais bien au courant qu'à un moment, on allait se faire jarter. Le romantisme, ça va deux minutes ! » En cause : l’évolution des valeurs personnelles du couple, désormais parents, écolos assumés et adeptes de voyages sans kérosène. Caro n’y va pas par quatre chemins : « On a changé, on a vachement changé. Il y a huit ans, on prenait 50 avions par an pour nos aventures, aujourd’hui on essaie vraiment de ne plus en prendre. Mais les seules grosses expés qu’on propose désormais, c’est d’aller en train à l’autre bout du monde. Et ça, ça coûte vraiment cher. » Visiblement trop cher, ou trop contraignant, pour un géant comme The North Face. Caroline Ciavaldini © Vertige Media Chez La Sportiva, une aventure familiale (et à échelle humaine) La Sportiva, marque italienne née en 1928 au pied des Dolomites , leur a ouvert grand les bras pile au bon moment, avec une proposition sur-mesure : accompagner les athlètes de la marque au quotidien . Le timing idéal, le choix évident. « Ils nous ont proposé exactement ce qu'on voulait faire. On allait pas refuser, ils ne vont pas nous proposer ça tous les ans », souligne Caroline. Pour La Sportiva, l’arrivée du duo est stratégique : « James et Caroline vont apporter une contribution précieuse à la compréhension des besoins des athlètes », détaille Fabio Parisi, Sports Marketing Manager. Un rôle pensé pour accompagner les grimpeurs dans leur carrière, sur le rocher comme dans les coulisses médiatiques. Traduire la grimpe pro pour la nouvelle génération Leur mission ? Devenir un pont entre les grimpeurs et l’industrie . « On est presque des traducteurs entre les athlètes et la marque. Ce sont deux mondes un peu différents, qui veulent aller dans le même sens mais qui ne parlent pas toujours la même langue », explique James. Avec leur expérience accumulée depuis vingt ans de voyages, de compètes et de galères de sponsoring, le duo entend surtout éviter aux jeunes athlètes de trébucher là où eux-mêmes ont parfois ramé. « Notre objectif, c’est d'aider les jeunes, de leur donner une possibilité d'être grimpeurs professionnels. Pour nous, ça a été la meilleure chose dans nos vies. » James Pearson © Vertige Media « Athlète professionnel, ça sert à rien » ? Mais le plus intéressant est peut-être dans la manière dont James et Caroline envisagent désormais leur rôle. Ils le font sans illusions ni fausse modestie, questionnant ouvertement la pertinence même du métier d’athlète pro : « Finalement, un athlète professionnel, ça sert à rien », lâche Caroline, provocante mais lucide. « On vit dans une société qui encourage des individus à être extrêmement égoïstes. Je ne suis pas sûre d’avoir envie d’éduquer mes enfants avec ça comme valeur centrale. » En filigrane, une évolution vers plus de transmission, d’humilité et de prise de recul sur leur métier , même si James nuance : « Bien sûr, c'est génial d'inspirer les gens, mais tu dois te demander à quoi tu sers vraiment. » Fin d’un monde, début d’un autre Derrière l’annonce d’un simple changement de sponsor, c’est donc une petite révolution tranquille qui s’opère . Celle d’une grimpe pro capable de se remettre en question, d’un sponsoring moins obsédé par les croix extrêmes et davantage centré sur l’humain. Avec James et Caro comme « coordinateurs », La Sportiva fait le pari de miser autant sur la tête que sur les bras. Et si leur bilan carbone a drastiquement diminué, leur impact sur la grimpe pro, lui, pourrait bien augmenter. À condition que les jeunes athlètes écoutent attentivement leurs conseils… et prennent le train plutôt que l’avion.
- L’escalade sous influence : la verticalité à l’heure du scroll
Entre Adam Ondra qui vaut désormais autant pour ses 9b+ que pour son million d’abonnés, Magnus Midtbø qui cumule près d’un demi-milliard de vues sur YouTube, et des salles de bloc équipées en perches à selfie, l’escalade est passée de la marginalité au statut de « sport connecté ». Une verticalité en plein paradoxe, où la recherche du geste se mêle désormais à celle du scroll. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? Sans doute un peu des deux. L’ère du spectacle : quand la grimpe joue la comédie humaine L’époque où grimper signifiait avant tout s’extraire de la société, chercher une forme de solitude assumée, parfois même une fuite volontaire loin du regard des autres, semble définitivement révolue. Aujourd’hui, grimper, c’est aussi – et peut-être surtout – se montrer. Non plus seulement aux yeux d’un compagnon de cordée complice ou d’un assureur patient, mais à une foule invisible de followers. L’escalade, elle aussi, semble avoir succombé à la tentation moderne du spectacle digital. Hannah Morris, grimpeuse et youtubeuse britannique (donc bien placée pour parler du sujet), soulève précisément cette ambiguïté dans une récente vidéo intitulée : « Is Social Media Ruining Rock Climbing? » . La grimpe, selon elle, vit un moment décisif où la verticalité authentique se voit doublée d’une verticalité numérique, celle du scroll infini. Une tendance qui promet autant qu’elle inquiète. Selon elle, cette tension entre la quête d'authenticité et l'appel du numérique trouve une illustration parfaite dans l’expérience vécue par Will Bosi sur un bloc dont la notoriété a été considérablement amplifiée par cette exposition digitale. Burden of Streams : Will Bosi et le bloc numérique Will Bosi, sur le mythique « Burden of Dreams » en Finlande, a attiré 80 000 spectateurs virtuels sur son livestream YouTube. Dans une scène à la fois amusante et troublante, Will Bosi, pourtant seul au milieu des bois, s’excuse auprès de son audience : « Désolé, la caméra est un peu loin aujourd’hui, mais je trouve que l’horizontal rend mieux. » Le grimpeur s’est fait réalisateur malgré lui, pris dans l’obsession d’une mise en scène parfaite. Signe révélateur que l’escalade moderne s’écrit autant sur la roche que dans le cadre numérique . Cette mutation n’est toutefois pas sans conséquence : à force de vivre sous l’œil permanent de la caméra, ne risque-t-on pas de perdre le contact direct avec la réalité même de la grimpe ? Derrière cette anecdote se cache alors une question plus intime, plus délicate peut-être : jusqu’à quel point notre rapport personnel à l’escalade s’en trouve-t-il modifié ? De la dopamine à la dopamime : grimper pour soi, ou pour ses followers ? Hannah Morris a l’honnêteté de pointer ce risque en le formulant ouvertement : « Pendant mes voyages d’escalade, ma satisfaction est souvent liée à la publication et aux réactions sur mon meilleur enchaînement, ce qui m’interroge sur mes vraies motivations. » Cette remarque fait mouche, car elle pointe un paradoxe bien contemporain : combien sommes-nous à consulter notre compteur de likes aussi instinctivement que la cotation d’un bloc qui nous résiste ? Selon l’auteur et grimpeur Dave Wetmore, les réseaux sociaux introduisent une pression nouvelle : même en grimpant seul, l’athlète peut désormais ressentir le poids d’une audience virtuelle permanente, poussant certains à prendre davantage de risques simplement pour « faire le spectacle ». Le risque, clairement identifié, est que le « soi numérique » finisse par prendre le dessus sur le « soi authentique ». Au-delà des motivations individuelles, l’impact des réseaux sociaux affecte également les lieux et les pratiques eux-mêmes, modifiant profondément notre manière d’explorer la grimpe. Quand Instagram dicte les spots : le diktat subtil du « cool » Dan Varian, fondateur de Beastmaker , résume parfaitement le piège du cool à l’ère du digital : « Quand quelqu’un de populaire grimpe un bloc, tout le monde va grimper ce même bloc. Résultat : des secteurs saturés, pendant que d’autres restent déserts simplement parce qu’ils ne sont pas assez cools. » Cette uniformisation invisible, insidieuse, pourrait transformer l’escalade en un gigantesque pan homogène où les prises seraient dictées non plus par l’inspiration, mais par l’imitation systématique. Au Colorado, le journaliste Matt Samet rapporte qu’à Eldorado Canyon, des blocs autrefois confidentiels connaissent désormais des afflux massifs après avoir été popularisés sur Instagram. Il raconte avoir vu des grimpeurs faire la queue sur le bloc « Resonated » (7c), simplement pour atteindre la prise emblématique le temps d’une photo avant de redescendre aussitôt, créant ainsi un phénomène inédit de « tourisme vertical de masse ». L’antidote serait sans doute de se rappeler que l’originalité se trouve rarement dans l’ombre d’une tendance virale. Pourtant, il serait injuste de réduire cette révolution numérique à ses seules dérives. Elle constitue aussi, pour les grimpeuses et grimpeurs eux-mêmes, une opportunité de se financer et de vivre de leur passion, quitte à endosser le rôle d’ambassadeurs. Grimpeurs ou ambassadeurs : quand la verticale fait vendre Aujourd’hui, les athlètes – même les plus authentiques – deviennent des relais publicitaires via Instagram ou YouTube, transformant leurs followers en monnaie d’échange. Voir Adam Ondra, incarnation par excellence du purisme sportif, promouvoir ponctuellement une boutique de costumes sur YouTube aurait semblé totalement surréaliste il y a seulement quelques années. Pourtant, c’est désormais chose courante. Plus largement, cette tendance modifie profondément la notion même de sponsoring : les athlètes ne sont plus sélectionnés uniquement pour leurs performances ou leur style de grimpe, mais aussi sur leur capacité à incarner les valeurs d’une marque – ou tout simplement sur la taille de leur communauté en ligne . Le nombre de followers devient alors un critère aussi déterminant qu’un palmarès de compétition. Ce nouveau modèle économique brouille subtilement les frontières entre sport, influence et marketing. Un signe de plus que l’escalade, elle aussi, se voit contrainte de composer avec les réalités d’une époque où même l’authenticité peut devenir un argument commercial. Du marginal au mainstream : une démocratisation bienvenue Mais les réseaux sociaux ne sont pas qu’un miroir aux alouettes numériques. Ils offrent aussi une voix à ceux que les médias traditionnels n’auraient jamais écoutés. Kathy Karlo, grimpeuse et animatrice du podcast For the Love of Climbing , souligne justement le rôle positif des réseaux sociaux : « Ils ont donné à chaque personne, quel que soit son parcours, la possibilité de s’exprimer sur des sujets d’inclusivité et d’accès équitable à la grimpe. » Cette démocratisation est précieuse : elle permet à l’escalade d’échapper aux vieux clichés, pour offrir une vision plus inclusive, plus diverse, plus accessible. L’escalade s’ouvre donc au monde, au risque parfois d’y perdre une partie de son intimité première, mais avec l’opportunité d’y gagner en humanité et en richesse culturelle. Face à ce panorama complexe, il reste une question essentielle à laquelle il faudra répondre collectivement : comment concilier ces deux versants du numérique pour que l’escalade en sorte grandie, et non appauvrie ? Vers une éthique numérique de la verticalité ? Avant l’ère numérique, les médias traditionnels constituaient des « garde-barrières médiatiques », sélectionnant soigneusement les exploits dignes d’être racontés. Aujourd’hui, comme le note Matt Samet, « Instagram est devenu la source principale des news d’escalade, livrant des histoires sans filtre directement par les grimpeurs eux-mêmes, contournant ainsi les gardiens médiatiques traditionnels. » Cette évolution a bouleversé la manière dont nous racontons et consommons l'escalade. Face à ces nouvelles dynamiques, l’enjeu consiste à préserver l’équilibre entre visibilité nécessaire et intimité préservée, entre dopamine numérique et plaisir authentique. À nous, grimpeuses et grimpeurs, de réinventer une éthique de la verticalité numérique. Une éthique qui accepterait sans naïveté les contraintes d’une époque connectée, tout en préservant ce qui fait de l’escalade une expérience unique : une relation intime à soi-même, aux autres, et surtout à ce caillou éternellement silencieux, mais paradoxalement plus vivant que jamais.
- Outside s’éteint, et c’est toute une idée du dehors qui disparaît
Le déclin d’Outside Magazine, disséqué par Rachel Monroe dans une enquête pour le New Yorker, dépasse largement le simple naufrage éditorial. Derrière la débâcle d’un magazine culte, c’est une certaine idée du récit outdoor qui disparaît sous les coups des entrepreneurs hors sol, des NFTs ratés, et d’une quête absurde de « scalabilité ». L’occasion de rappeler aussi que ce qu’on lit, on le fait vivre, et que le futur du dehors s’écrit encore aujourd’hui dans les médias indépendants. La chute d’un média, quand elle se produit, est rarement spectaculaire. Quelques licenciements pudiquement appelés « réorganisations », une dernière fête de départ vaguement sinistre, et voilà une rédaction qui disparaît discrètement dans le flux d’informations. Pourtant, certaines agonies racontent beaucoup plus qu’elles n’en disent. Celle d’ Outside Magazine , racontée par Rachel Monroe dans un remarquable papier du New Yorker , est précisément de celles-là. Fondé en 1977 par Jann Wenner, également créateur de Rolling Stone , puis dirigé pendant près de quarante ans par Larry Burke, Outside était autre chose qu’un titre parmi d’autres. C’était un repère du journalisme littéraire outdoor, celui qui prenait le temps des détours, qui osait les récits longs, les enquêtes improbables et les histoires profondément humaines. Avec l’arrivée en 2021 de Robin Thurston, entrepreneur numérique adepte de « contenus scalables », l’histoire a pris une tournure absurde, entre promesses vides, management chaotique et une tentative ratée de « tokeniser l’aventure » à coups de NFTs. Mais derrière ce fiasco entrepreneurial, ce qui s’effondre lentement, c’est aussi toute une manière d’écrire et de penser le dehors, loin des logiques marketing, loin des métriques et des slogans creux. Une écriture dont la survie ne tient désormais qu’à un fil. Quand Outside incarnait l’opposé du « snack content » Dans les années fastes d’Outside Magazine, lorsque l’édition papier sentait encore l’encre et le grand reportage, le magazine cultivait volontairement une certaine lenteur . Il fallait bien ça pour laisser David Quammen s’interroger en longueur sur l’étrange existence des moustiques, ou Susan Orlean traîner dans les coulisses d’une corrida espagnole . La rédaction donnait carte blanche à Jon Krakauer pour livrer en 17 000 mots son récit tragique et magistral de l’Everest en 1996, publié sous le titre Into Thin Air . C’était audacieux, peut-être un peu fou, certainement moins rentable à court terme que des conseils « 5 façons d’optimiser votre sac à dos ». Mais justement : Outside n’avait que faire du court terme. Il était le magazine des récits sans filtre, où l’on osait dire l’inutile, le trivial, l’essentiel ou le douloureux avec le même talent littéraire. Un style assumé, à l’écart des injonctions commerciales. L’arrivée de Robin Thurston, ou l’irrésistible ascension du dehors numérique Cette époque révolue a trouvé son fossoyeur en la personne de Robin Thurston. Ancien CEO de MapMyFitness, cycliste semi-professionnel et surtout entrepreneur de génie lorsqu’il s’agit de séduire les fonds de capital-risque, Robin Thurston avait pour Outside une vision radicalement différente : en faire « l’Amazon Prime du lifestyle actif ». Rachel Monroe, dans son enquête, montre avec précision comment ce patron aussi énergique que déconnecté s’est progressivement coupé de l’âme même du magazine . Robin Thurston rêvait grand, très grand : un écosystème digital gigantesque, des podcasts à la pelle, des applications GPS, et surtout, cette fameuse idée du « Outerverse » , une tentative de vendre des NFTs d’expériences outdoor. Évidemment, la montagne virtuelle n’a jamais trouvé preneur : quelques centaines de NFTs vendus sur dix mille attendus, et un échec aussi prévisible que retentissant. Face au fiasco, Robin Thurston n’a pas résisté à un grand classique des dirigeants en difficulté : l’excuse du timing , incontournable argument tout droit sorti du manuel du CEO moderne. Ce n’était donc « pas le bon moment ». Bien sûr. On pourrait presque en sourire, tant la pirouette est caricaturale, si elle ne révélait pas quelque chose de plus profond : un storytelling outdoor vidé de son sens au profit d’une expérience lisse, aseptisée, sans météo, sans sueur, sans réel . Et désormais, apparemment, sans responsabilité. Médias indépendants : comment écrire et être lu sans se trahir ? La chute d’ Outside Magazine pourrait simplement prêter à sourire si elle ne venait pas rappeler douloureusement ce que vivent quotidiennement les médias indépendants. Au fond, le dilemme auquel Robin Thurston s’est confronté de manière caricaturale, tous les médias indépendants le connaissent : comment écrire ambitieux, fouillé, profond, sans disparaître aussitôt dans l’océan des contenus courts, viraux, instantanés ? Cette tension permanente entre exigence éditoriale et efficacité numérique est devenue un exercice délicat. Écrire bien demande du temps, de la réflexion, un luxe face aux algorithmes impitoyables des réseaux sociaux. Chez Vertige Media, on connaît parfaitement ce tiraillement : nous jonglons entre l’envie sincère de proposer des textes subtils, parfois complexes, et la nécessité de capter l’attention à coups de titres provocateurs ou de formats courts calibrés pour Instagram. Ce n’est jamais totalement confortable, mais c’est une réalité qu’on assume. Il serait toutefois injuste de juger trop sévèrement ces compromis. Après tout, une bonne accroche, même légèrement provocatrice, peut être une porte d’entrée vers un contenu riche. Le danger n’est pas dans l’accroche elle-même, mais dans le glissement vers une écriture entièrement calibrée pour l’algorithme . La responsabilité appartient aussi aux lectrices et lecteurs : à leur curiosité, leur patience, leur volonté de soutenir celles et ceux qui racontent encore autre chose que du prémâché. Car écrire et être lu sans se trahir relève d’une véritable co-responsabilité, où chacun doit accepter de jouer sa part, humblement mais sans hypocrisie. Ce qu’il reste à sauver : le dehors imparfait, le récit vivant Ce que le déclin d’Outside Magazine met aussi cruellement en évidence, c’est que l’écriture du dehors, celle que l’on aime lire et relire, est plus que jamais menacée par la standardisation digitale, par la start-upisation de l’outdoor, par la promesse de rendre tout « scalable », même l’aventure . Mais il reste encore des espaces où le récit peut respirer : ces médias indépendants, ces voix solitaires qui racontent les bivouacs ratés, les doutes et les moments ordinaires plutôt que les seules réussites photogéniques. Ils sont fragiles, parfois maladroits, jamais parfaits, mais toujours vivants. La responsabilité nous incombe désormais, lecteurs, grimpeurs, passionnés : ce qu’on lit, on le soutient. Et ce qu’on soutient, on le fait vivre. Il n’y aura jamais d’algorithme capable de saisir la peur sous un orage à 3 000 mètres, le frisson d’un sommet au petit matin, ou la beauté d’une phrase relue dix fois parce qu’elle touche juste. Il y aura seulement celles et ceux qui écrivent encore, et celles et ceux qui prennent le temps de lire. Ce contrat implicite est tout ce qui nous reste. Parce qu’à force de vouloir tout raconter en trois clics, on pourrait finir par oublier comment vivre ce qu’on prétend raconter.
- Para-escalade : la FFME ouvre officiellement la voie aux ouvreurs spécialisés
Si, dans le petit monde de l’escalade, les ouvreurs sont les héros invisibles de chaque compétition, en para-escalade, leur rôle devient plus pointu encore : ouvrir, c’est anticiper précisément les mouvements selon des critères techniques mais aussi physiologiques précis . Face à la multiplication rapide des compétitions para, il devenait donc urgent que la FFME formalise enfin les choses. Voilà qui est fait : la fédération lance officiellement sa première formation nationale spécialement dédiée aux ouvreurs de compétitions para-escalade, programmée du 2 au 4 septembre 2025 à la CIME, à Troyes, en collaboration avec le club Dévers Troyes. © Lena Drapella/IFSC Pourquoi une formation spécifique ? Ouvrir en para-escalade ne s’improvise pas : chaque handicap présente des spécificités que l’ouvreur doit connaître parfaitement, en tenant compte des classifications internationales. Jusqu’ici, malgré la bonne volonté évidente, l’ouverture en para-escalade relevait souvent d’une démarche intuitive, parfois approximative . La fédération souhaite désormais offrir une approche structurée et homogène pour mieux accompagner les clubs organisateurs sur tout le territoire. En clair, l’objectif est d’améliorer la qualité générale des compétitions, et de garantir une équité sportive réelle pour tous les athlètes . Un métier exigeant et technique Cette première formation nationale sera encadrée par Christophe Cazin et Yoris Delahaye , deux ouvreurs de référence au niveau international. Durant trois journées intensives, ils transmettront leur expérience en se concentrant sur l’aspect technique spécifique à l’ouverture en para-escalade : positionnement précis des prises, adaptation aux différentes capacités physiques des athlètes, maîtrise des contraintes liées aux divers handicaps, mais aussi réflexion sur le caractère engageant et stimulant des voies proposées. Une formation qui anticipe l’avenir Même si l’objectif premier reste territorial et national, difficile de ne pas voir plus loin. Alors que la para-escalade va intégrer officiellement le programme des Jeux Paralympiques de Los Angeles en 2028 , former dès aujourd’hui des ouvreurs spécialisés est une étape logique pour anticiper une éventuelle professionnalisation à plus large échelle . Sans afficher ouvertement cet horizon paralympique, la FFME place tout de même ses pions de manière pragmatique, préparant ainsi le terrain pour une reconnaissance internationale future de l’expertise française dans ce domaine précis. Maintenant que la voie est ouverte, reste à voir qui voudra s’y engager. Infos pratiques et inscription La formation est ouverte à 12 candidats répondant aux critères suivants : Être âgé de 18 ans minimum , Détenir une licence FFME en cours de validité , Être titulaire du Brevet Officiel d’Ouvreur niveau 1 , avec formation continue à jour. Les inscriptions se font ici et se clôturent le 11 juillet 2025 .
- Vertige Media fait sa première teuf !
Après une bonne année de grimpe sociale, culturelle et joyeuse, il est temps pour notre jeune média de célébrer ses premiers pas. Sauvez la date et accrochez-vous, la rédaction de Vertige Media part enfin en live. Une dégaine. C'est déjà ça... Voilà plus d'un an que Vertige Media grimpe à vos côtés en publiant toujours plus d'articles, de vidéos, de guides et quelques autres choses sur une discipline qui nous passionne et que nous avons voulu traiter à travers un prisme social, culturel, parfois même politique. Une année riche, bien pleine, aventureuse. Une année au sommet de laquelle nous avons voulu nous arrêter un peu, histoire d’admirer la vue. Le plaisir d’arriver en haut, c’est aussi ça : le luxe de pouvoir contempler les alentours, de respirer un bon coup, de laisser retomber les émotions et de jeter un œil en bas pour se rendre compte du chemin parcouru. En traçant notre croix, relâchons donc les bras et comptons sur nos doigts. Aujourd’hui, Vertige Media , c'est : Près de 1000 articles publiés Une cinquantaine de vidéos postées Une communauté de plus de 20 000 personnes qui nous suit sur nos canaux (réseaux sociaux, newsletters) Mais au-delà des chiffres, c'est aussi une vision de l'escalade qui s'est diffusée un peu partout. Un peu sans maîtrise aussi, tant nous avons souvent été surpris que nos réflexions dépassent les cercles dans lesquels nous pensions les projeter. Alors, il y a eu cette chronique sur France Inter bien sûr (quelle histoire) mais surtout vos retours - toujours sympas, parfois constructifs - sur nos interventions au salon de l'escalade , notre humour discutable sur Instagram, les dessins de Piet ou les jeux de mots qui excèdent certain·e·s d'entre vous (et qu'on se fait un plaisir de sales gosses à poursuivre). Que voulez-vous, c'est la faute de l'emprise (vous l'avez ?). Une chose est sûre, les sentiments que provoquent ces retours nous confortent dans notre mission : présenter la grimpe sous un jour nouveau et la traiter comme un fait social . Dit autrement : promouvoir la diversité de l'escalade et la peindre de toutes les couleurs. De quoi vous faire un joli dessin composé de reportages exclusifs, de témoignages uniques, de portraits hors-normes et, allez, d'enquêtes exclusives ! En un peu plus d'un an, il aurait été difficile d'imaginer que Vertige puisse grimper aussi haut. Pardonnez donc l'emphase, ou plutôt l’enthousiasme avec lequel on écrit ces lignes. C'est sans doute celui que vous ressentez quand vous passez un degré dans la voie que vous vous êtes choisie. Eh bien, cette énergie, très cher·e·s tout·es, il est temps de la partager. Et cette fois-ci, sans jeu de mots douteux ni envolées lyriques (quoi que). Cette énergie, on veut que vous la ressentiez dans la vie, la vraie. Un Vertige collectif Vous ne savez pas combien nous sommes heureux à l'idée de vous retrouver lors du premier événement officiel de la rédaction le 12 juin prochain, au TLM, à Paris . Alors c’est la première, c’est à Paris. Excusez le jacobinisme, mais c’est aussi là qu’a commencé notre histoire. Et il faut bien l’écrire en respectant la vérité. Pour accueillir celles et ceux qui voudront continuer l'histoire en train de se faire, on a donc choisi Le TLM . Une ancienne gare de marchandises réhabilitée en tiers-lieu, sur les rails de la petite ceinture parisienne. Encore une histoire de voie, ça nous allait bien. Dedans, c’est une grande salle d’échos qui nous attend. Un espace grandiose, un bar d'envergure et une petite scène d’où se propageront sans doute quelques mots doux. Dehors, on se croirait sur un chemin forestier, un air de campagne dont on voulait profiter pour orienter nos pensées à nos lecteur·ices, loin de la ville. Et puis à un moment donné, parmi tout, il s’agira de vous donner du Vertige en live. Du petit spectacle avec les ingrédients que l'on sait mettre : des histoires, de l’esprit, du décalage. L'histoire du 12 juin s'écrira en trois temps : 👉 Une présentation de Vertige Media avec son histoire, ses projets en cours, son équipe et les résultats de l'enquête de lectorat . 👉 Une conférence inédite avec des grimpeur·ses d'exception et une méga-surprise. 👉 Un apéro-géant où il s'agira de se rencontrer, de partager et de rire ensemble. Bref, un vertige collectif dans lequel nous sommes ravis de vous faire tomber. Alors, on danse ? ✨ Infos pratiques ✨ 🗓️ Jeudi 12 juin 2025 ⏰ 19h-23h 📍 Le TLM - 105 rue Curial, 75019 Paris 🚇 Métro 5 Corentin Cariou | Métro 2 Crimée | RER E Rosa Parks 🎟️ Inscription : formulaire disponible ici 👕 Stand de goodies Vertige Media disponible sur place
- Coupes du monde d’escalade : à bout de souffle ?
La semaine dernière, la première coupe du monde d’escalade de la saison s'achevait à Keqiao en Chine. Et avec elle, le premier test de nouvelles réglementations implantées par la fédération internationale, l’IFSC, pour la discipline du bloc laissant les spectateurs face à un constat mitigé. Décryptage. © Nakajima Kazushige / IFSC Il y a encore une dizaine d'années, l'escalade compétitive voyageait sur un long fleuve tranquille. Un enchaînement de coupes et championnats du monde dans un rythme cyclique, tranquille. Jusqu’à ce que la randonnée prenne des airs d’ultra-trail avec l’entrée de la discipline aux Jeux Olympiques. Entre exigences télévisuelles et besoin de capter l'attention des plus néophytes, l'escalade se cherche et chaque année apporte son lot de changements. Keqiao, késako ? À Keqiao, ils étaient au nombre de 3 : 👉 une augmentation du nombre de grimpeurs en finale passant de 6 à 8 👉 l'évolution du système de scoring 👉 et surtout, le changement de mode de passage des athlètes en finale, avec désormais deux grimpeurs en simultané sur les tapis. Un dernier changement avec un but assumé : réduire les temps morts et maximiser le temps d'action sur le mur pour le spectateur. À première vue, cette décision peut faire sens. Quiconque aura déjà vécu une finale avec très peu de tops le confessera : l'ennui s'immisce facilement. Or, dans un sport comme l'escalade où tout repose sur l'ouverture, la probabilité d'occurrence est élevée et plus les enjeux sont grands, moins l'aléatoire est toléré. Alors, on l'éradique. Quitte à dénaturer l'essence même du sport. À Keqiao, le système de ronde présentant deux athlètes simultanés en finale aura mis en lumière ses qualités autant que ses défauts . D’abord, gageons que l’objectif principal est atteint : il se passe quasiment toujours un truc à l’écran. Et dans des finales difficiles - notamment celle des femmes avec seulement 5 tops sur 32 possibles dont 4 sur le bloc 3 -ce nouveau format aura largement réduit l’impression d’un scénario qui piétine… Ensuite, posons que l'exécution est un peu ratée. Si doubler le temps d’action à l’image peut s’apprécier, la réalisation de l'événement a opté pour un plan large. Bien trop large pour suivre avec confort les deux athlètes sur les tapis. Cadrage approximatif, alternance de plan discutable, manque de niveau de détails… autant de sources de frustrations pour le téléspectateur incapable de suivre la totalité de la finale et parfois même empêché de pouvoir suivre son grimpeur préféré. Plan large pendant la finale féminine Pourtant, une solution peut facilement s’imposer : l’écran scindé . Une technologie éprouvée dans les réalisations de l’IFSC en compétition mais toujours avec une parcimonie assez mystérieuse. Nul doute que si ce système de grimpe en simultanée persiste, celui-ci devra devenir une obligation. Chargé à bloc Alors voilà, Keqiao a montré les défauts du système, quelques lacunes de réalisation à corriger pour enfin en arriver au format parfait ? Et bien pas tout à fait, car derrière ces balbutiements techniques finalement faciles à régler, se cache un autre constat : à vouloir éradiquer les temps morts, on sacrifie inévitablement le reste, à savoir, là où l’action est jugée la moins « intéressante ». Sauf que dans ce terme subjectif, on place irrémédiablement deux choses : les finalistes moins performants et les blocs les plus difficiles. Arriver en finale de coupe du monde, c’est pourtant quelque chose et chaque membre de ce plateau prestigieux devrait avoir le droit qu’on patiente pour lui. Combler sa présence par une autre, c’est avouer ouvertement que notre divertissement passe avant sa performance. Sans dire que ne pas suivre un grimpeur, c’est rater une partie de l'histoire, éclipser l’un des personnages principaux du récit et un grimpeur dans l’échec peut en dire bien plus sur l’état d’une finale qu’un flasheur fou. Pour s’en rendre compte, il suffit, par exemple, de regarder les réactions d’un Mejdi Schalck ou d’une Vita Lukan. Quant aux blocs « trop difficiles », grands sacrifiés de ce nouveau format à l’image du bloc 2 de la finale femme dont le temps d’antenne aura été largement moindre que ses homologues mieux réussis, n'est-ce pas ceux-là même qui donnent toute la saveur d'un top ? Et si cela ne faisait pas partie de la mythologie d’un sport qui a besoin de montrer des tentatives, des échecs, des épopées bravaches pour que les athlètes et celles et ceux qui les suivent puissent mieux exulter quand ils les franchissent ? Hachioji 2023, Mejdi Schalck, encore lui, entérine sa victoire avec un goût d'amertume, le dernier bloc lui résiste, comme à tous les autres finalistes avant lui. 25 minutes sans avancée notable dans la compétition, pourtant les grimpeurs, eux, ont progressé silencieusement. Championnats du monde de Berne , 5 mois plus tard, problème différent mais mouvement similaire. Depuis, Mejdi a travaillé et réussi le bloc, prenant une place de vice champion du monde. Un instant plus particulier pour ceux qui auront regardé jusqu'au bout cette finale d'Hachioji dont le goût d'inachevé s'était simplement reporté jusqu'ici. Disons-le franchement : le risque de s’habituer à l’absence de frustrations, c’est aussi risquer d’oublier à quel point une belle finale l’est vraiment. Le succès, c'est (se) tromper En escalade, la respiration est vitale, elle oxygène les muscles, et vous permet de continuer à grimper sans exploser. En télé, la supprimer, c’est donner la désagréable sensation d'une réalisation sous apnée. Et à trop vouloir éviter l’ennui, c’est tout un sport qu’on prive d’oxygène. Ces temps de repos, c’est l’essence d’une finale. Le public averti le sait, un grimpeur n'est jamais vraiment au repos. Il analyse, il lit, il observe, il gère son effort. Autant de gestes à décrypter pour le spectateur assis devant son écran. Lui non plus n’attend pas, il se remémore, il s’extasie sur le dernier mouvement qu’il vient de voir, il élabore les plus extraordinaires théories sur la suite de l’histoire, bref il vit sa propre finale. Retirer tous ces moments, c’est aussi retirer le plaisir de la réalisation, ce coup de tonnerre qui vient briser notre attente incertaine. Et les laisser se faire envahir par du contenu, c’est se fondre dans la mouvance actuelle, briser notre capacité d’attention, dire oui à l’accoutumance. C’est le risque d’oublier tout cela et celui de s'enfoncer dans cette philosophie autodestructrice du « toujours plus » quitte à ne plus rien ressentir. Une raison d’espérer cependant : par ses changements, l’IFSC montre que, pour elle, l'escalade n'est pas un sport immuable. La fédération cherche, itère, quitte à se rater et la récente annonce de la séparation des trois disciplines aux Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 affiche sa volonté de protéger l’identité de l’escalade coûte que coûte. Ces changements de règlements sont à prendre comme autant d'essais à transformer le bloc en format télégénique exaltant. Car ne soyons pas naïf : la discipline souffrirait moins d’une réalisation erratique que d’une exclusion de la plus prestigieuse des compétitions. Ces choix de réalisation agissent comme une bouée de sauvetage. Reste à assurer qu’elle n’empêche pas à l’escalade de respirer.
- Réenchanter l’incertitude : l’aventure comme antidote à une société du contrôle
Alors que l’époque s’évertue à contrôler l’incertitude jusqu’à la rendre suspecte, l’ouvrage collectif "L’aventure : réenchanter l’incertitude "(UGA Éditions, 2025), coordonné par Florence Roche, fait entendre une voix discordante. Grimpeurs, navigateurs, philosophes et sociologues se rassemblent pour défendre l’aventure non pas comme un simple loisir héroïque, mais comme une réponse philosophique et politique à l’obsession sécuritaire contemporaine. En cherchant sans cesse à neutraliser l’imprévu, nos sociétés ont oublié qu’habiter le monde, c’est précisément accepter d’y être vulnérable . Plutôt que de fuir cette vérité dérangeante, Florence Roche et ses contributeurs proposent d’en faire une force : réhabiliter l’aventure, c’est remettre l’incertitude au cœur de nos existences. Le GMHM : une rationalité du risque au service du collectif Dans l’imaginaire populaire, le Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM) incarne facilement l’archétype de l’héroïsme alpin : exploits vertigineux, conditions extrêmes, bravoure physique. Pourtant, lorsqu’on écoute réellement ces personnes, lorsqu’on pénètre dans leur méthodologie intime, le cliché se dissipe rapidement. Leur aventure n’est pas une recherche gratuite de sensations fortes, ni une quête narcissique de sommets prestigieux. Elle se fonde au contraire sur une rationalité minutieuse, presque scientifique, du risque. Chaque décision est pesée, analysée, discutée en collectif. La formule emblématique « La mort fait partie des options » n’est ni une provocation ni une figure de style. C’est une acceptation profonde et sobre de la vulnérabilité humaine, condition sine qua non d’un engagement lucide dans l’incertitude radicale que constitue la haute montagne. Cette éthique du réel brut renvoie directement à une conception humble de l’aventure : elle n’est pas héroïque parce qu’elle défie le danger, mais précisément parce qu’elle l’anticipe et le domestique par le biais d’un savoir collectif et d’une vigilance constante. L’héroïsme du GMHM, c’est l’anti-spectaculaire, l’anti-performance médiatique : c’est le courage discret de décider ensemble, dans l’ombre, sans gloire immédiate, en tenant compte des failles humaines et matérielles. Ainsi, leur aventure devient un puissant révélateur de ce que pourrait être une société adulte face au risque : ni une négation naïve du danger, ni une dramatisation anxieuse, mais une intégration rationnelle et solidaire de l’imprévisible. Anne Quéméré : l’océan, expérience de l’extrême solitude À l’autre extrême de l’aventure collective et méthodique du GMHM se trouve Anne Quéméré. Son aventure solitaire en haute mer est l’expression radicale d’un autre rapport à l’incertitude : celui d’une solitude absolue face à l’immensité. Quand son téléphone satellite cesse brusquement de fonctionner en plein Pacifique, la privant de tout lien extérieur pendant 68 jours, elle expérimente une forme extrême de dépouillement existentiel. Là encore, nul romantisme de la solitude héroïque. Juste un face-à-face sans concession avec soi-même, avec ses doutes, avec la peur et avec l’inconnu. Son témoignage, extrêmement précis et sans emphase, est particulièrement dérangeant pour une époque obsédée par le maintien permanent du contact et du contrôle. « On enlève une panoplie dans laquelle on est un peu à l’étroit », dit-elle simplement, révélant ainsi que l’incertitude absolue a ceci de libérateur qu’elle nous dépouille des artifices et des protections dont nous avons tendance à nous encombrer. Anne Quéméré nous montre que l’aventure solitaire est aussi une épreuve philosophique : elle contraint à vivre le présent dans son immédiateté absolue, sans fuite possible dans le virtuel, sans échappatoire technologique, imposant une confrontation nue avec le réel et soi-même. Crise du héros moderne : pour une redéfinition de la bravoure Mais au-delà des témoignages concrets, l’ouvrage de Florence Roche livre une critique féroce et salutaire de la dérive spectaculaire du héros contemporain. Dans une société où chaque exploit doit être immédiatement partagé, liké, célébré, le sens véritable de l’aventure risque constamment d’être détourné. Face aux figures héroïques fabriquées par les marques et les médias, figures aseptisées et surpuissantes issues de Marvel ou Red Bull, l’ouvrage propose une vision radicalement différente de la bravoure. Celle-ci n’est plus performance spectaculaire, mais éthique intime du risque quotidien, bravoure modeste du doute et de la vulnérabilité assumée. Jankélévitch, cité dans l’ouvrage, rappelle avec acuité : « Pour qu’il y ait aventure, il faut être mortel ». Ce rappel essentiel ramène l’héroïsme à sa dimension authentiquement humaine : l’aventure véritable ne se mesure pas à l’exploit, mais à l’intensité existentielle, au courage discret d’habiter lucidement un monde complexe et incertain, sans chercher constamment à le dominer ou à en effacer les aspérités. C’est une critique subtile mais radicale du culte contemporain de l’hyper-performance, une invitation à renouer avec un héroïsme du quotidien fait d’incertitude acceptée et d’humilité devant la fragilité humaine. L’aventure comme ressource organisationnelle et politique Enfin, l’ouvrage porte un message plus politique encore : l’aventure et son rapport lucide à l’incertitude constituent une ressource précieuse pour les organisations modernes. Alors que l’imprévisible paralyse aujourd’hui les entreprises, administrations et institutions au moindre grain de sable, il y aurait beaucoup à apprendre de ces aventuriers du quotidien. En s’inspirant du mode de décision collectif des alpinistes ou de la résilience solitaire des navigateurs, les organisations pourraient réhabiliter une véritable éthique de l’incertitude. Celle-ci consisterait notamment à accepter l’échec comme possibilité permanente, à valoriser l’expérience vécue plus que les plans théoriques, à construire des systèmes collectifs fondés sur la confiance authentique et non sur des contrôles toujours plus sophistiqués. L’ouvrage devient alors presque un manifeste philosophique pour un renouveau organisationnel : il propose de transformer notre rapport à l’incertitude, non pas en la niant ou en la fuyant, mais en l’intégrant comme une ressource essentielle, voire comme un levier de créativité et de renouvellement politique et social. Ainsi réhabilitée, l’aventure pourrait redevenir non seulement une école existentielle, mais aussi un modèle fécond pour penser autrement nos sociétés saturées de contrôle et pourtant si fragiles face à l’imprévisible. Une révolution douce mais urgente, dont l’enjeu n’est rien moins que la réinvention de notre rapport au monde. Disponible en librairie et en ligne, pour le commander sur le site de la FNAC suivez ce lien .
- Everest express : le gaz xénon, nouveau raccourci vers le toit du monde ou impasse toxique ?
Fini les semaines interminables passées à monter, redescendre, remonter, grelotter dans sa tente et apprivoiser lentement le manque d’oxygène. Oubliez l’image romantique d’un alpinisme lent et humble, acceptant la loi naturelle des altitudes hostiles. Aujourd’hui, certains guides et leurs clients fortunés rêvent d’ascensions « express », raccourcies à l’extrême par un allié inattendu : le gaz xénon . Prochain exemple en date ? Al Carns, ministre britannique et ancien militaire des forces spéciales, accompagné de trois anciens camarades du même pedigree. Leur projet : gravir l’Everest en à peine quatre jours sur place . Arrivée prévue un lundi, sommet le jeudi, et retour à Londres dès dimanche pour le thé. Ambitieux ? Non. Déraisonnable ? Probablement. Xenon : ce gaz qui défie la montagne (et la science) Mais d’abord, c’est quoi exactement ce fameux gaz xénon ? Élément chimique classé parmi les « gaz nobles », inerte et sans odeur, il a fait carrière en médecine depuis les années 1950 comme anesthésique efficace mais très coûteux, utilisé seulement dans une poignée d’hôpitaux. Plus récemment, il s’est illustré comme dopant « indétectable » en Russie , activant artificiellement l’érythropoïétine (EPO), cette molécule magique qui pousse le corps à produire des globules rouges, indispensables au transport d’oxygène en altitude. Ce qui nous amène à l’idée lumineuse (et lucrative) d’appliquer ce principe à l’alpinisme : une inhalation préalable de xénon boosterait l’EPO, permettant aux grimpeurs d’arriver presque immédiatement acclimatés à haute altitude . Problème : aucune étude sérieuse ne valide vraiment l’efficacité du procédé sur le terrain, et les rares publications disponibles parlent d’un effet éphémère , quelques heures tout au plus. Pas suffisant pour tenir les longues journées d’effort au-delà de 8 000 mètres. En prime, ce « shoot » de gaz anesthésique, même à faible dose, induit souvent une certaine somnolence, potentiellement dangereuse en plein effort extrême . Pourtant, l’organisateur de l’expédition, Lukas Furtenbach, qui a déjà expérimenté la méthode sur l’Aconcagua , assure que ce risque est maîtrisé. Les fédérations d’alpinisme, elles, sont nettement moins enthousiastes, l’UIAA (Union Internationale des Associations d’Alpinisme) qualifiant carrément cette pratique de « dangereuse et non recommandée ». Petite histoire des méthodes pour tromper l’altitude L’envie de raccourcir l’épreuve de l’altitude ne date pas d’hier. Depuis que l’Himalaya s’est ouvert au tourisme montagnard, les guides rivalisent d’ingéniosité pour accélérer l’acclimatation et réduire les risques. Parmi les méthodes éprouvées : L’acclimatation progressive classique : la méthode traditionnelle, lente et laborieuse mais sûre. Des semaines d’aller-retour, « monter haut, dormir bas », pour habituer le corps. Efficace mais contraignante. La tente hypoxique : une pré-acclimatation artificielle, qui reproduit chez soi les effets de l’altitude grâce à un air raréfié en oxygène. On gagne du temps sur place, mais on dort mal à la maison. L’hypoxie intermittente : des sessions régulières et courtes d’exposition à un air pauvre en oxygène pour habituer progressivement l’organisme, souvent couplées à l’exercice physique. Efficace, mais exige discipline et logistique. L’oxygène en bouteille : la méthode reine, répandue sur l’Everest depuis les premières ascensions. Fiable, éprouvée, mais logistique lourde et dépendance risquée. Face à ces approches, le xénon apparaît aujourd’hui comme un outsider séduisant sur le papier, mais très fragile face aux réalités scientifiques et éthiques. Le gaz xénon : zone grise éthique et réglementaire La montée en puissance du gaz xénon pose aussi des questions éthiques essentielles : l’alpinisme, même non compétitif, doit-il tolérer une substance officiellement classée comme dopante par l’Agence mondiale antidopage (AMA) depuis 2014 ? La communauté montagnarde, divisée sur l’usage même de l’oxygène, se fracture encore plus face au xénon : D’un côté, les puristes dénoncent un « alpinisme assisté », voire une triche pure et simple, contraire aux valeurs d’autonomie, d’effort et d’humilité devant la montagne. Pour eux, le gaz xénon représente un pas de plus vers la marchandisation outrancière des sommets. De l’autre, les pragmatiques , comme Lukas Furtenbach, insistent sur la sécurité : « Plus vite on monte et on descend, moins on s’expose aux dangers objectifs », affirme-t-il. Argument valable, sauf que rien ne prouve que le xénon augmente réellement cette sécurité. Quant aux autorités, l’UIAA est catégorique : elle déconseille formellement l’usage hors d’un cadre médical strictement contrôlé . Pourtant, aucune réglementation officielle n’existe pour interdire le xénon en montagne – terrain de jeu encore largement dérégulé, livré aux seules consciences individuelles. Le business de la haute altitude : jusqu’où ira-t-on ? Derrière cette controverse pointe l’ombre grandissante de l’alpinisme commercial extrême. À 155 000 dollars le billet pour cette ascension express à coup de gaz rare, il s’agit clairement d’un produit d’exception réservé à une élite fortunée, prête à s’offrir l’Everest en fast-food de luxe. Al Carns ne s’en cache d’ailleurs pas : l’aventure express, spectaculaire et médiatique, vise à récolter plus d’un million de dollars pour diverses œuvres caritatives. Louable intention certes, mais qui interroge sur la frontière éthique du tourisme extrême : peut-on encore parler d’alpinisme quand l’effort physique et mental est court-circuité à ce point par une inhalation magique ? La montagne aura toujours le dernier mot Face à la promesse séduisante mais bancale du gaz xénon, la prudence reste de mise. Aucun raccourci technologique ne peut véritablement remplacer les adaptations naturelles du corps à l’altitude extrême. Les vétérans de l’Everest le rappellent : au-delà de 8 000 mètres, la nature a toujours le dernier mot. Et l’altitude, impitoyable, ne pardonne aucun excès de confiance. En choisissant ce chemin rapide mais incertain, les futurs clients des ascensions au xénon doivent savoir qu’ils prennent le risque de devenir les cobayes d’une expérimentation grandeur nature , menée dans une zone impitoyable. Le sommet de l’Everest s’atteindra toujours à pied, mais peut-être pas à coups d’inhalations miracles. Aux apprentis sorciers de la montagne, une question reste ouverte : si l’éthique s’évapore, que reste-t-il encore de l’alpinisme ?
- Mathis Dumas : quand la montagne accouche d'une story
Depuis qu’on l’a vu emmener le YouTubeur Inoxtag sur le toit du monde, Mathis Dumas est devenu le guide de haute montagne le plus connu de France. Pourtant, l’ascension au sommet du jeune Ardéchois a été progressive et méticuleusement préparée. Portrait d’un gars sûr. © Mathis Dumas C’est qu’il se cognerait presque la tête en rentrant. Quand il débarque, Mathis Dumas doit presque se plier en deux pour pénétrer dans ce sous-sol exigu du 5ème arrondissement. L’ironie est savoureuse : lui, l e guide de haute-montagne qui gravit l’Everest se retrouve coincé dans une cave. Pas vraiment son milieu naturel mais que voulez-vous, ici, c’est Paris. Et les interviews s’organisent dans des espaces aussi grands qu’une cabine de téléphérique. Ce soir, Mathis a quitté la Haute-Savoie pour se rendre à une soirée en l’honneur de Zag, son sponsor, une marque de ski dont les planches multicolores tapissent le mur de la boutique éphémère. Casquette vissée sur la tête, le trentenaire est aussi là pour serrer quelques paluches et peut-être même signer des autographes. « Jamais je n’aurais pensé qu’un film sur la montagne puisse toucher autant de gens. Maintenant, c’est gravé pour l’éternité et je pense sincèrement que dans 20 ans, on en parlera encore » Depuis qu’il a guidé Inoxtag au sommet de l’Himalaya, Mathis Dumas a tout simplement changé de dimension. Second rôle de Kaizen , le documentaire sur la montagne aux 43 millions de vues sur YouTube, il est devenu le guide de haute-montagne le plus médiatisé du pays. Profitant de l’incroyable buzz, il survole alors les plateaux et les émissions de podcast pour répéter à l’envi son parcours ainsi que les coulisses du film. Désormais, Mathis Dumas possède le statut d’un véritable influenceur qui dépasse largement le cercle des amateurs d'alpinisme. 700 000 abonnés sur Instagram , 200 000 autres sur une chaîne YouTube qu’il a créée il y a seulement six mois. À se demander si la casquette, c’est pour le style ou la tranquillité dans les rues de la capitale. « En vrai, je le vis bien , pose la nouvelle vedette. Quand les gens m’arrêtent dans la rue, c’est toujours pour me féliciter donc c’est super agréable. » Selon lui, en plus d’avoir fait un carton, Kaizen a vraiment conquis le grand public. « Étant donné la portée du travail d’” Inox ”, je savais que le truc pouvait marcher , continue-t-il. Mais jamais je n’aurais pensé qu’un film sur la montagne puisse toucher autant de gens. Maintenant, c’est gravé pour l’éternité et je pense sincèrement que dans 20 ans, on en parlera encore. » Zen restons zen Mathis Dumas assure que Kaizen a même ravi la caution des professionnels de la montagne. Des esprits pourtant très sceptiques à l’annonce du projet par Inoxtag sur sa chaîne Youtube, le 6 avril 2024 . « Je m’en souviens, c’était fou , rembobine le guide. Ça a d’abord fait les titres de la presse spécialisée puis ensuite tout le monde en a parlé. » Pour les guides, les amateurs de montagne ou les commentateurs du milieu de l’alpinisme, le projet d'Inoxtag traduisait ce qu’ils appellent « une surenchère de la montagne » . Pour eux, qu’un Youtubeur aussi influent fasse l’Everest participe forcément à la kermesse que sont devenues les expéditions sur le toit du monde. Mathis Dumas l’admet, il était un des premiers à critiquer l’initiative de son futur pote. « Je ne le connaissais pas, je ne connaissais d’ailleurs aucun YouTubeur à l’époque. Donc j’étais aussi extrêmement sceptique. » Quand on lui propose de participer au film, le guide réfléchira longtemps, de peur de se retrouver dans un véritable bourbier. « Le déclic, c’est quand je me suis dit que si je ne le faisais pas, quelqu’un d’autre allait le faire à ma place , explique-t-il. Et comme Inox me garantissait une grande liberté pour le guider mais aussi pour placer mon regard sur le film, je me suis dit que j’avais là une grande chance de faire valoir ma vision de la montagne . » « Personne n’y croyait. Inès, il a ses codes de mec qui vient des jeux vidéo, son accent de banlieusard, son enthousiasme… rien qui aille avec le milieu très discret des guides de haute montagne » Cette vision, il l’a chevillée au corps depuis qu’il a décidé d’être guide. Pour lui, la montagne en général et l'alpinisme en particulier souffrent de la course aux sommets emblématiques. Alors, « il faut montrer qu’il y autre chose que le Mont-Blanc et l’Everest ». Pour ce faire, Mathis Dumas va pousser son ami à se préparer et à se filmer sur des pics différents de celui de 8849 mètres. Et c’est précisément ce choix qui finira par convaincre les montagnards, les vrais. En vérité, la réception de Kaizen a selon lui, connu trois phases. La première concerne l’annonce du projet, très critiquée. La deuxième survient au moment où Inoxtag met en ligne la vidéo de son ascension du Mont-Blanc, à l’été 2023 ( celle où Mathis Dumas apparaît pour la première fois, ndlr ). Selon ce dernier, « c’est cette vidéo qui a rassuré beaucoup de gens ». Et la troisième fait référence à la sortie du documentaire « qui a été plutôt bien reçu ». Aujourd’hui, certaines critiques persistent, comme celle de l’alpiniste et photographe Pascal Tournaire dans L'Équipe qui trouve le rendu final « très égocentré » et compare l’ascension sous oxygène de l’Everest à « un tour de France en vélo électrique » . « Pascal, je le connais très bien, il habite à 500m de chez moi , répond Mathis Dumas. Je comprends sa critique, on en a beaucoup parlé. Après, elle visait surtout ce que l’Everest est devenu. Nous, on a jamais revendiqué une quelconque performance ». Jeux vidéos, esprit de cordée et Kaizen 2 Mathis Dumas traverse l’après-Kaizen comme le franchissement d’une arête : le pied sûr, les sens en alerte. « À un moment donné, il a fallu arrêter la promo , lâche-t-il. Notre objectif avait été atteint et on sentait que nos interlocuteurs voulaient nous mettre à la faute. » Alors, le guide bascule dans une autre vie, gonflé par la notoriété et les nouveaux projets. Du film, il restera son amitié avec Inoxtag, de son vrai nom Inès Benazzouz , qui crève l’écran, 2h durant. « J’appelle ça l’esprit de cordée », résume Mathis Dumas. Soit un lien unique qui se forge entre deux alpinistes reliés par une même corde. Une complicité que les deux partenaires ne se sont pas gênés d’éprouver à nouveau. Le 11 avril dernier, Inès et Mathis sont repartis en montagne dans les Alpes pour gravir l’Aiguille Verte . Un sommet emblématique du massif du Mont-Blanc. « Rien à voir avec la surenchère de la montagne donc , glisse Mathis Dumas. Ce sera moins ronflant que l’Everest, mais plus technique. » La morning routine de Mathis © Zag L’expédition débouchera sur une sorte de Kaizen 2 . « Le K2 quoi », plaisante Mathis Dumas. Le genre de projet qui est complètement aligné avec sa vision de la montagne. Et qui va permettre au guide de dévoiler le vrai niveau de son « frérot ». « Il faut savoir qu’Inès est très chaud , confie-t-il. C’est un mec déterminé, rigoureux mais aussi extrêmement doué. Il percute super vite. En trois séances d’escalade, il faisait du 6a en tête. Il lui suffisait d’une seule explication pour réaliser des manip’ de cordes compliquées et de quelques indices pour qu’il sache expliquer parfaitement ce qu’est un sérac ou une rimaye sur un plateau télé. » C’est peut-être ce que Mathis Dumas aime le plus dans ce genre de projets : emmener avec lui une personne a priori étrangère à l’alpinisme et en faire un amoureux de la montagne. « Au départ, personne n’y croyait. Inès, il a ses codes de mec qui vient des jeux vidéo, son accent de banlieusard, son enthousiasme… rien qui aille avec le milieu très discret des guides de haute montagne . C ’est aussi pour ça que Kaizen a été critiqué. Parce que ce monde de la montagne est encore très fermé vis-à-vis de personnalités comme celle d’Inès. Alors que moi, ça m’attire. » Avant d’ajouter : « Bon, ça vient peut-être aussi de mon propre parcours ». La mort aux trousses Mathis Dumas a grandi en Ardèche, à 3h de route des Alpes. Au départ, rien ne prédestinait le jeune garçon à cheminer sur les sentiers. Élève médiocre, il commence à décrocher lentement mais sûrement du milieu scolaire quand son père décide de faire une intervention. « Il m’a sérieusement demandé de réfléchir à ce que j’aimais faire parce que pour lui, j’allais tout droit au carton », glisse le trentenaire aujourd’hui. Alors le paternel ne lâche pas son fils qui lui, cherche le « concret » qu’il ne trouve pas dans ses cours de collège. Après d'innombrables recherches pour trouver un établissement qui va bien, la famille porte son choix sur le lycée des métiers de la montagne à Saint-Michel de Maurienne, en Savoie. Là-bas, Mathis part passer un bac pro en maintenance industrielle dédiée aux remontées mécaniques. Un pari. « J’adorais le ski, donc la montagne ça m’allait bien. Et la maintenance mécanique pour moi, c’était très concret », explique-t-il. Sauf que le jeune Mathis part tout seul. « Et franchement le milieu n'est pas facile. Ça parle pas trop, c’est un peu fermé » continue-t-il. Même difficulté deux ans plus tard lorsque l’étudiant va s’installer dans la vallée voisine, à Chamonix, pour poursuivre un BTS. « C’est toujours un univers super particulier. Tout le monde se connaît dans les vallées. Les mecs ont fait du ski ensemble toute leur enfance. Tu ne déboules pas comme ça. Je me rappelle des premiers stages que j’ai fait à l’Aiguille du Midi, les types disaient : “Dumas ? Attends, c’est le fils à qui ? » Aujourd’hui, il en est convaincu, ce parcours en solitaire a construit en grande partie sa carrière professionnelle. « Il a fallu se montrer deux fois plus rigoureux, deux fois plus exemplaire, explique-t-il. Dans le travail, mais aussi dans la vie, en société. Quand tu n'es pas d'ici, tu sens que t’es attendu. Donc je n’avais pas le droit à l’erreur. Il fallait être parfait. » À ce jour, après plus de 15 ans de présence dans la vallée, Mathis Dumas ne se sent toujours pas chez lui. « À Chamonix, les gens sont généralement de passage. Les trois quarts sont des étrangers ultra-riches. Tout est hors de prix. Il faut savoir que les loyers et les chalets sont plus chers au mètre carré qu’à Paris. » À 18 ans, le jeune adolescent galère pour se payer du matos, un forfait, à manger… Mais d’une, le métier commence à rentrer et deux, il sait qu’il a fait le bon choix : la montagne est définitivement son environnement naturel. Alors Mathis Dumas enchaîne les courses, s’amourache de l'escalade sur glace ( qu’il pratiquera à haut-niveau en catégorie jeune, ndlr ) et caresse l’ambition de devenir guide de haute-montagne. « La montagne, c’est toujours un univers super particulier. Tout le monde se connaît dans les vallées. Les mecs ont fait du ski ensemble toute leur enfance. Tu ne déboules pas comme ça. Je me rappelle des premiers stages que j’ai fait à l’Aiguille du Midi, les types disaient : “Dumas ? Attends, c’est le fils à qui ? » La préparation à l’examen probatoire du diplôme d'État de guide de haute montagne exige ce qu’on appelle « une liste de courses ». Dit autrement, une série de sommets que le candidat doit prouver avoir atteint. À 19 ans, Mathis Dumas est fin prêt. « À cet âge-là, on se sent invincibles, poursuit-il. Et un jour, avec un pote qui passait aussi l’examen, on décide de faire une course ensemble. Au taquet. Arrivés près du sommet, sur une arête débonnaire, je décide de le prendre en photo. Et il a glissé. » Ce dernier chute d’une centaine de mètres. Mathis pense alors qu’il vient d’assister à la mort. Quelques heures plus tard, les secouristes repèrent et récupèrent le corps de son ami qui s’en sortira miraculeusement indemne. « Sauf que moi j’ai vrillé , lâche Dumas. J’y pensais toutes les nuits. J’avais beau savoir que beaucoup d’alpinistes disparaissaient dans leurs ascensions, c’était la première fois que je voyais de mes yeux que la montagne pouvait te tuer. » L’épisode marque un tournant. Si Mathis passe bien son diplôme de guide, il goûte moins à l’engagement et à la prise de risque. Le jeune guide se déporte vers une activité, plus safe mais qui changera définitivement sa carrière : la photo. Suivez le guide Difficile de présenter Mathis Dumas en 2025. Guide de haute montagne ? Photographe extrême ? Réalisateur de films ? Influenceur ? Sans doute un peu tout ça à la fois. Désormais bien installé dans la vallée de Chamonix et en couple avec la quadruple championne du monde de snowboard, Marion Haerty , le jeune homme de 32 ans doit encore parfaire son équilibre . « Bon après, c’est assez simple hein , tempère-t-il sur son tabouret haut. Quand il fait beau, je suis dehors. Et quand il fait un temps pourri, je suis devant l’ordi. » Depuis Kaizen , Mathis Dumas avoue qu’il a du mal à gérer les sollicitations. Il y a les clients qui le veulent comme guide, mais aussi des sponsors, des projets, des collab’... Pour l’instant, l’homme multidimensionnel se concentre surtout sur ses forces : son côté créatif qui embrasse très bien ses facultés de guide. « Après l’accident, je me suis dit que la photo ferait une bonne plus-value à mon activité , souligne-t-il. J’avais abandonné mes ambitions d'alpiniste. Les clients aimaient bien ça et visuellement ça fonctionne très bien. » Mathis se sert alors de son activité de photographe comme d’une vitrine à celle de guide. Il est d’ailleurs le premier à le faire dans la vallée. Et forcément, casser les codes ça fait parfois grincer des dents… « C’est clair que je ne me suis pas fait que des amis au début , confirme-t-il. Culturellement, le milieu des guides de haute montagne est très réservé, très humble . Donner à voir en images, qui plus sur Instagram, leur jardin secret, ils ont pas kiffé. Et puis je me souviens que pendant mes études, un prof m’avait engueulé parce que je vendrais des journées plus chères que lui. » À l’époque, le milieu ne sait même pas vraiment ce dont il s’agit. « Pour la petite histoire, rembobine Mathis, quand on passait devant le bureau des guides pour emmener des clients en montagne, les mecs pensaient qu’on était juste des guides touristiques. Et puis un jour, il y eu un accident et ils ont capté. Là, ils se sont dit : "Mais attendez, vous emmenez vraiment des gens en montagne en fait?!” ». Peu à peu, la médiatisation de la montagne sur les réseaux devient de plus en plus acceptée. Mathis Dumas a sans doute été un des pionniers mais aujourd’hui toute une génération de pro dépoussière l’image du guide de haute montagne qui serait forcément vieux et barbu . Les Benjamin Védrines , ou Charles Dubouloz médiatisent aussi beaucoup leur profession sur les réseaux sociaux. Mathis Dumas poursuit : « Le syndicat national des guides de montagne m’a même invité à donner une conférence consacrée aux réseaux sociaux et à l’influence. C’est bien la preuve que les choses bougent ». Quoi qu’il en soit, le guide-influenceur en profite et compte bien mettre à profit la palette de ses compétences pour montrer tout ce que l’évasion en montagne peut générer en termes de sensation. « Avec le nouveau matériel de plus en plus léger, tu peux combiner le vélo, le parapente, l’escalade, l’alpinisme… les aventures sont infinies , renchérit-t-il. Même chose avec le matos de prod, je me suis mis au drone. C’est incroyable. » En guise de première production sur sa chaîne YouTube, Mathis Dumas a posté Out of Frame . L’histoire derrière la capture d’une photo de montagne spéciale, et toute l’organisation que cela suscite. Le film a déjà dépassé le million de vues. « C’est le propre de ce que je veux raconter , explique-t-il. Les coulisses de mon métier dans des endroits qui sont les plus beaux du monde. » La nouvelle star des guides tient d'ailleurs à le souligner : il ne s’est jamais mis en avant dans son travail, la montagne passe avant tout. « D’ailleurs, je devais même pas me retrouver dans Kaizen à la base ! », sourit-il. Et puis soudain du haut d’un sommet, c’est 43 millions de personnes qui vous contemplent. Tous propos recueillis par Matthieu Amaré, sauf mentions.
- À Keqiao, une victoire en trompe-l’œil pour Annie Sanders
La Coupe du monde féminine de bloc 2025 s’est ouverte à Keqiao avec le succès incontestable d’Annie Sanders. Pourtant, cette victoire en apparence limpide laisse flotter une drôle d’impression : l’Américaine l’a emporté, certes, mais sans avoir à croiser le fer avec ses principales adversaires. Oriane Bertone, quant à elle, n’a pas su saisir l’occasion en or qui se présentait. Décryptage d’un week-end chinois où les absentes ont toujours raison et où les grandes attentes françaises restent en suspens. © IFSC Annie Sanders, reine en solitaire Victoire nette, sans bavure, mais victoire solitaire. À seulement 17 ans, Annie Sanders signe à Keqiao un doublé après Séoul en fin d’année dernière. Sa grimpe, millimétrée, efficace, n’a laissé aucun doute quant à son talent précoce. Pourtant, difficile d’ignorer que ce triomphe prend place dans un décor étrangement vide . Privée de confrontation directe avec Janja Garnbret et Natalia Grossman, les deux figures tutélaires du circuit, Sanders a triomphé sans adversité directe. Depuis Hachioji 2018, jamais une étape mondiale n’avait vu l’absence simultanée de ces deux géantes. L’Américaine se retrouve donc reine d’un jour mais devra vite prouver qu’elle sait aussi régner quand toutes les prétendantes au trône seront présentes. Oriane Bertone : une occasion ratée de décrocher l'or ? Après la désillusion olympique à Paris 2024 , elle avait signé un retour flamboyant en décrochant le titre national à Anse . Keqiao s’annonçait donc comme la suite logique d’une renaissance sportive annoncée. Cette deuxième place chinoise n’a rien de honteux : Bertone connaît bien l’argent, habituée à cette médaille depuis Meiringen et Salt Lake City 2021, puis Séoul et Salt Lake City 2023, avant de décrocher enfin l’or à Prague la même année. Mais ce podium-là laisse tout de même un arrière-goût amer : sans Garnbret ni Grossman, la voie semblait dégagée. Elle avait tout pour elle sauf, peut-être, la tranquillité d’esprit. © IFSC Car à seulement 20 ans, Oriane Bertone doit composer avec une pression immense, celle d’un public français avide de voir enfin l’étoile montante devenir étoile tout court. Sa place dans l’élite mondiale n’est plus à prouver, mais le dernier cap psychologique reste encore à franchir. Pour Oriane, il s’agirait désormais d’éviter que les attentes se transforment en un poids trop lourd à porter. La France entière espère que la Réunionnaise finira bientôt par prendre définitivement la couronne qu’elle mérite. Les absentes : maîtresses du jeu sans même grimper Dans cette étrange partie d’échecs verticale, Janja Garnbret semble avoir trouvé la meilleure parade : ne pas jouer. Cette saison, la Slovène a choisi avec soin ses batailles, limitant drastiquement ses apparitions à Innsbruck, Koper et surtout aux Mondiaux de Séoul. Une stratégie où l’absence se fait présence, où ne pas grimper devient une manière subtile d’imposer sa supériorité, refusant aux autres le privilège de l’affronter. Janja démontre ainsi que dominer un sport, c’est aussi savoir quand ne pas y participer. Format à huit : une finale en suspens (et pas que sur les prises) Cette étape chinoise testait une petite révolution : huit finalistes au lieu de six habituellement. L’idée pouvait séduire, mais la pratique divise fortement. « Chaque erreur devient fatale, le stress est palpable même à travers l’écran » , lâchait un internaute lors du live YouTube. Un autre répliquait aussitôt : « Découvrir de nouvelles têtes, pourquoi pas, mais ça disperse un peu trop l’attention. » Le format devra donc être affiné avant d’être adopté durablement, mais l’expérimentation montre déjà la volonté d’un sport de se renouveler, quitte à parfois brouiller les repères des spectateurs… et des athlètes. © IFSC Diffusion restreinte : un blocage malvenu Autre (gros) caillou dans la chaussure de l’IFSC : la diffusion européenne limitée à Discovery+ et Eurosport . Les fans nord-américains profitent gratuitement de YouTube, alors qu’en Europe, les amateurs d'escalade doivent payer pour suivre les compétitions. Cette stratégie commerciale agace profondément au moment précis où l’escalade, encore toute fraîchement olympique, devrait au contraire s’ouvrir davantage au grand public. Si l’escalade veut vraiment prendre son envol populaire, il faudrait peut-être arrêter de couper le cordon avec les spectateurs potentiels. Wujiang : changement de décor, mêmes doutes La prochaine étape se jouera la semaine prochaine à Wujiang sur un autre terrain, celui de la difficulté et de la vitesse. Annie Sanders comme Oriane Bertone devront montrer leur polyvalence pour rester dans la course au général. Mais avec l’absence persistante de Janja Garnbret et Natalia Grossman, l’incertitude planera toujours sur une saison devenue fragmentée. Difficile dès lors d’y voir clair, comme si le calendrier sportif devenait lui-même un bloc à déchiffrer. © IFSC Ce que Keqiao raconte vraiment En fin de compte, Keqiao révèle un premier classement mais cette étape chinoise met surtout en lumière un sport en pleine transformation, où grimper bien ne suffit plus. Annie Sanders devra confirmer en présence des absentes, Oriane Bertone devra vaincre ses démons intérieurs, et l’IFSC devra vite résoudre ses paradoxes médiatiques. Cette saison 2025, passionnante et complexe, sera donc riche d’enseignements. Chaque compétition comptera double, chaque absence sera pesée, chaque présence décisive. Et rien, absolument rien, ne sera joué d’avance - pas même, visiblement, les règles du jeu elles-mêmes. Les résultats détaillés et classement de cette étape sont disponibles ici . Et pour retrouver le calendrier complet de cette coupe du monde IFSC 2025 c'est par là .