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  • Sur la voie des premiers Paralympiens de l’escalade

    Sur la chaîne d’Hannah Morris, " The Road To Becoming Climbing’s First Paralympian" ouvre une brèche dans l’histoire : celle de la para-escalade qui s’accroche enfin aux anneaux olympiques . Longtemps reléguée à l’ombre des podiums, cette discipline grimpe vers les sommets avec Los Angeles 2028 en ligne de mire. Mais ici, pas de storytelling édulcoré ou de violons à la corde usée. Juste Lucia Capovilla et Amruta Wyssmann, deux grimpeuses qui transforment leurs failles en force et leurs limites en levier . Parce que dans leur monde, chaque mouvement est un acte de résistance, et chaque chute, un prétexte pour se relever encore plus haut. © Hannah Morris La para-escalade : réinventer les règles Ce n’est pas une question de difficulté, mais de perspective. La para-escalade n’est pas une version édulcorée de l’escalade : c’est une discipline à part entière , avec ses codes, ses défis, et ses héros. Et dans cette discipline encore méconnue, Lucia et Amruta tracent des lignes ambitieuses. Lucia, Italienne de 27 ans, ne fait pas les choses à moitié. Depuis 2015, elle transforme chaque compétition en une nouvelle étape de son ascension. « Depuis que j’ai commencé, je suis toujours montée sur le podium » Explique-t-elle presque en passant, comme si l'exploit coulait de source. En réalité, derrière cette constance se cache un mantra : maîtriser la technique avant tout. « Si tu ne comprends pas comment bouger, la force brute ne sert à rien. La technique, c’est ton énergie. » Son approche est indissociable de sa singularité physique : Lucia a appris à composer avec une asymétrie qui l’oblige à chercher l’équilibre autrement. « Ma différence m’a appris à simplifier les mouvements, à les rendre plus économes. Ce que je ne peux pas faire par force, je le fais par précision. » Et ce qui pourrait être vu comme une limite devient un outil, une stratégie presque artistique. Amruta : des débuts tardifs, une progression fulgurante Amruta, de son côté, arrive à la grimpe par un heureux hasard . « J’avais des amis qui grimpaient. Ils m’ont dit d’essayer. Je pensais que ce n’était pas pour moi, mais dès la première prise, j’ai su que j’adorais ça. » On est en 2018. En trois ans, elle passe du hobby au haut niveau, un passage accéléré par un message reçu sur Instagram. « Quelqu’un de la fédération suisse m’a contactée pour monter une équipe de para-escalade. J’ai accepté sans trop réfléchir. » Mais ce qui pourrait ressembler à un coup de chance demande en réalité une discipline de fer. Amruta jongle entre un travail à temps partiel, des entraînements intensifs, et des compétitions internationales. « Je travaille 80 %, ce qui me laisse deux après-midis pour m’entraîner. Les autres jours, je cours le matin ou je grimpe entre midi et deux. » Sa routine frôle l’impossible, mais elle garde un équilibre fragile entre sa passion et sa réalité. Grimper, une forme de méditation Au-delà des podiums, ce qui lie Lucia et Amruta, c’est une vision presque spirituelle de la grimpe . « Pour moi, l’escalade, c’est une méditation », confie Amruta. « Chaque mouvement demande d’écouter ton corps, de respecter ses limites tout en les repoussant. » Lucia partage cette approche. « La grimpe m’a appris à aimer mon corps, à le comprendre. Ce n’est pas qu’une question de performance. Il s’agit de trouver l’équilibre, de bouger avec le moins d’impact possible. » Cette recherche constante d’harmonie donne à leur escalade une dimension presque chorégraphique. Mais la route n’est pas sans obstacles. Amruta avoue avoir encore peur de tomber . « Je me force à sortir de ma zone de confort, mais c’est un combat permanent. » Et cette peur, bien loin d’être une faiblesse, devient une alliée, un rappel constant que l’échec fait partie intégrante du processus. L.A. 2028 : une lueur d’espoir Les Jeux paralympiques de Los Angeles marqueront les débuts de la para-escalade sur la scène mondiale. Un moment historique, mais aussi une opportunité d’accélérer la reconnaissance de la discipline . « On espère que cela nous permettra de devenir des athlètes professionnelles », explique Amruta. Aujourd’hui, la réalité est tout autre. Lucia a troqué un appartement contre un van pour s’entraîner à Arco, tandis qu’Amruta optimise chaque seconde de son emploi du temps. « Ce n’est pas facile, mais on grimpe parce qu’on aime ça, pas pour les médailles. » Pourtant, derrière leur passion, le manque de moyens reste un frein majeur . La para-escalade, bien qu’inspirante, reste marginale dans un sport lui-même encore de niche. « C’est dur, mais les choses changent. Les Jeux paralympiques pourraient tout bouleverser. » Grimper ensemble, tomber mieux Ce qui frappe dans le duo formé par Lucia et Amruta, c’est leur capacité à se soutenir . « On partage nos solutions, nos astuces. Parfois, mes amis viennent me demander comment résoudre un mouvement. Ça me fait sourire parce que je pense que je vois les voies différemment. » Pour elles, l’escalade va bien au-delà du mur. « Peu importe à quoi tu ressembles, ta taille ou ton poids, l’escalade est pour tout le monde », affirme Amruta. Cette philosophie se reflète dans leur pratique, où chaque prise est une opportunité de montrer que les différences sont des forces. Merci, Hannah Avec cette vidéo, Hannah Morris capture l’essence même de l’escalade. Plus qu’un sport, c’est une école d’adaptation, une source infinie de résilience . Lucia et Amruta sont des exemples, des symboles de ce que la grimpe peut offrir à ceux qui osent s’y confronter. Alors, que vous soyez grimpeur chevronné ou novice, attachez vos chaussons. Parce que, comme le prouvent Amruta et Lucia, il y a toujours une prise à atteindre, un sommet à gravir… et une leçon à tirer en chemin.

  • Deepfreeze : l’hiver, la Walker, et trois alpinistes givrés

    1986 : Patrick Gabarrou et Hervé Bouvard tracent une ligne audacieuse dans le granit abrupt des Grandes Jorasses. La Directissime de la Walker devient une voie mythique, un trophée pour ceux qui aiment souffrir avec panache. 2023 : Charles Dubouloz, Symon Welfringer et Clovis Paulin débarquent avec une idée un peu folle. Et si on la refaisait… mais en plein hiver ? Parce que grimper en t-shirt, c’est surfait, et que les parois glacées, ça muscle les convictions. Cinq jours suspendus dans le froid, à jouer les funambules sur des fissures gelées, armés d’un mélange de courage, d’humilité et, avouons-le, d’un ego bien huilé. Mais c’est ce qu’il faut pour affronter une montagne qui ne pardonne rien. Leur aventure, capturée dans l e film Deepfreeze de Yannick Boissenot, a fait le tour des festivals et vient tout juste de devenir accessible gratuitement en ligne . Une plongée fascinante dans le vide… et dans la tête de trois gars qui en redemandent. Le froid, cet entraîneur personnel sadique L’alpinisme hivernal, ce n’est pas pour les touristes en mal de selfies. C’est pour ceux qui aiment quand ça pique, littéralement. À -20 °C, même enfiler ses chaussons devient un combat. Le froid s’immisce partout, transformant les corps en glaçons ambulants. Chaque geste, chaque longueur, devient une négociation où l’on mise gros : son énergie, sa lucidité, parfois son intégrité mentale . Charles, Symon et Clovis ont choisi de jouer à fond la carte du minimalisme. Crampons, piolets ? Oui, mais le strict minimum. Grimpe libre ? Toujours que possible, même si ça veut dire se frotter au granit avec des doigts gelés. Le résultat, c’est une escalade aussi pure qu’impitoyable. Pas de pitié pour les mains, pas d’échappatoire pour l’esprit. Et pourtant, entre deux bourrasques, l’équipe trouve le moyen de rire. Parce que dans ces conditions, l’humour, c’est comme une dernière couche thermique : ça ne règle rien, mais ça réchauffe un peu. Dialogue avec l’héritage de Gabarrou Reprendre la Walker, c’est marcher dans les pas de Patrick Gabarrou et Hervé Bouvard, dont l’exploit de 1986 a marqué l’histoire de l’alpinisme. À l’époque, leur ouverture relevait d’une audace brute, entre esprit pionnier et bricolage inspiré. Leurs pitons, plantés à la main, témoignent encore de leur passage, figés dans le granit. Mais aujourd’hui, la montagne a changé. L’hiver l’a durcie, les fissures se sont scellées sous la glace, et ce qui semblait logique sous le soleil de l’été devient absurde dans les ombres glacées de l’hiver . Pour le trio, reprendre cette voie n’est pas une répétition, mais une réinterprétation . L’idée n’est pas de refaire ce qui a été fait, mais de le transcender. Pourtant, face à une paroi gelée, il n’y a pas de négociation. La montagne impose ses règles, et le jeu consiste à improviser sans jamais perdre pied. La paroi comme théâtre, le film comme miroir Yannick Boissenot ne filme pas une simple ascension : il dissèque un combat. Son objectif s’attarde sur les détails que le froid voudrait effacer — une main qui hésite, un crampon qui cherche sa place, des regards échangés sans un mot. Ici, tout est brut, sans maquillage, comme si le froid avait gelé toute tentative de mise en scène. Symon avance avec la précision d’un chirurgien, ses gestes aussi millimétrés que le grain de la roche. Clovis, le rookie de l’équipe, oscille entre la peur et une énergie presque insolente, comme un funambule qui aurait le vertige. Et Charles, lui, semble habiter la paroi. Ce chaos glacé, c’est sa zone de confort, ou du moins ce qui s’en rapproche. Il bivouaquerait sans doute une nuit de plus, juste pour le plaisir d’y être. Le film, lui, ne cherche pas à vous tenir la main. Pas de grands discours, pas de mise en scène exagérée. Juste l’essence de l’alpinisme : l’effort lent, les doutes qui rongent, et ces moments où le sublime tutoie l’absurde. Une invitation à ressentir, plutôt qu’à comprendre. Un film, une leçon, une montagne Disponible en ligne depuis peu, Deepfreeze est un miroir tendu à tous ceux qui se demandent pourquoi on grimpe. Et la réponse, comme toujours, tient en quelques mots : pour rien. Pour le vide. Pour le geste. Mais surtout pour ce que ça laisse en nous. Les Grandes Jorasses ne sont pas un but ; elles sont un terrain d’expression. Un endroit où l’on apprend à apprivoiser ses peurs, à tester ses limites, et parfois, à accepter que l’on ne conquiert rien. Parce qu’au sommet, il n’y a que le vent et cette certitude étrange : on y reviendra. Alors, prenez une doudoune, un chocolat chaud, et laissez-vous emporter. Ce film, comme cette aventure, a cette capacité rare : il donne froid au corps, mais chaud au cœur. Toutes les meilleures vidéos de grimpe sont à retrouver dans notre section dédiée .

  • Quand les champions payent la note : l’héritage empoisonné de Berne 2023

    À Berne, l’été 2023 avait des allures de sommet conquis. Les Championnats du Monde d’escalade ont transformé la capitale suisse en un terrain de jeu spectaculaire, attirant les projecteurs du monde entier. Mais une fois les cris d’encouragement dissipés, les organisateurs ont découvert une autre réalité : celle d’un gouffre financier de 1,8 million d’euros. Nous avions déjà abordé ce fiasco financier dans un précédent billet , mais de nouveaux éléments récemment portés à notre attention nous poussent à revenir sur le sujet. Car au-delà des chiffres, ce sont désormais les athlètes suisses qui en paient le prix . Et si les prises ont tenu ce jour-là, c’est leur quotidien qui vacille aujourd’hui, bien malgré eux. C’est Sofya Yokoyama, grimpeuse de l’équipe nationale, qui en parle le mieux. Invitée récemment sur le “ That's Not Real Climbing Podcast ”, un podcast dédié à explorer les dessous de l’escalade de compétition à travers des témoignages, elle a levé le voile sur une réalité bien moins glamour. « Pour les quatre prochaines années, on pourrait devoir financer nous-mêmes certains déplacements et hébergements pour les compétitions, car le budget a été réduit. » En cause : ce fameux dépassement de budget lié aux Championnats du Monde qui oblige aujourd’hui le Club Alpin Suisse (CAS) à rogner sur les frais alloués aux athlètes. Un désastre financier qui se traduit en termes bien concrets et qui pourrait bien devenir la norme. « Cette année, tout était pris en charge, sauf pour Séoul. Pour cette Coupe du Monde, j’ai dû payer mon billet d’avion et mon hôtel. Heureusement, je le savais à l’avance, donc j’ai pu m’organiser. (...) Pour l’année prochaine, je ne sais pas encore exactement comment ça va nous impacter, mais c’est sûr que le budget global a été réduit. » Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut revenir à l’origine de ce trou béant. Les Championnats du Monde de Berne, organisés avec toute l’ambition d’un pays habitué à viser les sommets, ont été un exercice d’équilibrisme. Des dépenses mal anticipées, une planification optimiste et un événement qui a dépassé les moyens du CAS. Résultat : un déficit qui, selon Sofya, s’étalera sur « quatre ans » avant d’être absorbé . Pendant ce temps, ce sont les athlètes qui trinquent. Le contraste est saisissant : le CAS, institution emblématique de la montagne suisse, se retrouve à couper dans le budget des jeunes talents qu’il est censé soutenir. Une situation d’autant plus frustrante que ces mêmes grimpeurs continuent de briller sur les compétitions internationales, portant haut les couleurs d’un pays qui ne leur rend pas toujours la pareille. Sofya ne cache pas son amertume. Pour une athlète qui jongle déjà avec les contraintes d’un sport où les revenus sont rares, c’est une pression supplémentaire. « C’est frustrant parce que ce n’est pas de notre faute. On fait ce qu’on peut pour représenter la Suisse, et maintenant on doit payer des frais qui étaient jusque-là couverts. (...) Heureusement, j’ai pu économiser un peu grâce à des aides passées, mais ce n’est pas viable pour tout le monde. » Et pourtant, la grimpeuse garde le sourire, fidèle à l’esprit de résilience propre aux athlètes de haut niveau. Mais derrière ce calme apparent, c’est tout un modèle qui montre ses limites . Organiser un événement de l’ampleur des Championnats du Monde, c’est jongler avec des compétences logistiques, financières et marketing que le CAS, malgré toute sa bonne volonté, ne maîtrisait manifestement pas. Ce qui devait être une célébration du sport suisse se transforme en une leçon d’humilité pour ses dirigeants. Sofya, elle, continue à grimper. Mais désormais, chaque déplacement, chaque compétition, chaque nuit d’hôtel a un prix. Et dans un sport où la passion ne paie ni les billets d’avion ni les loyers, cette réalité pèse de plus en plus lourd. Pour écouter Sofya Yokoyama en parler directement, retrouvez son interview dans l’épisode dédié du “That's Not Real Climbing Podcast”. Les passages évoqués se situent entre les minutes 42:15 et 43:40.

  • Australie : Mont Arapiles, champ de bataille culturel et vertical

    Au sud-est de l’Australie, dans l’État de Victoria, les plaines monotones s’arrêtent net devant un bastion de grès : le mont Arapiles, ou Dyurrite, comme l’appellent les Wotjobaluk, ses premiers gardiens. On y trouve de tout : des fissures exigeantes, des dalles techniques, des toits qui mettent les nerfs à rude épreuve. Mais derrière les lignes dessinées par les grimpeurs, la roche porte aussi les traces d’une histoire millénaire, celle d’un peuple pour qui ce lieu est bien plus qu’une suite de falaises. © Parks Victoria Depuis trois ans, ce paradis de l’escalade australienne est au cœur d’une tension croissante . D’un côté, des grimpeurs attirés par ces parois uniques. De l’autre, les Wotjobaluk, déterminés à préserver un héritage culturel qui dépasse la verticalité. Ici, chaque geste, chaque décision semble peser lourd, et la corde entre les deux mondes est plus tendue que jamais. Les Wotjobaluk, mémoire vive de Dyurrite Les Wotjobaluk, peuple autochtone de l’ouest du Victoria, ne considèrent pas Dyurrite comme un simple relief sur une carte. Ce mont est un témoin de leur histoire, un espace spirituel où la terre et leurs ancêtres se mêlent . Des enquêtes archéologiques récentes ont mis au jour des vestiges d’une valeur inestimable : des arbres à cicatrices, témoins d’un artisanat millénaire ; des outils façonnés, abandonnés sur les lieux mêmes où ils furent utilisés ; des peintures rupestres qui défient le temps. Ces découvertes, discrètes mais omniprésentes, rappellent que chaque pierre de Dyurrite porte une signification. Pour les Wotjobaluk, les grimpeurs ne dégradent pas seulement des sites physiques ; ils empiètent sur une mémoire vivante. Alors, face à l’afflux croissant des amateurs de verticalité, la demande de protection devient pressante. Arapiles : bastion de la grimpe libre Depuis les années 1960, le mont Arapiles est devenu un haut lieu de l’escalade australienne, avec ses 3 000 voies qui attirent grimpeurs de tous niveaux. Des secteurs emblématiques comme Mitre Rock ou The Organ Pipes abritent des lignes techniques et variées, offrant autant d’épreuves pour les débutants que de défis pour les experts. Parmi ces lignes, certaines ont acquis une renommée mondiale. Kachoong (6c), avec son toit suspendu au-dessus du vide, est devenue une icône de l’escalade traditionnelle, un rite de passage pour les amateurs d’audace. À l’autre extrémité du spectre, Punks in the Gym (8b+), libérée par Wolfgang Güllich en 1985, a marqué un jalon dans l’histoire de l’escalade sportive, étant reconnue comme la première voie au monde à atteindre ce niveau de difficulté . Fermetures en cascade C’est dans ce contexte que Parks Victoria, gestionnaire du parc, a lancé son projet de gestion du mont Arapiles. L’objectif : protéger les sites culturels identifiés par les Wotjobaluk. La méthode : fermer 48 % des voies d’escalade . Une mesure qui coupe court à toute subtilité. Pour les grimpeurs, cette décision est un coup de massue. Près de 1400 voies seraient interdites, sans nuance, sans distinction entre les zones réellement sensibles et celles où l’impact est négligeable . Pis encore : aucune consultation initiale n’a été menée auprès des utilisateurs du site. Le message est clair, presque brutal : l’accès n’est plus un droit, mais une tolérance révisable. Un dialogue sous tension Les Wotjobaluk, eux, dénoncent une autre forme de marginalisation. Ils n’ont pas été pleinement associés à l’élaboration de ce projet, et la prolongation de la consultation publique jusqu’en février 2025 est perçue comme un geste vide de sens. Entre grimpeurs frustrés et propriétaires traditionnels en colère, Parks Victoria semble avoir réussi l’exploit de braquer tout le monde . Mais le véritable problème, ici, c’est l’absence de dialogue. Les grimpeurs ne sont pas des ennemis de la culture autochtone. Au contraire, beaucoup sont prêts à respecter ces lieux, pour peu qu’on leur explique leur importance. Les Wotjobaluk, de leur côté, ne rejettent pas la grimpe dans son intégralité, mais demandent qu’on prenne en compte leur perspective. Le terrain d’entente existe. Il pourrait passer par des fermetures ciblées, une meilleure sensibilisation des grimpeurs, et une collaboration plus étroite entre toutes les parties. Mais cela nécessite une volonté réelle de coopération – et de pédagogie. Dyurrite, ou l’art de la tension permanente Le mont Arapiles est bien plus qu’un amas de grès perdu au bout du monde. Il est devenu un symbole, celui d’une cohabitation impossible entre des usages modernes et un héritage immémorial . Mais au-delà des tensions locales, il interroge notre rapport aux espaces naturels : peut-on encore imaginer partager ces lieux sans en sacrifier une partie ? En France, des problématiques similaires émergent. Fermetures de falaises pour raisons écologiques, restrictions pour protéger la biodiversité : partout, la tension monte entre usagers et gestionnaires. Ce que nous enseigne Dyurrite, c’est que la falaise est un miroir de nos contradictions. Grimper, ce n’est pas s’approprier une paroi. C’est dialoguer avec elle. Comprendre son histoire, ses fragilités. Trouver cet équilibre fragile entre liberté et respect. À Dyurrite, ce dialogue est encore à inventer. Mais une chose est sûre : ce ne sont pas les prises qui manquent.

  • 10 bonnes raisons de mettre les pieds au Salon de l’Escalade ce week-end

    Ce week-end, le monde vertical se retrouve à Paris pour le Salon de l’Escalade . Grimpeurs, ouvreurs, moniteurs, créateurs, marques, athlètes, et philosophes du bac plat : tout ce petit monde est réuni pour un événement aussi dense qu’un 8c bloc. Chez Vertige Media, on met les mains dans le magnes pour vous guider à travers les incontournables de cette édition. Et on ne fait pas que écrire, ce weekend on pilote pour le Salon de L'Escalade : le Trophée de la Verticalité et on vous propose des conférences pour élever votre esprit. Voici nos 10 bonnes raisons d’y être : 1. Parce que ça grimpe haut Le programme est une paroi bien chargée : villages, ateliers, démonstrations, conférences, projections et une compétition qui promet du spectacle. Que vous soyez amateur de beau geste ou juste curieux de voir des grimpeurs se suspendre avec trois doigts et un orteil, il y a forcément un créneau pour vous inspirer. 2. Pour le Trophée de la Verticalité C’est quoi, ce trophée  ? Une récompense pensée par Vertige Media pour célébrer celles et ceux qui tirent l’escalade vers le haut : innovation, inclusion, écologie, contenu, ou simplement le plaisir de grimper autrement. Une sorte d’Oscar, mais avec des chaussons. 3. Parce que les innovations, ça se teste, pas juste en stories On vous promet du matériel qui colle mieux, dure plus longtemps, et améliore votre grimpe (ou votre style au pied des voies). Nouveaux chaussons, outils de renfo dernier cri, vêtements techniques : tout est là. Et, oui, vous pouvez essayer avant de croire. 4. Pour les grimpeurs légendaires qui vous signent autre chose que des croix Rencontrer des icônes de la grimpe, ça ne se fait pas tous les jours. Ces légendes ne font pas que signer des posters, ils partagent leurs expériences : échecs, réussites, et peut-être même une ou deux astuces pour passer ce foutu réta. 5. Pour les conférences qui tiennent la corde Chez Vertige Media, on ne vous parle pas juste de cotations. On anime des conférences sur des sujets brûlants : la place des femmes dans la montagne, les innovations durables, ou encore l’évolution de la grimpe dans nos sociétés. Vous êtes là pour prendre de la hauteur ? On vous garantit un bel envol intellectuel. 6. Parce qu’on parle aussi de la vraie vie On aime grimper, mais on aime aussi ce qui se passe autour : comme donner une seconde vie à votre matériel grâce à des ateliers d’upcycling, ou découvrir comment intégrer des pratiques écoresponsables dans votre passion. Oui, même vos chaussons troués peuvent renaître. 7. Pour voir des démonstrations qui claquent Des grimpeurs pros qui se lancent sur des blocs spectaculaires, c’est toujours fascinant. Leur fluidité et leur puissance sont une masterclass silencieuse. Bonus : les shows en live avec musique et ambiance festive. Vous ne verrez plus vos lolottes de la même manière. 8. Parce que c’est un événement à vivre en famille Un espace pour les enfants, des animations pour les ados, et même des coins détente pour ceux qui préfèrent admirer les grimpeurs de loin. Le Salon de l’Escalade pense à tout le monde, même à la belle-mère qui vient “juste pour voir”. 9. Parce que la grimpe, c’est aussi une communauté On ne vient pas au Salon que pour les prises : on vient pour les gens. Rencontrez des passionnés, échangez des idées, débattez des mérites du dévers vs. dalle. C’est une occasion unique de discuter avec ceux qui partagent (ou challengent) votre vision de l’escalade. 10. Pour sortir des sentiers battus (de grimpeurs) Le Salon, ce n’est pas juste des stands. C’est aussi des moments d’inspiration : des films projetés en exclusivité, des initiatives locales et internationales à découvrir, et un avant-goût des tendances qui feront l’escalade de demain. À vous de grimper sur ce train en marche. Le programme complet, avec ses conférences, ateliers et compétitions, est à découvrir ici . Alors, prêt(e) à enfiler vos chaussons et nous rejoindre à Paris ce week-end ? Informations pratiques : Quand ? Les 11 et 12 janvier Où ? Paris Expo Porte de Versailles Combien ? 12€ la journée en accès illimité

  • Le Footing Vertical : Une révolution pour rendre l'escalade accessible à tous

    L'escalade est souvent vue comme une activité réservée aux personnes en pleine forme. Une perception qui est sur le point de devenir obsolète grâce au Footing Vertical, une innovation portée par Mickael et Bassa Mawem , deux athlètes éminents de ce sport. Cette machine est conçue pour rendre l'escalade accessible aux personnes de tous âges, de toutes conditions physiques, et avec ou sans handicaps , transformant ainsi les salles d'escalade en espaces inclusifs et autonomes. À ce jour, l'escalade semble être un privilège réservé à un cercle restreint d'initié(e)s. Les statistiques montrent que sur plus de deux milliards de personnes, comprenant des personnes âgées, des sédentaires et des personnes handicapées, seulement 35 millions pratiquent l'escalade . Le Footing Vertical, créé par les frères Mawem, vise à modifier cette dynamique en offrant une solution pour intégrer des millions de personnes exclues de cette activité. Une innovation qui intègre des technologies brevetées qui adaptent l'effort requis en fonction des capacités individuelles de chaque utilisateur . Cette machine est équipée de systèmes de réglage permettant une progression personnalisée et sécurisée, incluant une fonction anti-panique et un mécanisme de délestage simulant une gravité "lunaire". Adapté pour compenser diverses déficiences – qu'elles soient pondérales, musculaires, neurologiques, visuelles ou mentales – ce dispositif rend l'escalade agréable et accessible à tous. La sécurité est bien entendu un pilier central du Footing Vertical, assurant une expérience sécurisée à 100%, permettant aux utilisateurs de grimper sans crainte. Cette innovation favorise également l'autonomie en permettant à des individus qui nécessiteraient normalement une assistance pour l'activité physique de pratiquer l'escalade en toute indépendance . L'amélioration de l'accessibilité à l'escalade s'aligne avec les objectifs de l'Organisation Mondiale de la Santé sur l'activité physique, jouant un rôle essentiel dans l'amélioration de la santé globale et l'augmentation de l'espérance de vie. Le dispositif est aussi une ressource précieuse pour les établissements scolaires, les clubs associatifs et les salles privées , encourageant l'inclusion et permettant à des personnes souvent marginalisées de participer activement dans ces lieux de socialisations importants. Bien que le développement du Footing Vertical doive encore se poursuivre avant sa commercialisation prévue pour 2025 , l'enthousiasme est palpable, notamment à travers les expériences des premiers utilisateurs. Camille, ancienne gymnaste ayant perdu l'usage de sa jambe après un accident, témoigne : "J’ai tout de suite chopé le virus de la grimpe. Cela m’a permis de fermer une porte et d’en ouvrir d’autres. Être à nouveau essoufflée et surtout entendre mon cœur battre était agréable. Tout revenait à la vie !" En permettant à chacun de défier la gravité, Mickael et Bassa Mawem pourraient bien redéfinir l'avenir de l'escalade , rendant l'escalade accessible au plus grand nombre et transformant profondément cette pratique sportive.

  • L’escalade en zones sauvages : une première victoire législative historique aux États-Unis

    C’est une première historique qui résonne comme un coup de marteau sur un piton bien planté : l’escalade en zones sauvages américaines est désormais protégée par la loi . Après des mois d’incertitudes et de polémiques, deux annonces successives viennent offrir à la communauté grimpeuse un souffle bienvenu. Et pas des moindres : le National Park Service retire un projet de réglementation controversé , et le Congrès adopte une loi majeure pour préserver le droit de grimper. Les ancrages fixes, l’ennemi public ? Mercredi 18 décembre, première bonne nouvelle : le National Park Service renonce à son projet de bannir les ancrages fixes en zones sauvages . Une idée qui aurait pu transformer des falaises mythiques comme celles de Zion ou Joshua Tree en reliques inaccessibles. Plus de plaquettes, plus de spits : autant demander à un alpiniste de gravir l’Everest en espadrilles. Mais c’est le lendemain que tombe la vraie bombe : le Congrès adopte la loi EXPLORE , et avec elle l’amendement Protect America’s Rock Climbing (PARC) . La Chambre des représentants avait déjà voté le texte en avril, mais il restait à convaincre le Sénat – une tâche loin d’être gagnée dans un contexte où la menace d’un shutdown planait comme une ombre. Résultat : un vote unanime. Oui, unanime, dans un Congrès plus habitué à s’écharper qu’à s’entendre. Une victoire sur tous les fronts Que change cette loi ? Tout. Avec le PARC Act , plus aucune agence fédérale ne pourra qualifier les ancrages fixes ou autres équipements comme "installations illégales" en zones sauvages . En d’autres termes, les spits, pitons, et autres sangles peuvent rester accrochés là où ils ont toujours été : sur les falaises. « EXPLORE bénéficie d’un soutien unanime et bipartisan », explique Erik Murdock, directeur adjoint de l’Access Fund. « Ce n’est pas une loi controversée. Elle ne coûte rien au gouvernement – elle permet même de faire des économies. » Un argument qui a porté, mais pas sans effort. Erik Murdock et l’Access Fund n’ont pas ménagé leur peine, multipliant les rendez-vous à Washington. Des figures politiques comme les représentants John Curtis (Utah) et Joe Neguse (Colorado) ou les sénateurs Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Maria Cantwell (Washington) ont été décisifs pour obtenir ce résultat. Le Forest Service à la traîne Mais tout n’est pas encore réglé. Si la loi rend caduque le projet du National Park Service, le U.S. Forest Service n’a pas encore retiré sa propre proposition de restriction sur les ancrages fixes. Une mesure devenue obsolète, certes, mais dont l’abandon officiel reste attendu . Pour Erik Murdock, cette victoire ouvre la voie à un dialogue plus constructif. L’objectif ? Élaborer des politiques de gestion locales qui respectent autant les zones sauvages que les pratiques des grimpeurs. « Nous espérons que cette loi servira de tremplin pour développer une politique solide qui protège à la fois les zones sauvages et l’escalade », déclare-t-il. Une nouvelle ère pour l’escalade Au-delà des aspects juridiques, cette législation marque un tournant culturel. Elle acte une reconnaissance officielle de l’escalade comme une activité légitime , digne de coexister avec la préservation des espaces naturels. Pour des sites emblématiques comme Joshua Tree ou le Black Canyon of the Gunnison, c’est une promesse d’avenir. Reste à voir comment les parcs nationaux et le Forest Service adapteront leurs plans de gestion. Car si cette victoire est un sommet, le chemin est encore long pour garantir des pratiques harmonieuses et durables sur toutes les falaises.

  • Team Boulder Arena, l’enfant terrible de l’escalade

    Team Boulder Arena , c’est le sale gosse de l’escalade compétitive. Celui qui débarque sans invitation dans le monde des championnats bien rangés, met les pieds sur la table et te regarde avec un sourire narquois. Là où les autres misent sur les podiums et les classements, le TBA préfère les high fives, les coups de théâtre et une ambiance qui frôle la fièvre. Mais derrière les lumières et les cris, ce rebelle questionne : jusqu’où peut-on grandir sans se trahir ? © Baptiste Varappe Une ambiance qui frôle la folie À Jaurès, les guichets avaient affiché complet bien avant que le premier grimpeur ne chausse ses chaussons . Une salle comble à craquer, où l’ambiance oscillait entre euphorie collective et asphyxie légère. D’un côté, les lumières hypnotiques, une foule qui vibrait à chaque mouvement, et des ascensions transformées en véritables performances scéniques. « C’était électrique, » raconte Julien, qui vient pour la première fois. « On sentait l’énergie brute, personne ne pouvait détourner les yeux. » De l’autre, une promiscuité palpable où chacun trouvait une place comme il pouvait, assis dans un joyeux désordre, tandis que d’autres murmuraient qu’on jouait avec les limites du confort . L’année prochaine, les organisateurs ont prévu de changer de lieu, optant pour un espace plus grand. Une décision pragmatique, mais risquée. « Ce qui fait la magie du TBA, c’est cette intensité, cette proximité, » explique un spectateur habitué. « Trop grand, et on pourrait perdre ce lien unique. » Le TBA grimpe plus haut, mais à quel prix ? Trop d’espace, et le feu qui chauffe les murs pourrait bien se dissiper. Trop de monde, et l’étincelle pourrait s’étouffer. © Baptiste Varappe Un bloc pour tous, tous pour un bloc ? Cette année, pour sa troisième édition, un bloc en particulier a capté tous les regards. Pensé pour être grimpé de la même manière par les hommes et les femmes , il portait une ambition claire : symboliser une certaine idée d’égalité, brute et sans concession. Mais ce choix audacieux a divisé. Lisa, néo-grimpeuse séduite par l’énergie du TBA, applaudit : « C’est génial de voir qu’on peut tous s’attaquer au même défi, peu importe le genre. » Matthieu, grimpeur chevronné, reste plus réservé : « On risque d’aplatir ce qui fait la richesse du sport. Les différences physiques, ça fait aussi partie du jeu. » Ce bloc unique cristallise bien l’esprit du TBA : un terrain d’expérimentation où casser les codes est la règle. Quitte à bousculer les certitudes. Maragda et Matt : une partition bien jouée Pour celles et ceux qui n’avaient pas décroché de billet pour Jaurès, le TBA proposait un live en français et un autre en anglais . Sur le live anglophone, Matt Groom, voix emblématique des JO et de l’IFSC, partageait le micro avec Maragda Gabarre, ouvreuse pour l’IFSC et chez Climbing District Saint-Lazare. Et si son nom ne vous dit rien, il est temps de la découvrir. Maragda, c’est l’art de l’ouverture dans tout ce qu’il a de plus exigeant. Ses créations demandent autant de réflexion que de force, avec ce petit quelque chose de frustrant qui vous accroche. C’est de l’escalade qui raconte une histoire, et si elle vous laisse les bras en feu, c’est que vous avez touché à son essence. © Baptiste Varappe Le Team Boulder Arena : une révolution en marche ? Avec son énergie brute et ses choix assumés, Team Boulder Arena continue de secouer les conventions. Mais à mesure qu’il grandit, le défi devient clair : garder l’esprit turbulent qui fait sa force sans tomber dans le piège de la standardisation . Alors, rébellion durable ou simple feu de paille ? Peu importe. Tant que le TBA continue à faire vibrer grimpeurs et spectateurs, il restera une expérience incontournable. Parce qu’au fond, l’escalade a besoin de ses punks. Et le TBA en est un sacré. Pour aller plus loin, un mini-documentaire qui revient sur les moments marquants de cette troisième édition :

  • Le syndrome du cirque : Jakob Schubert démonte l’escalade moderne

    Dix ans après l’ouverture de BLOC House, Jakob Schubert, grimpeur de légende, revient à Graz (Autriche). Pas pour enchaîner des blocs, mais pour décocher des vérités bien senties . Entre son regard critique sur les compétitions, son analyse des JO et son retour à l’escalade sur rocher, Jakob trace la ligne : l’escalade est à un carrefour, et tout le monde ne semble pas bien assuré. © Bloc House Les jeux : vitrine ou fardeau ? Pour Jakob Schubert, les Jeux Olympiques , c’est un Everest émotionnel. « On s’entraîne si intensément pour cet objectif monumental que, quand c’est fini, c’est un soulagement. Pas que je n’aie pas aimé, j’ai adoré être là-bas, mais mentalement, c’est dur. » Une course contre soi-même qui laisse des traces. Après une semaine de repos post-JO, il avoue que « même se reposer semble mauvais pour [son] corps. » Mais au-delà de l’effort, il y a la portée. « Les Jeux Olympiques, c’est le plus grand événement sportif au monde. Cela attire des gens qui n’en avaient jamais entendu parler. Voir des enfants découvrir la grimpe grâce à ça, c’est génial. » Cette exposition, il la juge essentielle pour un sport encore jeune dans l’arène mondiale. Pour autant, les JO ne viennent pas sans sacrifices. Le calendrier des compétitions en souffre : « Les meilleurs grimpeurs privilégient les qualifications olympiques et les Championnats du monde, laissant de côté les Coupes du monde. Cela affaiblit tout le circuit. » Salles bondées, falaises en surchauffe Avec la multiplication des salles d’escalade, l’engouement pour la discipline n’a jamais été aussi fort . Mais Jakob soulève un point crucial : que se passe-t-il lorsque les grimpeurs urbains débarquent en falaise ? « Si tous les grimpeurs qui commencent dans une salle vont grimper dehors, ce sera un énorme défi. Beaucoup ne savent pas comment se comporter dans la nature. » Pour lui, cette ignorance n’est pas une fatalité, mais le fruit d’un manque d’éducation . « Les athlètes, les salles, les gens qui donnent des cours – on doit tous mieux communiquer les règles. Mais aujourd’hui, c’est un vide. Personne ne s’y attelle vraiment. » Le résultat ? Des comportements inadaptés qui mettent en danger les espaces naturels déjà fragiles. Le syndrome du cirque Quand Jakob parle des compétitions de bloc, le constat est sans appel : « Trop souvent, les compétitions ont beaucoup trop de trucs fous. » Il critique une tendance où la créativité des ouvreurs vire à la surenchère : dynamiques absurdes, mouvements aléatoires, blocs conceptuels. « Il y a des compétitions où la force digitale et la tension corporelle ne comptent pas du tout. Et ça, c’est clairement un problème. » Pour Jakob, ces fondamentaux doivent rester au cœur du bloc, sans quoi il devient un sport complètement déconnecté de l’escalade sur rocher. Le problème ne s’arrête pas là. L’aléatoire impacte directement la compétition : « Si un grimpeur comme Sohta Amagasa gagne une Coupe du monde à Innsbruck et ne passe même pas en demi-finale à la suivante, c’est étrange. On perd en lisibilité. » Et avec elle, la possibilité de créer des icônes. « Regardez le tennis : Federer, Djokovic, Nadal – leur constance a construit le sport. Dans le bloc, on manque de figures régulières. » DNA : retour aux racines Fatigué par les tumultes des compétitions, Jakob se concentre sur son premier amour : le rocher. « Je voulais grimper dehors, juste pour le plaisir. J’ai passé trois semaines à Majorque, à faire du deep water solo, et maintenant, je pars dans le Verdon pour essayer 'DNA'. » Cette voie, cotée 9c et signée Seb Bouin , représente plus qu’un défi technique : c’est une quête de pureté et un retour à l’essence de l’escalade. « Ce qui me motive, c’est partager cette passion. Si plus de gens découvrent cette joie, c’est une victoire. » Dans cette interview publiée par BLOC House, Jakob Schubert trace une critique claire et passionnée des dérives de l’escalade moderne. Entre la surenchère des blocs compétitifs, les paradoxes des JO et l’explosion des salles, il appelle à un rééquilibrage essentiel. Une prise de hauteur bienvenue, à l’image de son style : puissant, précis, et ancré dans les réalités du terrain.

  • Briançon remplacée par Madrid : une page se tourne pour la Coupe du Monde IFSC

    Le verdict est tombé, et cette fois, c’est définitif : Briançon, bastion historique de la Coupe du Monde IFSC, disparaît officiellement du calendrier 2025. Le suspense autour de la fameuse date manquante – celle des 18 et 19 juillet – n’aura duré que trop longtemps. Mais au lieu de revenir à ses premières amours alpines, l’IFSC a préféré flirter avec la capitale espagnole, ajoutant Madrid à son circuit. © David Pillet Un secret (pas si) bien gardé Fidèle à ses habitudes, l’IFSC a une nouvelle fois joué les fantômes, actualisant son site web dans une relative discrétion, sans tambour ni trompette, ni même une once de communication officielle. Une annonce comme seule cette fédération sait les faire : invisible à l’œil nu, sauf pour les observateurs les plus aguerris. Et c’est Le Dauphiné qui a repéré le pot aux roses. Résultat : Briançon, après 14 années d’un règne indiscutable sur le calendrier de la Coupe du Monde, voit ses dates historiques offertes sur un plateau à Madrid . Une claque pour les passionnés d’escalade qui espéraient encore un sursaut de l’IFSC pour préserver cette étape emblématique. D’autant que la ville n’avait pas chômé pour rester dans la course : en 2023, elle inaugurait fièrement "Le Nid", un mur flambant neuf conçu pour assoir son statut sur la scène internationale. Ce joyau d’architecture, signé Grégory Poles , allie design inspiré de la canopée et bois locaux, le tout après neuf années de labeur acharné. Mais apparemment, ça n’aura pas suffi. © David Pillet Madrid, nouvelle coqueluche du circuit Pourquoi Madrid, et pourquoi maintenant ? La réponse n’est pas si limpide. L’IFSC, dans sa quête permanente de diversification, semble vouloir rafraîchir son calendrier avec des destinations inédites . Après Curitiba au Brésil et Klagenfurt en Autriche, voilà Madrid, la capitale espagnole, qui entre en scène. Une ville dynamique, cosmopolite, et sans doute capable d’offrir un public large – mais qui n’a ni l’histoire ni l’aura de Briançon. Soyons clairs : Madrid, c’est sexy sur le papier. Mais ce choix laisse un goût amer. Ce n’est pas juste une affaire de dates ou de logistique, c’est une question d’identité. Avec Briançon, on perd une étape qui respirait la montagne, la vraie . Celle où les grimpeurs se retrouvent entre deux cafés en terrasse, où la sueur se mêle à l’odeur des sapins. Avec Madrid, on gagne une autre capitale. C’est bien, mais c’est différent. Une absence lourde de sens Pour Briançon, cette mise à l’écart est plus qu’une défaite symbolique. La ville ne perd pas seulement un événement sportif, mais aussi une part de son âme estivale . Chaque année, des milliers de grimpeurs et passionnés se rassemblaient autour de cette étape, transformant la petite ville en épicentre de l’escalade mondiale. Les retombées économiques et médiatiques étaient bien réelles, tout comme l’effet sur le moral des troupes locales. Aujourd’hui, la décision de l’IFSC ressemble à un mauvais choix stratégique, ou du moins à une incompréhension de ce qui fait vibrer la communauté . Certes, diversifier les étapes est louable, mais faut-il pour autant sacrifier les piliers qui ont fait la grandeur de ce sport ? Clap de fin ou simple entracte ? Alors, Briançon est-elle définitivement rayée de la carte ? C'est bien probable. Mais une chose est certaine : pour 2025, l’étoile alpine s’éclipse au profit d’un soleil ibérique. Reste à savoir si Madrid parviendra à se hisser à la hauteur de son illustre prédécesseur. En attendant, on ne peut que regretter ce qu’on perd : une étape qui avait du caractère, une histoire, et ce petit supplément d’âme qu’aucune capitale ne pourra jamais totalement reproduire. Briançon, on ne t’efface pas, on te regrette. Madrid, sois digne du vide que tu remplis.

  • Tarifs des salles d’escalade : le grand dévers

    À mesure que les enseignes privées attirent des grimpeurs aussi débutants que gentrifiés , une question se pose sur le juste prix de leur entrée. À tel point que même les clients les plus aisés se demandent s’il est bien sérieux de débourser le prix d’un déjeuner en ville pour se coller sur des prises. Alors, pratiquer l’escalade en salle privée coûte-t-il trop cher ? Et bien, ce n’est pas si simple… © Piet pour Vertige Media Commençons par les chiffres, les vrais. En 2024, environ 300 salles privées sont recensées sur le territoire national. Un chiffre en augmentation de 10 % en moyenne chaque année depuis 2019. Certaines salles proposent uniquement du bloc, d’autres de la voie, mais beaucoup font les deux à la fois. Près de la moitié appartiennent à des grands réseaux tels qu’Arkose, Vertical Art, Climb Up ou encore Bloc Session. Les tarifs sur lesquels s’alignent ces groupes ont donc logiquement un impact sur ceux des acteurs indépendants, forcés de suivre la tendance. En observant les prix affichés à l’entrée, les offres varient en fonction de la salle et de la formule proposée. Pour les entrées à l’unité, le tarif normal le plus bas, hors happy hours, démarre à 14 €, tandis que le plus élevé, qui concerne essentiellement les sites parisiens, culmine à 18 €. Sur l’ensemble du territoire, la plupart des entrées uniques sont vendues à 16 ou 17 €. Sur les abonnements annuels, les offres varient énormément, mais en parcourant aléatoirement les sites web de différents types de salles, on s’aperçoit qu’un tarif moyen situé entre 500 € et 600 € se distingue assez vite . Sur la fourchette basse, on trouve Bloc Session, réseau de salles qui opère dans le sud et l’est de la France, souvent identifié comme le plus abordable du marché. Les salles du groupe proposent un abonnement de 42 € par mois, avec un engagement trimestriel, ce qui nous amène à un total de 505 € par an, bien que celui-ci puisse être abaissé à moins de 400 € pour peu que l’abonné s’autorise une coupure estivale. Fourchette haute : Blocbuster, qui se présente comme un groupement de salles premium et affiche un abonnement annuel à 720 €. L’escalade, un sport de riches ? Alors, inutile de s’échauffer plus longtemps  : à 16-17 € l’entrée ou 550 € l’année, oui, pratiquer l’escalade en salle coûte cher. Du moins, c’est le cas quand on met ces tarifs en regard du budget annuel moyen des Français pour leur pratique sportive . Selon une étude OpinionWay réalisée pour Sofinco juste avant le début des Jeux Olympiques de Paris 2024, un Français seul qui s’adonne à au moins une activité physique débourse en moyenne 205 € par an en inscriptions, abonnements et matériel sportif . Cela peut sembler peu, surtout pour un public de grimpeurs très CSP+. Pas pour les 62% de Français qui trouvent que le sport leur coûte déjà trop cher.  L’escalade en salle se place donc bien au-delà de ces statistiques, fermant à la fois ses portes à tout un pan de la population, tout en rationalisant l’entre-soi socio-professionnel qui s’observe dans de plus en plus d’enceintes. À titre de comparaison, pratiquer la natation, un des sports les plus ancrés dans les habitudes des Français, revient beaucoup moins cher. Le pass annuel d’entrées libres à la piscine olympique Marx Dormoy de Lille coûte 127 €. Même tarif à la piscine Alban Minville de Toulouse, tandis qu’à Paris, là où tout coûte plus cher, l’addition s’élève à 229 € par an pour un accès illimité à la piscine Suzanne Berlioux nichée sous les Halles. Certes, la natation se pratique dans des piscines municipales financées en partie par les communes. Mais cela suffit-il à justifier un écart de prix avec les salles d’escalade de l’ordre du simple au double, voire au triple ? Autre exemple, plus parlant car plus proche du modèle des salles de grimpe : le fitness. Dans ces espaces aseptisés où la culture des pectoraux et fessiers bat son plein, les tarifs varient le plus souvent de 260 € l’abonnement annuel pour les plus abordables (la formule la moins chère chez Basic fit) à 450 € pour les plus complètes (formule premium chez Neoness).  Sauna, stand-up et défilés de mode En valeur absolue, l’escalade en salle représente donc un coût élevé. Mais les prix affichés sont-ils pour autant totalement injustifiés ? Ce n’est pas l’avis de Ghislain Brillet, Président de l’Union des salles d’escalade (UDSE), qui considère que les tarifs ne sont pas chers au vu de ce que les salles ont à offrir à leurs adhérents ainsi qu’aux coûts de fonctionnement. « Une séance d’escalade dans une salle de 1 500m2 chauffée, climatisée, avec un bar, du personnel, des douches individuelles, un turn-over d’ouverture d’un mois pour les blocs, de trois pour les cordes, ça ne coûte “que” 18 €, s’explique-t-il. Ce n’est pas pour rien que la plupart des salles sont alignées sur les mêmes prix. Et il ne faut pas oublier qu’une salle privée est une entreprise, et qu’aujourd’hui, les salles sont à peine à l’équilibre. Alors ces prix me semblent très justes. » Il est vrai qu’en prenant en compte tous les services annexes inclus dans le package des salles et le nombre de séances annuelles d’un grimpeur régulier, il y a de quoi relativiser. Pour un abonné payant environ 550 € par an, deux grimpes par semaine suffisent par exemple à faire tomber le prix par séance à 5 €.  Par ailleurs, il faut reconnaître que le concept vendu par les salles d’escalade va plus loin que le simple mur de grimpe en libre accès. Une salle, c’est un espace de rencontre où les grimpeurs vont chercher l’activité sportive autant que le confort des différents espaces et services à leur disposition . La qualité des installations, la musique, l’accueil et les activités de divertissements participent à créer cette effervescence qui pousse les accros de la magnésie à revenir, semaine après semaine. « Les salles vendent tout un écosystème, elles sont un lieu de vie en ville pour les jeunes et les moins jeunes, estime Ghislain Brillet. Chacune a son concept : il y en a qui misent beaucoup sur la restauration, d’autres qui organisent des défilés de mode ou proposent du yoga, un accès au wifi performant pour les télétravailleurs, des compétitions, des soirées ludiques… Mais toutes veulent offrir de l’accessibilité, de la qualité dans les équipements, de la propreté, de la convivialité et de l’ouverture . » Récemment, certaines salles ont même commencé à inviter des humoristes pour des soirées stand-up, tandis que d’autres organisaient des visionnages des épreuves d’escalade aux JO dans des salons de projection cosy, avec les poufs et les canapés qui vont bien. Bien que les prix se justifient à certains égards, cela contente-t-il les principaux concernés, à savoir les grimpeurs ? Si les tarifs n’ont pas l’air d’empêcher les salles de se remplir, du moins aux heures de pointe, les avis de ceux qui les fréquentent sont pour le moins nuancés sur le sujet. Sarah, grimpeuse occasionnelle parisienne, n’est pas choquée par les prix affichés dans les salles de la capitale, qui s’alignent finalement sur celui d’autres activités, mais trouve cela peu adapté et accessible pour les profils comme le sien, qui ne comptent pas s’attaquer aux murs chaque semaine. « Je comprends les prix des abonnements, qui sont sûrement rentabilisés lorsqu’on s’y rend 2 à 3 fois par semaine, reconnaît-elle . Mais dans mon cas, débourser 18 euros pour une séance unique, ou bien acheter un pass pour 10 entrées à 150 euros, c’est beaucoup trop !  » Cela a-t-il un impact sur sa pratique de l’escalade ? « Clairement ! J’aime l’ambiance des salles et j’aime ce sport, alors si les tarifs étaient un peu plus bas j’irai grimper plus souvent » affirme la jeune femme. Même son de cloche pour Jérôme, lui aussi grimpeur occasionnel à Tours. « Les prix sont trop élevés,  pose-t-il sans détour. Cela m'empêche de pratiquer l’escalade autant que je le voudrais. Ce serait mieux s’il existait différents forfaits adaptés aux habitudes de chacun et à ce qu’ils attendent d’une salle d’escalade . » L’équation impossible Pour Jean-François Schreiber, fondateur et Président du réseau Bloc Session, les offres et tarifs de la majorité des salles ne sont qu’un trompe-l’œil . S’il reconnaît que les prix affichés sont cohérents avec la promesse des salles d’escalade, la réalité du marché serait plus nuancée. « Dans les faits, bien que les salles s’entêtent à vouloir se positionner sur du premium et des services annexes en tout genre, la demande ne suit pas et les grimpeurs ne sont pas prêts à débourser de telles sommes  », pose l’entrepreneur, dont les salles sont considérées comme les plus low cost du secteur. « Il y a un décalage entre les prix affichés et ce que déboursent vraiment les clients. Les salles sont obligées de faire constamment des promotions ou des rabais, et finalement très peu d’entre elles sont rentables. À mon sens, le segment premium n’existe pas. » Le cas d’Etienne, grimpeur confirmé, illustre bien cette réalité. Le Bordelais, féru d’escalade depuis de nombreuses années, s’est débrouillé pour avoir un rabais et payer moins cher ses entrées. S’il apprécie les services annexes, il précise que ce n’est pas du tout cela qui l’amène au pied des blocs « Ce n’est pas ce que je recherche quand je vais à la salle d’escalade. Même si cela peut être plaisant de terminer ma séance par un sauna ou prendre un verre avec des amis grimpeur s » Pour lui, un prix d’abonnement annuel juste devrait se situer « autour de 250 €  ».  Deuxième constat de Jean-François Schreiber, le décalage entre la promesse et la réalité de l’offre dans les salles . « Cette obsession des salles à vouloir faire du premium, en proposant un accès au sauna ou différents espaces qui font grimper la note, a encore moins de sens quand on voit la véritable utilisation que les abonnés en font : j’ai l’impression que le sauna ne fonctionne qu’une semaine sur deux et que l’espace de renforcement musculaire n’est quasiment pas fréquenté . » Sarah, la grimpeuse occasionnelle parisienne, remet le couvert, cette fois-ci sur l’offre de restauration. « Sur le principe, je trouve ça cool, mais concrètement c’est difficile de savourer sa pinte ou ses tapas quand ça sent la chaussette autour de la table . »  La difficile ascension vers la rentabilité Cet engouement décevant des utilisateurs pour certains services annexes est confirmé à demi-mot par Ghislain Brillet, qui reconnaît par exemple que « les espaces de musculation dans les salles d’escalade n’ont pas réussi à faire leurs preuves à ce jour  » et qu'une dynamique en faveur des salles à bas coût se dessine doucement. « Ce sont souvent des salles plus petites, elles proposent uniquement du bloc, avec moins de services additionnels, des vestiaires moins confortables et une offre de restauration réduite . » À peu de choses près, la description colle parfaitement aux salles du réseau de Jean-François Schreiber, qui rappelle que « les principaux coûts de fonctionnement sont le loyer et le personnel . » L’emplacement et la taille des salles ont donc un impact décisif sur le prix des entrées et des abonnements, « tout comme le nombre de services exigeant des ressources humaines supplémentaires  ». Le modèle de Bloc Session, fondé sur une gestion stricte de ses espaces, des surfaces inférieures à celles d’autres enseignes et une implantation plus lointaine des centres-villes de grandes agglomérations, offre des pistes de réflexion aux gérants de salle pour envisager une escalade indoor plus abordable.  Autres inspirations pour une déflation des prix, le modèle des salles associatives. Bien que celles-ci soient difficilement comparables, autant par leur mode de financement que par l’expérience qu’elles proposent, il y a probablement des enseignements à tirer du côté de la gestion collective des salles et de l’offre d’escalade, fondée sur l’entraide, la collaboration et les activités en nature. Faites le Mur, une association située dans le dixième arrondissement de Paris, parvient à proposer une cotisation annuelle de 80 € à ses adhérents pour un accès quasi quotidien au mur d’une salle omnisport appartenant à la mairie. Les horaires sont plus réduits, la salle est partagée avec des clubs de handball et de volleyball, mais pour beaucoup de grimpeurs qui ont commencé l’escalade en salle privée, ces tarifs accessibles sont totalement inconnus. Pour autant, la perspective d’une baisse des tarifs n’est à ce stade qu’une illusion, tant la rentabilité reste un objectif difficile à atteindre pour les salles privées, qui n’ont d’ailleurs jamais cessé d'augmenter leurs prix depuis une quinzaine d’années. En 2020, le Covid a mis un coup d’arrêt au secteur, et après une courte période de relance, l’inflation est venue s’abattre de plein fouet sur les salles comme sur tout le secteur du sport privé. « Le bois coûte plus cher, les ressources humaines et l'électricité aussi, tout comme la taxe foncière  » explique le Président de l’UDSE, sans compter le début des remboursements des prêts garantis par l'État contractés lors de la pandémie. « Il y a encore quelques années, toutes les salles étaient à 15 euros l’entrée, même à Paris. Et au début des années 2000, lorsque j’étais gérant, je me souviens avoir affiché le même prix d’entrée de 10 euros pendant au moins 5 ans. Aujourd’hui, les charges augmentent trop vite, et la croissance est un mal nécessaire pour survivre , » soupire Ghislain Brillet. Malgré nos sollicitations, ni l’UDSE, ni les enseignes contactées pour cette enquête n’ont souhaité partager la répartition, même approximative, des principaux coûts et recettes liés à la gestion d’une salle , ce qui complique la visibilité sur la marge de manœuvre dont elles disposent et les pistes de réflexion pour une escalade plus abordable.  Le plus probable est donc que les salles augmentent encore leurs tarifs dans les prochaines années. Alors que l’escalade connaît un succès croissant, avec de plus en plus de nouveaux adeptes chaque année, sa pratique en salle est donc à la fois chère pour les grimpeurs et difficilement ajustable pour les gérants en quête de viabilité.

  • L’escalade, du contrepied au grand public : quelle voie pour l’avenir ?

    À mesure que l’escalade s’élève dans l’imaginaire collectif, une question surgit : ce succès massif entraîne-t-il un changement d’identité ? Dans une récente vidéo, Hannah Morris dissèque avec finesse cette trajectoire : des murs d’entraînement aseptisés aux collaborations luxueuses, des podiums olympiques aux cafés branchés des nouvelles salles, la grimpe s’est muée en phénomène culturel mondial . Mais en s’offrant au plus grand nombre, peut-elle rester fidèle à ses racines ? Ou, pour paraphraser une crainte contemporaine : le succès tuera-t-il l’âme de l’escalade ? D’une rébellion silencieuse à la pleine lumière Avant que l’escalade ne devienne tendance, c’était une affaire de marginaux et d’inadaptés. Jimmy Chin, alpiniste et documentariste, rappelle : « L’escalade, c’était pour ceux qui ne trouvaient pas leur place dans le sport traditionnel ou même dans la société. » C’était l’époque des pionniers "dirtbags" des années 70, perchés dans la vallée du Yosemite avec pour seul horizon une ligne de fissure à ouvrir. Depuis, la donne a changé. En dix ans, le nombre de salles d’escalade aux États-Unis a grimpé de 76 %, passant de 353 à 622 établissements . Au Royaume-Uni, la fréquentation des salles a bondi de 60 % en quatre ans. En clair, grimper est devenu une option aussi naturelle qu’une séance de fitness. Ce basculement s’explique en partie par la transformation des salles d’escalade. Jadis austères, elles sont désormais des espaces où le design épouse l’expérience utilisateur : des murs colorés, des itinéraires pour tous les niveaux, un café qui propose du flat white. Pour Jed McDonnell, directeur de The Climbing Hangar, cette mutation est logique : « L’escalade en salle n’a plus besoin de l’escalade en extérieur. C’est devenu un sport en soi. » L’effet olympique et hollywoodien : la puissance des images La bascule du sport "underground" vers la scène mondiale n’est pas le fruit du hasard. Trois catalyseurs ont joué un rôle central : le cinéma, les réseaux sociaux et les Jeux Olympiques . Des films comme Free Solo ou The Dawn Wall ont transcendé l’univers des grimpeurs pour capter l’imaginaire collectif. Alex Honnold suspendu sans corde sur El Capitan est devenu une icône planétaire . Sur YouTube, les vidéos d’escalade explosent, tout comme les recherches en ligne, qui ont bondi de 69 % entre 2014 et 2015. Puis, en 2021, l’escalade fait ses débuts olympiques à Tokyo. Sa version compétitive – spectaculaire, nerveuse et accessible – séduit un public mondial. Un sport qui n’offre pas seulement un défi, mais une dramaturgie immédiate, où le corps et l’esprit s’affrontent contre la paroi. La grimpe comme antidote au vide contemporain Si l’escalade séduit autant aujourd’hui, ce n’est pas uniquement pour son esthétique visuelle ou son caractère accessible. C’est ce qu’elle nous offre en retour qui compte. Dans un monde saturé par le numérique et l’immédiateté, grimper propose une expérience concrète, exigeante et sensorielle . Chaque mouvement est un dialogue entre le corps et la paroi, un retour à quelque chose de plus primitif. Alex Honnold le souligne : « Avec la course et la natation, l’escalade est l’une des façons les plus élémentaires par lesquelles l’être humain a négocié son environnement pendant des millénaires. » Pour Kim Bore, philosophe et grimpeuse, cette quête dépasse la performance : « L’escalade ne perd pas son identité. Elle évolue, comme elle l’a toujours fait. » Des grimpeurs "dirtbags" aux pratiquants d’aujourd’hui, chaque génération façonne ce sport à son image. Mais ce qui reste immuable, c’est ce que l’escalade donne : le dépassement de soi et l’appartenance à une communauté . Une salle comme nouvelle agora sociale L’escalade en salle n’est plus un simple espace d’entraînement : c’est un lieu de vie, de rencontre et de partage. C’est ce que découvre Jen, une novice invitée dans la vidéo. Elle arrive avec ses préjugés : « Je pensais que je n’avais pas assez de force, que ce n’était pas pour moi. » Et pourtant, après quelques essais, l’appréhension laisse place à une satisfaction nouvelle : celle d’avoir défié ses limites. Ces espaces modernes n’excluent plus : ils accueillent. On y croise des familles, des jeunes, des quadragénaires en quête de forme, des groupes d’amis qui transforment la séance en rituel hebdomadaire. L’élitisme de l’époque semble s’effacer, comme le rappelle Jed McDonnell : « Combien de fois dois-tu grimper pour être un grimpeur ? Si tu es sur le mur, tu en es un. » Pour beaucoup, l’escalade devient un prétexte : un moyen de retrouver un collectif dans une société qui en manque cruellement . L’époque des grimpeurs solitaires appartient au passé. La nouvelle identité du sport s’ancre dans le lien social qu’il génère. Escalade et capitalisme : les failles d’un succès Mais cette démocratisation a un prix. Le succès attire le capitalisme, et avec lui, le risque de voir l’escalade perdre ce qui faisait son âme. Les collaborations avec Louis Vuitton ou Gucci ont de quoi faire sourire – ou grincer des dents. Delaney Miller, chroniqueuse chez Climbing.com, résume l’ambiguïté : « Ce sport, qui représente pour beaucoup quelque chose d’artistique et spirituel, est devenu plus monétisable que jamais. » Alors, l’escalade risque-t-elle de devenir une simple marchandise ? Peut-être. Mais pour Hannah Morris, la réponse est ailleurs : dans ce que chacun vient y chercher. Certains grimperont pour l’image, d’autres pour la communauté, d’autres encore pour se retrouver face à eux-mêmes. Retrouver le sens, un mouvement après l’autre À travers l’essor de l’escalade, c’est une soif collective qui s’exprime . Une quête de mouvement dans un monde statique. Une recherche d’ancrage dans une époque flottante. Grimpeurs novices ou confirmés, chacun y trouve un espace où l’effort n’est pas vain, où chaque chute est un apprentissage, et où le sommet n’est jamais une fin, mais le début d’autre chose. En cela, l’escalade répond à une question universelle : comment se reconnecter à l’essentiel dans un monde de plus en plus abstrait ? La réponse tient en une prise. Puis une autre. Et l’élan qui nous pousse toujours plus haut. 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